La Chronique Agora

Quatre-vingt deux pas en arrière

** Quatre-vingt deux pas en arrière… un pas en avant. Bienvenue dans le Meilleur des Mondes de la finance gouvernementale américaine.

– A l’automne dernier, sans même un murmure de la part des autorités élues, l’ancien secrétaire au Trésor des Etats-Unis a distribué 170 milliards de dollars aux incompétents d’AIG. La semaine dernière, l’actuel président des Etats-Unis a triomphalement annoncé que son nouveau budget "économiserait" 17 milliards de dollars grâce à l’élimination de 121 programmes fédéraux.

– En d’autres termes, dix pas en arrière… un pas en avant.

– Et il y a pire. Le nouveau budget d’Obama comprendra également de nombreux éléments de "non épargne" qui produiront à eux tous un déficit budgétaire estimé à 1,38 milliers de milliards de dollars en 2010 — un chiffre 82 fois supérieur aux économies de 17 milliards de dollars tant vantées par Obama.

– N’oublions pas non plus que les estimations "réelles" du déficit fédéral ajouteraient plusieurs centaines de milliards de dollars aux 1 380 milliards de dollars de prévisions optimistes du gouvernement. Il faut également garder à l’esprit que ces derniers mois, le gouvernement a ajouté des milliers de milliards de dollars — littéralement — de garanties directes et implicites au côté "passif" de son bilan.

– Dans un tel contexte, ces 17 milliards  ne ressemblent pas à des économies ; ils ressemblent simplement à une petite goutte de crédit que le gouvernement n’a pas encore avalée. Un petit détail, les amis : de l’argent qu’on n’emprunte PAS ne constitue pas de "l’épargne". Ce fait élémentaire n’empêche pas les politiciens, les investisseurs professionnels ou les journalistes d’utiliser le vocabulaire de la frugalité pour décrire l’une des fièvres de crédit les plus brûlantes de l’histoire de l’humanité.

– L’arithmétique pure ne semble pas jouer de rôle dans le débat budgétaire américain. En ce moment, tant que la personne qui rédige vos discours est douée et que la population est docile, on peut transformer n’importe quel acte d’idiotie fiscale en icône de prudence budgétaire.
 
– Rappelons toutefois, pour le principe, que des lignes de crédit intouchées ne sont pas de l’épargne. Et rappelons aussi que les pays n’amassent pas de richesse en amassant de la dette. Pourtant, c’est exactement la stratégie que les Américains suivent depuis de nombreuses années… et c’est aussi exactement la stratégie que le gouvernement US actuel suit dans le but de renouer avec la prospérité.

** Cette stratégie ne fonctionnera pas… mais elle pourrait être bonne pour les fanatiques de l’or.

– "Ce qui marque la grandeur de notre Grande récession ne sont ni les pertes d’emploi ni la réduction du PIB", déclare James Grant, rédacteur de la lettre Grant’s Interest Rate Observer, "mais l’immensité de la réponse fédérale à ces afflictions. L’ampleur de l’intervention gouvernementale est plus que sans précédent ; avant 2008, elle était inimaginable".

– "Pour essayer d’exorciser la Grande dépression, le président [américain] Herbert Hoover avait déployé des stimulants fiscaux et monétaires équivalents à 8,3% du produit intérieur brut", déclare Grant. "Pour bannir les démons de 2008-2009, les administrations successives ont dépensé ou poussé à imprimer l’équivalent de 28,9% du PIB. S’il se basait uniquement sur ces faits, un macroéconomiste venant de la planète Mars ne pourrait jamais deviner combien la dépression [de 29] était plus sévère que la récession actuelle. Le déclin du PIB réel entre août 1929 et mars 1933 se montait à 27% ; celui qui s’est produit entre décembre 2007 et aujourd’hui n’est qu’à 1,8%… Si bien que pour un ralentissement dont la gravité représente un quinzième de la Grande dépression, les docteurs économiques du 21ème siècle ont administré un traitement plus de trois fois plus coûteux".

– Qu’est-ce que tout cela signifie ? Eh bien, probablement quelques petites choses au moins. La première, c’est que le gouvernement américain dévaluera sa devise pour le bien de l’économie. L’affaiblissement du dollar semble l’un des meilleurs paris à prendre sur les trois à cinq prochaines années. Deuxième chose, la réponse démesurée du gouvernement signifie que les finances nationales américaines seront désastreuses durant des années et des années. Personne ne peut emprunter 1 000 milliards de dollars sans en payer le prix d’une manière ou d’une autre… pas même le pays le plus riche du monde.

– Le rebond boursier des deux derniers mois implique que l’économie est en train de se remettre. Mais c’est un mensonge. L’économie ne se remet pas. Elle se contracte… dans quasiment tous les secteurs et de quasiment toutes les manières. Une reprise, ça prend du temps.

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