La Chine serait le deuxième plus grand pays détenteur de réserves officielles d’or après les Etats-Unis…
L’analyste néerlandais Jan Nieuwenhuijs a analysé le marché de l’or chinois de fond en comble. Tout récemment, il a mis à jour ses estimations des réserves d’or du secteur privé et du secteur officiel.
Quelle quantité d’or le secteur privé chinois détient-il ?
En septembre 2023, Jan Nieuwenhuijs (JN) estimait que la population chinoise avait accumulé 24 698 tonnes d’or à juin 2023.
Comment la population chinoise a-t-elle accumulé un tel magot ?
Voici ce que JN détaille dans un article de février 2023, publié sur Gainesville Coins :
« Selon le rapport 2010 sur le marché de l’or en Chine (China Gold Market Report 2010), co-rédigé par la PBoC, la Chine est devenue un importateur net d’or dans les années 1990. Cela signifie que depuis lors, la production minière nationale chinoise n’a franchi aucune frontière. »
Puis, dans le cadre de la libéralisation du marché de l’or chinois, « en 2004, l’interdiction formelle de possession de lingots par les Chinois a été levée et l’investissement privé a décollé ». « En 2007, le marché chinois de l’or a fonctionné comme prévu par la PBoC puisque année-là, la totalité de l’offre et la demande est pour la première fois passée par le SGE », raconte JN.
Pour calculer les réserves privées, JN part d’une estimation de Precious Metals Insights (PMI) à 2 500 tonnes d’or en 1994. A cette base correspondant essentiellement à des bijoux, JN a ajouté : « La production minière annuelle et les importations non monétaires depuis 1994 […]. De ce total, [il a] soustrait les ajouts ouvertement déclarés par la PBoC avant 2007, car ils provenaient probablement en partie de mines nationales. »
Si l’on divise ces 24 000 tonnes et des brouettes par 1,4 milliard de chinois en 2022, on arrive à 17 grammes d’or par habitant. « Les réserves d’or non monétaires de la Chine sont proches de la moyenne mondiale », laquelle se monte à un peu plus de 20 grammes par habitant, commente JN.
Quelle quantité d’or détient (vraiment) la Banque centrale de Chine ?
Pour reprendre la formule de JN, le montant réel des réserves d’or monétaires de la Chine est « l’un des secrets les mieux gardés de la planète ». Voilà, en effet, des décennies que la Banque populaire de Chine (PBoC) communique de manière opaque au sujet du montant de ses réserves officielles. Naturellement, cette sous-estimation des stocks d’or réels de la Chine fait l’objet de moult spéculations.
L’hypothèse la plus argumentée me semble être celle proposée par JN le 22 février 2023, sur le site de Gainseveille Coins, et plusieurs fois mise à jour depuis. S&V ont d’ailleurs sollicité l’analyste néerlandais pour qu’il en publie une synthèse dans le rapport IGWT 2023.
Début novembre 2023, JN estimait dans son dernier chiffrage que les réserves officielles d’or de la Chine se montaient aux alentours de 5 220 tonnes à fin septembre 2023, soit plus de 3 000 tonnes de plus que les 2 192 tonnes alors déclarées.
La dernière annonce de la PBoC au sujet du montant de ses réserves date du 7 novembre 2023 : elle indiquait alors officiellement détenir 2 215 tonnes d’or.
Réserves officielles de la PBoC (millions d’onces, 1979 – 06/2023)
Cela ferait de la Chine le deuxième plus grand pays détenteur de réserves officielles d’or, après les Etats-Unis.
Si l’on considère cependant les pays membres de la zone euro comme un seul et même groupe, alors la donne n’est plus la même puisque nous autres, Européens, réunissons plus de 10 000 tonnes d’or monétaire.
Voilà qui est fort intéressant, mais encore s’agit-il de le prouver.
Comment déterminer le véritable montant des réserves d’or officielles de la Chine ?
Le problème est le suivant, explique JN : « La croissance des réserves d’or de la PBoC ne peut pas être évaluée en suivant la quantité d’or extraite ou importée en Chine, car la quasi-totalité de cet or est vendue au secteur privé par l’intermédiaire du Shanghai Gold Exchange. » Il s’ensuit que « toute analyse des réserves d’or de la PBoC fondée sur les statistiques officielles des importations et sur l’approvisionnement des mines nationales est erronée ».
D’innombrables sources ont confirmé que la PBoC ne se fournit pas en or sur le SGE. JN avance trois raisons qui expliquent cette situation du point de vue de la PBoC :
- payer ses achats d’or moins cher, l’or du SGE se négociant souvent avec une prime positive par rapport à l’étranger ;
- diversifier ses réserves de change en achetant de l’or principalement en dollars, ce qui est impossible sur le SGE où les contrats sont libellés en renminbis ;
- acheter de l’or secrètement, sans laisser de trace dans le domaine public, ce que permet le fait de payer en dollars à l’étranger. L’explication tient au fait que « l’or monétaire est exempté de déclaration dans les données douanières internationales lorsqu’il traverse les frontières (l’or non monétaire n’en n’est pas exempté) », écrit JN.
En résumé, le circuit logistique est le suivant : la PBoC acquiert de l’or à l’étranger avec des dollars américains par l’entremise de grandes banques d’Etat chinoises sur différents marchés de gré à gré auprès de bullion banks et de raffineries (par exemple, en Suisse ou en Afrique du Sud), avant de faire expédier le métal à Pékin sans laisser de trace dans les rapports de douane.
C’est grâce à des renseignements fournis par ceux qui traitent de près avec la PBoC (banquiers des bullion banks, employés de raffineries et des entreprises de logistique sécurisée…) que JN est arrivé à cette conviction.
Quid des chiffres ?
C’est ce que nous verrons dans notre prochain billet…