La Chronique Agora

Qui est armé contre la faillite de la Grèce ?

▪ Ça y est : comme prévu, la Grèce est sur la route de la faillite. Ce ne sera pas la première fois, la Grèce possède le triste record du nombre de faillites dans l’Histoire de l’Europe : 1826, 1843, 1860, 1893, à égalité avec le Portugal et juste derrière l’Espagne.

Mais cette fois, c’est différent.

Rappelez-vous, il existe un produit dérivé génial : le CDS souverain — ou credit default swap. Cette assurance garantit le souscripteur contre un défaut de paiement. C’est ce qui a permis à nos brillants financiers de toujours souscrire aux emprunts grecs dont les rendements n’arrêtaient pas de monter. Pas grave, puisqu’ils sont assurés, ils pouvaient en truffer votre assurance-vie !

Mais au fait, n’y aurait-il pas des « petites lignes » dans ces assurances financières — et comment les garanties vont-elles s’actionner ?

▪ Les trois formes de défaut couvert par les CDS
– Défaut de paiement
– Répudiation ou moratoire
– Restructuration

Contrairement aux contrats qui couvrent des pays dits douteux (Amérique latine, Europe émergente et Moyen-Orient) les contrats sur l’Europe occidentale (réputée solide) ne couvrent pas un événement spécifique tel que l' »obligation acceleration« .

Vous trouvez, comme moi, curieux qu’un truc aussi pépère qu’une obligation puisse accélérer ? Il s’agit en fait de l’extension du concept de défaillance croisée.

La définition de cet événement de crédit est donnée par l’ISDA — l’organisme qui norme la cuisine financière des dérivés. Si l’obligation A devient payable en raison d’un incident de crédit sur l’une des autres obligations de l’emprunteur, alors le CDS qui couvre l’obligation A est aussi activé.

Donc, en principe, en Europe, il ne pourrait pas y avoir une cascade de CDS qui se déclenchent à cause de la Grèce. Mais cela ne signifie pas pour autant que tout est clair…

L’agence britannique CreditSights fait remarquer que si un défaut de paiement ou une répudiation sont des événements faciles à interpréter, il n’en est pas du tout de même d’une restructuration.

« Une restructuration est, nous pensons, plus applicable à la situation de l’Eurozone et pourrait être suffisamment sujette à interprétation pour permettre aux dettes souveraines de se restructurer sans déclencher une assurance CDS selon les termes du contrat ».

En clair, ceux qui se croient bordés par des CDS vont se retrouver Gros-Jean comme devant pour parler poliment…

Et vous comprenez beaucoup mieux pourquoi c’est ce terme de restructuration (et non celui de moratoire ou répudiation) qui s’étale à la une de vos journaux.

▪ Les cinq critères qui définissent une restructuration
– Une réduction dans le taux ou le montant des intérêts payables ou le montant programmé des charges à payer.
– Une diminution du principal ou de la prime payable à maturité ou aux échéances des remboursements échelonnés.
– Un délai dans le paiement de l’intérêt ou du principal.
– Un changement dans le rang de priorité d’une quelconque obligation, causant la subordination de l’obligation à n’importe quelle autre obligation.
– Tout changement dans la devise de tout paiement de l’intérêt ou du principal

Ces cinq critères s’accompagnent d’une clause qui stipule que ces causes doivent résulter de la détérioration de la qualité de crédit ou des conditions financières de l’entité de référence.

Cette dernière condition est très intéressante. Ainsi, CreditSights explique que « si l’Allemagne sortait de l’euro et revenait au deutschemark ce ne serait pas un incident de crédit car l’Allemagne ne quitterait pas l’euro en raison de la détérioration de la qualité de son propre crédit ou de sa situation financière, mais en raison de la détérioration de celles des autres membres ».

Bref, l’Allemagne pourrait nous laisser dans notre bourbier ce qui nous conduirait à la faillite et les CDS ne s’activeraient pas.

▪ Mmmmm, que retenir de tout ceci ?
– Ceux qui croient être abrités par des CDS ne le sont probablement pas, à savoir des fonds obligataires (ou autres d’ailleurs) qui déclarent pratiquer des couvertures sans préciser de quel type de couverture il s’agit. Vérifiez vos fonds, si vous en avez.
– Les SICAV de trésorerie dites tranquilles vendues par votre « conseiller commercial » au guichet de votre banque sont pourries.
– Les contrats en euro des assurances-vie sont dangereux et votre assureur risque bien lui-même de ne pas être couvert.
– Lorsque les choses deviennent incompréhensibles, il vaut mieux s’abstenir. Pensez au vieux principe qui consiste à n’investir que dans ce qu’on comprend.
– L’or a encore de beaux jours devant lui.

 

[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par les investissements « tangibles » et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières. Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances, et est également rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.]

Première parution dans La Quotidenne de MoneyWeek le 04/05/2011.

 

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