La Chronique Agora

Qui nous sauvera des sauveteurs ?

** Peut-être que Henry Paulson et Larry Summers (qui s’exprimaient cette semaine dans le Financial Times) avaient raison au sujet de leur plan de sauvetage ! Peut-être que les bureaucrates auraient si bien fait leur travail, en gérant le programme de renflouage, qu’ils auraient pu engranger des profits. Ce qui nous donne une idée, puisqu’on cherche des alternatives au TARP (tel était le nom du plan de renflouage) : pourquoi ne pas le coter en Bourse ? Donnons aux autorités l’occasion de gagner de l’argent, pour une fois… qu’ils mettent leur propre argent dans le sauvetage, aux côté de l’argent des contribuables.

* Voyons ce que le prospectus dirait : "la société rachètera les erreurs de Wall Street à des valorisations supérieures au prix du marché ; plus tard, quand tout ça sera fini, ces ‘actifs’ seront revendus à Wall Street".

* Voyons quelle quantité de son propre argent Paulson parierait sur ce modèle !

* Non, il y a peu de chances de voir le TARP sur les marchés. Dommage. Nous adorerions le vendre à découvert. Dommage aussi parce qu’il serait sympathique donner à M. le Marché une chance de régler tout ça lui-même. Il ferait probablement baisser les actions, les actifs financiers dérivés, les obligations et les maisons — à toute vitesse. Et alors ? "Liquidez les fermiers… liquidez la main d’oeuvre… liquidez les chemins de fer… liquidez les investisseurs…" — en 1929, c’est ainsi qu’Andrew Mellon, secrétaire au Trésor américain, exprimait ses idées sur la manière de laisser M. le Marché gérer une crise financière. Laissez couler ! Laissez M. le Marché faire son féroce ménage. Ensuite, l’économie peut recommencer à se développer — sur une base plus saine.

** Mais cela a peu de chances de se produire. Une fois encore, on lui mettra des bâtons dans les roues. Des bâtons d’une longueur telle qu’on n’en a jamais vue…

* Il faut réglementer, déclarait Dominique Strauss-Kahn au FMI (oubliant peut-être que Fortis était réglementé par des centaines de bureaucrates dans des dizaines de pays différents…).

* "L’heure est venue de sauver le capitalisme des capitalistes", écrit Luigi Zingales, de l’Université de Chicago.

* Que Dieu bénisse les bureaucrates. Les économistes. Les pros de Wall Street. A présent, ils vont nous "sauver"…

* Mais attendez une minute…

* … n’était-ce pas le gouvernement américain qui a donné à Fannie et Freddie une garantie implicite ?

* … n’était-ce pas la SEC qui a été mise en place pour réglementer Wall Street et interdire la vente d’"investissements" instables ?

* … ne parle-t-on pas là des mêmes économistes que ceux qui pensaient que le système financier américain était le meilleur au monde… parce qu’il était si "dynamique… inventif… et flexible" ?

* … n’est-ce pas la Fed elle-même qui prête de l’argent sous le taux d’inflation depuis 2002 ? N’était-ce pas là la principale source de "liquidités" qui a créé une bulle de crédit si énorme ?

* … et Hank Paulson n’était-il pas à la tête de la société la plus hot de Wall Street quand tout cela se produisait ? Est-ce que vous vous souvenez l’avoir entendu prévenir les investisseurs ou les législateurs que le Vésuve de l’hyper-crédit allait exploser ? Nous non, en tout cas…

* Oui, cher lecteur, comme nous l’avions prévu dans ces pages… nous assistons à un changement historique — du capitalisme au socialisme… des marchés à la politique… de l’escroquerie subtile au vol déclaré… d’arnaqueurs en col blanc aux bandits de grand chemin… de la fraude rusée à la force brute.

* Et ensuite… qui nous sauvera des sauveteurs ?

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