La Chronique Agora

Qu’est-ce qui rend une correction « grande » ? (2)

▪ Nous avons vu hier que jusque dans les années 20, les dépressions aux Etats-Unis étaient relativement courtes. Et puis est arrivée la Grande Dépression elle-même.

Qu’est-ce qui la rendait si Grande ? Les autorités ! Jusque dans les années 30, les autorités ont laissé l’économie américaine se débrouiller toute seule. Les taux d’intérêts ? Ils étaient fixés par les acheteurs et les vendeurs, non par des économistes travaillant pour le gouvernement. La politique monétaire ? La politique budgétaire ? Il n’y en avait pas.

Lorsque l’heure d’une correction était venue, M. le Marché prenait un engin de démolition et abattait les erreurs du précédent boom. Les débris étaient rapidement évacués… et tout reprenait.

Dans les années 30 encore, Andrew Mellon, alors secrétaire au Trésor US, conseilla au président Hoover de tout « liquider ». Son idée était de prêter main-forte à la correction. Plutôt que d’attendre qu’elle fasse son travail, il conduirait lui-même l’engin de démolition.

C’est exactement ce qu’il fit dans les années 20. Il était secrétaire au Trésor US en 1921 également. Au lieu d’essayer de lutter contre le ralentissement de 1921-1923, il l’aida. En lieu et place de « mesure de relance contra-cycliques », il donna au pays des mesures « pro-cycliques ».

C’est-à-dire qu’il n’augmenta pas les dépenses gouvernementales de manière à fournir des stimulants budgétaires à l’économie. Il réduisit les dépenses gouvernementales afin de laisser plus d’argent aux mains des consommateurs, des investisseurs et des chefs d’entreprise.

Et cela fonctionna. A peine 24 mois après avoir commencé, la dépression était terminée… avec un chômage de retour à 5%.

▪ Les bureaucrates peuvent-ils contrôler les marchés ?
Mais le monde avait changé, entre 1921 et 1931. Dans les années 30, les autorités avaient pris le mors aux dents. En Allemagne, les nazis consolidaient leur pouvoir et ramassaient du petit bois pour le Reichstag. En Italie, Mussolini et sa bande enfilaient leurs uniformes bizarres et complotaient pour se refaire un empire. Staline réorganisait l’agriculture soviétique — ce qui provoquerait des millions de morts à cause de la famine.

Dans le reste de l’Occident, les empêcheurs de tourner en rond gagnaient du terrain. Au lieu de remercier Mellon pour sa participation, les autorités le licencièrent ! Quelques mois plus tard, il avait disparu. Et la politique économique américaine se retrouva fermement tenue par les gens qui pensaient pouvoir faire mieux.

Le principe de cette nouvelle politique était que les corrections devaient être arrêtées — à tout prix. Les dépressions devaient être combattues. Les faillites devaient être empêchées… Les marchés devaient être contrôlés ! Par des bureaucrates !

C’est cette nouvelle politique qui fit de la Grande Dépression ce qu’elle a été. M. le Marché voulait peut-être corriger ses erreurs, mais les autorités ne l’ont pas laissé faire. La dépression a continué, par intermittences, tout au long des années 30… et 40. Elle n’a pas vraiment pris fin avant les années 50.

On aurait pu s’attendre à ce que les autorités apprennent de leurs erreurs. Comparé aux politiques de laisser-faire d’Andrew Mellon, leur activisme était un échec sur toute la ligne.

Apprendre ? Vous plaisantez. Nous sommes à présent dans la sixième année de la crise qui a commencé avec l’effondrement des subprime en avril 2007. Donne-t-elle signe de ralentir ? De toucher à sa fin ?

Non.

Les autorités américaines ont lutté contre la correction à chaque instant… avec tout ce qu’elles ont à leur disposition. Elles ont essayé les stimulants monétaires — mettant les taux à zéro. Elles ont essayé les relances budgétaires — avec des déficits se montant à 1 000 milliards de dollars sur les quatre dernières années… et ne semblant pas près de se combler. Elles ont essayé des mesures « non-conventionnelles » — comme le QE1, le QE2 et le twist. L’année dernière, la Fed a financé plus de 60% du déficit américain par de l’argent imprimé. Et elle a multiplié ses détentions de dette américaine par 3,5 environ depuis 2008 — de 479 milliards de dollars en septembre 2008 à 1 660 milliards en mars 2012.

Alors attachez votre ceinture. Installez-vous confortablement. Détendez-vous.

La correction finira par faire son oeuvre. Mais ça pourrait prendre beaucoup, beaucoup de temps.

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