▪ Mi-2011, nous avions posé cette question à nos lecteurs américains : le dollar aura-t-il plus ou moins de pouvoir de d’achat dans le futur ? Début 2009, au plus fort de la crise financière, un litre d’essence coûtait 0,40 $. Déflation. Après beaucoup de hauts et de bas dans les quatre années qui ont suivi, il se situe à 0,83 $ au moment où nous écrivons ces lignes. Inflation. Ils étaient nombreux, les retraités inquiets surveillant leurs revenus en baisse constante.
Evitant le drame, nous avions répondu : vous n’avez pas besoin d’avoir la réponse tout de suite. C’est une question piège.
Le fait est que, vous pouvez utiliser une mesure simple… prendre une décision d’investissement simple… et avoir raison dans tous les cas. La mesure est le ratio Dow-or : le Dow Jones Industrials divisé par le prix de l’or.
Les moments décisifs qui ont marqué le ratio Dow-or ont coïncidé avec les tournants dans l’histoire du marché : le marché boursier a atteint des plus hauts historiques en 1929, en 1966 et en 1999, tout comme le ratio. De même, le marché a enregistré des plus bas historiques en 1932 et en 1980, en même temps que le ratio.
Si l’on se fie aux enseignements de l’histoire, le ratio est en train de revenir à des valeurs de 1 ou 2 de ces plus bas historiques.
Naturellement, la façon dont on y arrive est fondamentale. En période de forte déflation — prenons par exemple le début de 2009, mais en bien pire — l’or pourrait revenir à 1 000 $ l’once et le Dow pourrait plonger jusqu’à 1 000 points. D’un autre côté, un épisode d’hyperinflation — on peut penser à la République de Weimar et ses brouettes pleines d’argent — pourrait faire grimper l’or à 100 000 $ et le Dow à 100 000.
Ces deux scénarios ne sont guère réjouissants. Mais nous n’imaginions pas l’un des deux possible. A la place, nous avancions deux « scénarios plausibles ».
Scénario plausible numéro 1 : L’or atteint 6 000 $ — un chiffre raisonnable si l’on se base sur le fait que l’or a été multiplié par 24 au cours des années 1970. Avec un ratio Dow-or à 2 pour 1, le Dow se situerait autour des 12 200 points.
Scénario plausible numéro 2 : C’est le scénario suggéré mi-2010 par David Rosenberg, économiste chez Gluskin Sheff. Il tablait sur un or à 3 000 $ et le Dow tournant autour de — gloups ! — 5 000 points. C’est là un ratio Dow-or de 1,7 pour 1. Remarque : David Rosenberg est toujours sur ce scénario.
En 2011, nous pensions que le scénario de M. Rosenberg était le plus vraisemblable. Mais 20 mois plus tard, nous sommes obligé de revoir notre position. Nous avons réétudié les mêmes graphiques qu’en 2011… et en avons tiré une autre conclusion.
▪ Un nouveau « marché baissier séculier »
Notre nouvelle réflexion est en partie fondée sur les informations que nous a données notre ami Barry Ritholtz. En 2003, Barry avançait — et il était le seul — que les actions étaient entrées dans un nouveau « marché baissier séculier » — une période long terme mouvementée, traversée de hauts et de bas.
Son assertion en a fait la bête noire dans les dîners mondains — à une époque où le Dow avait grimpé de 27% depuis un plus bas à environ 7 300 points en octobre 2002. Mais sa vision coïncidait avec la nôtre, résumée dans notre première « Transaction de la décennie » en janvier 2000 : « vendez les actions lors des rebonds ; achetez de l’or lors des creux ».
La vision de Barry fut confirmée lorsque le Dow a chuté à 6 549 début 2009.
« En général », explique M. Ritholtz, « les marchés baissiers séculiers sont des périodes longues de trading dans une même fourchette » accompagnées « de rebonds brutaux et de fortes liquidations… sur une grande échelle de temps ».
Selon des recherches menées par Fidelity, ils durent généralement au moins 12 ans et au plus 22 ans. La moyenne est de 14 années et demi. Au cours de ces mauvais épisodes, le marché ne rapporte que 1%. En réalité, une fois l’inflation prise en compte, le marché perd 2,3%.
Nous sommes aujourd’hui au beau milieu du quatrième marché baissier séculier depuis que Charles Dow a mis au point son célèbre indice des titres industriels en 1896. On distingue les quatre marchés baissiers dans le graphique de Merrill Lynch :
Observons de plus près le troisième rectangle de ce graphique — le marché baissier qui a inexorablement puni les actionnaires de 1966 à 1982.
Observons à présent le quatrième rectangle — le marché baissier qui a débuté lorsque la bulle technologique a commencé à éclater début 2000 :
A part les « rebonds brutaux et les fortes liquidations », le marché a atteint des plus bas huit ou neuf ans durant le cycle. Certes, si vous étiez un brillant market-timer, vous auriez pu acheter au plus bas en 1974… mais à moins d’avoir investi aussi intelligemment que Warren Buffett à l’époque, vous n’avez guère raté grand-chose en vous tenant à distance des marchés jusqu’en 1982, lorsqu’un nouveau marché haussier séculier a débuté.
Les trois marchés baissiers qui ont précédé le marché baissier actuel présentent les mêmes caractéristiques. Ce sont les flèches noires dans le graphique du « redoutable quatuor » qui remonte à 1900 — un plus bas à mi-chemin du cycle, un niveau que le Dow n’est pas près de revoir une fois atteint. Cependant, si vous vous étiez tenu éloignés du marché sept ou huit années supplémentaires, vous ne l’auriez pas regretté.
A la lumière de ce schéma répétitif, nous pouvons à présent affirmer que le Dow ne reviendra pas à son plus bas de mars 2009. On ne reverra plus jamais un Dow à 6 549.
Nous vous expliquerons cela vendredi. A suivre…