La Chronique Agora

Dans quel pays stocker ses métaux précieux ? (3/3)

Après la Suisse et le Liechtenstein, nous clôturons aujourd’hui notre analyse des meilleurs pays où stocker vos métaux précieux.

Comme le Liechtenstein (160 km²), dont nous parlions lundi, Singapour est un micro-Etat (720 km²). (La Suisse, abordée hier, s’étend quant à elle sur 41 000 km²). Ou, plus exactement, une cité-Etat composée de 63 îles, et située à l’extrême sud de la péninsule malaise.

L’histoire de Singapour telle que nous la connaissons aujourd’hui est beaucoup plus récente que celle du Liechtenstein ou de la Suisse. Devenue indépendante de l’empire britannique en 1958, rattachée à la Malaisie en 1963, puis redevenue indépendante en 1965, Singapour est connue pour sa fulgurante ascension économique.

Misérable dans les années 1950, dragon asiatique dans les années 1980, le pays était en 2017 le quatrième pays du monde en termes de PIB à parité de pouvoir d’achat par habitant, selon les chiffres du FMI.

Ici, point de famille royale qui puise ses racines dans le XIIème siècle à l’instar du Liechtenstein, mais un homme, Lee Kuan Yew, qui a gouverné le pays au poste de Premier ministre de 1959 à 1990, après avoir supervisé la séparation de Singapour de la Malaisie. Résultat de ces 30 ans de règne sans partage : Singapour est un « miracle économique ».

A l’origine de ce succès sans précédent, une localisation au cœur des routes maritimes commerciales mondiales : Singapour est devenu le deuxième plus grand port de conteneurs au monde en termes en termes de tonnage, après celui de Shanghaï. Ajoutons à cela une proximité avec la Chine, et on a deux facteurs qui ont facilité la transformation de la cité-Etat en hub d’affaires et financier mondial. Mais ce n’est pas tout. 

Une stabilité politique sans précédent

Décidant de la destinée du pays de manière autoritaire, Lee Kuan Yew a fait de Singapour une entité souvent qualifiée de « démocratie autoritaire » ou de « dictature bienveillante ». Son fils Lee Hsien Loong est d’ailleurs devenu le troisième Premier ministre du pays en 2004, après l’ère Goh Chok Tong (1990-2004).

En 54 ans, Singapour a connu trois Premiers ministres, tous issus du même parti politique, ce qui en fait l’un des pays les plus stables politiquement.

Ayant fait passer en force le libéralisme économique au détriment du libéralisme politique, Lee Kuan Yew a installé l’une des économies les plus compétitives au monde, où il est le plus facile de faire des affaires. Le système juridique singapourien est parmi les plus efficaces et les plus respectueux de la propriété privée, et sa bureaucratie occupe une place parmi les plus réduites au monde.

Classement du Global Competitiveness Report 2019 du World Economic Forum

Lee Kuan Yew a imposé sa volonté d’une main de fer dans un environnement économique pauvre et composé d’une population très hétérogène (la sécession de la Malaisie est consécutive aux confrontations ethniques au sein d’une population très majoritairement composée de Chinois). Voici le résultat, si l’on considère la situation sur un plan purement économique :

Sur le plan militaire, Singapour n’a bien entendu pas eu à traverser de guerre mondiale depuis son indépendance. L’ADN de la cité-Etat a cependant été forgé dans le rapport de force permanent qui oppose ce confetti territorial aux mastodontes que sont ses voisins proches et éloignés. Ce n’est pas pour rien qu’Israël a été le premier Etat à reconnaître l’indépendance de Singapour en 1965, et a formé la première armée du pays…

Singapour a ensuite dû faire face à des menaces d’invasion par l’Indonésie en 1968, alors que la Malaisie a tenté de saboter le décollage économique de la cité-Etat sécessionniste, lorsqu’elle n’a pas tout simplement cherché à précipiter une réunification.

Des points noirs au tableau malgré tout

Le revers de la médaille, du point de vue des habitants de l’archipel et de l’investisseur international, c’est que la cité-Etat n’a pas une réputation extraordinaire en ce qui concerne le respect des libertés individuelles. Sous le règne de Lee Kuan Yew, comme le rappelle Wikipédia :

« [Le pays a affiché] l’un des taux de peine de mort [toujours en vigueur pour des motifs assez futiles aux yeux d’un Occidental] les plus élevés au monde, et par un usage généralisé de la détention administrative, illimitée et sans jugement, infligée tant aux délinquants qu’à des opposants politiques. […] 

Dans les faits, le Parti d’action populaire (PAP) domine la politique singapourienne depuis l’indépendance. Le mode de gouvernement se rapproche plus de l’autoritarisme que d’une démocratie multipartiste. […] Quant au président, théoriquement élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, sa réélection le 17 août 2005 n’en était pas vraiment une car elle s’est faite sans vote : en effet, Sellapan Ramanathan était le seul candidat au jour de l’élection, les autres candidats ayant été disqualifiés parce qu’ils ne remplissaient pas les critères nécessaires… des critères mis en place par le gouvernement et qui incluent l’obligation d’avoir eu un poste important dans le service public. L’actuelle présidente, Halimah Yacob, a été élue le 14 septembre 2017. […]

 Les lois sur le comportement social sont réputées très strictes (certains disent que ‘tout ce qui est amusant est interdit à Singapour’). Le maintien de l’ordre est assuré par un corps de police dont la plus grande partie des membres agit en civil, permettant ainsi de surveiller toute entorse à la loi de manière plus efficace. La législation est d’ailleurs appliquée strictement tant aux nationaux qu’aux étrangers. Ainsi, le taux de criminalité de Singapour figure parmi les plus bas du monde, les rues étant sûres à toute heure. »

Les curieux qui consulteront la section « Ordre et contrôle des mœurs » de la page Wikipédia consacrée à cette république finiront peut-être par se dire qu’il ne fait pas si mauvais vivre en France…

Sur le plan politique, le pays se distingue donc radicalement du Liechtenstein et de la Suisse, même si son administration est l’une des moins corrompues au monde.

Stoeferle et Valek (S&V) sont cependant optimistes au sujet de cet Etat leader économique au sein de sa zone géographique et qui continue de mûrir politiquement.

Les deux Autrichiens ne sont pas les seuls, puisque Singapour accueille toujours autant de ressortissants internationaux très fortunés qui viennent s’y établir. Cet afflux renforce le statut de Singapour en tant qu’Etat présentant la plus forte concentration de millionnaires en dollars US sur la planète.

Et pour cause, comme le relèvent S&V :

« Alors que les discussions sur les impôts sur la fortune se font de plus en plus régulières en Occident, le contrôle des capitaux reste socialement et culturellement inacceptable à Singapour. La liberté économique est considérée comme un droit ultime à Singapour, le gouvernement agissant en tant que gardien et arbitre de ce droit pour ses citoyens. »

D’ailleurs, le système légal singapourien offre une absence de taxe sur les plus-values en capital et méconnaît les taxes sur les produits et services sur les métaux précieux, ce qui ne manquera pas de faire se dresser les oreilles de l’investisseur en métaux précieux.

La diversification, la meilleure stratégie pour diluer le risque

Voici la conclusion que proposent S&V sur l’épineuse question des pays de stockage :

« Alors que l’Europe avance de plus en plus sur la voie de la centralisation et que les tensions économiques et sociales sont de plus en plus présentes sur tout le continent, la Suisse et le Liechtenstein pourraient être perçus comme situés au cœur d’une tempête en formation.  

En revanche, Singapour pourrait être mieux lotie et même avoir un avantage concurrentiel à cet égard, non seulement en raison de son éloignement géographique par rapport à l’Europe, mais aussi parce qu’elle pourrait offrir une diversification supplémentaire en étant dans la sphère économique et géopolitique asiatique plutôt qu’en Europe.

 […] Les trois juridictions ont un dossier convaincant en faveur du stockage sécurisé de l’or du point de vue de la stabilité et des droits de propriété privée. »

Les deux différences principales entre ces deux groupes de candidats se situent au niveau de leur gouvernance (démocratie vs. régime autoritaire) et au niveau de leur localisation géographique, ce qui est appréciable du fait de la diversification ainsi rendue possible.

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