La Chronique Agora

Quand l’UE se mêle des augmentations de salaires

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La Commission européenne a récemment proposé une directive qui a séduit la majorité du Parlement mais qui, si elle semble positive en apparence, pourrait avoir un impact très négatif sur tous les salaires…

Le mois dernier, le Parlement européen a décidé par 403 voix pour, 166 contre et 58 abstentions, d’entamer des négociations avec les gouvernements de l’UE, sur une proposition de la Commission pour une directive sur la transparence des salaires.

Les députés demandent que les entreprises de l’UE comptant au moins 50 employés (au lieu des 250 initialement proposés) soient tenues de divulguer des informations, permettant aux personnes travaillant pour le même employeur de comparer plus facilement les salaires, et de mettre en évidence tout écart de rémunération entre les sexes dans leur organisation. Les outils permettant d’évaluer et de comparer les niveaux de rémunération doivent être basés sur des critères non sexistes, et inclure des systèmes d’évaluation et de classification des emplois non sexistes.

Une obligation élargie

Selon le communiqué de presse du Parlement :

« Si les rapports salariaux révèlent un écart de rémunération entre les sexes d’au moins 2,5% (contre les 5% proposés par la Commission), les Etats membres devront veiller à ce que les employeurs, en coopération avec les représentants syndicaux, procèdent à une évaluation conjointe des salaires et élaborent un plan d’action. »

Certains Etats membres, dont la France, disposent déjà de règles similaires.

En Autriche, une obligation de déclaration de deux ans s’applique aux entreprises privées comptant au moins 150 employés. Elle exige que les rapports sur les revenus indiquent le salaire moyen ou médian ventilé par sexe, en équivalents temps plein par catégorie d’emploi, le niveau de qualification indiqué dans la convention collective, ainsi que le nombre d’employés masculins et féminins par catégorie d’emploi.

En Belgique, l’obligation de déclaration des rémunérations sur deux ans, introduite par la loi de 2012 sur l’écart de rémunération entre hommes et femmes, est également limitée au secteur privé, mais elle s’adresse aux entreprises d’au moins 50 salariés. Les données à communiquer portent sur le salaire de base moyen et les indemnités, ventilés par sexe, par catégorie de salariés, le niveau d’emploi, la classe d’évaluation des emplois (si elle est appliquée), l’ancienneté et le niveau d’éducation.

La France exige des entreprises de 50 salariés ou plus (et, sous une forme plus détaillée, des entreprises d’au moins 300 salariés) qu’elles établissent chaque année des « rapports comparatifs sur l’égalité » concernant la situation des hommes et des femmes employés, en termes de qualification, de recrutement, de formation, de rémunération, de conditions de travail et d’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Par rémunération, on entend le salaire mensuel moyen par catégorie d’emploi.

Les limites d’un système bureaucratique

Si l’Union européenne décide d’aplanir activement l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes par le biais de la transparence des salaires, elle créera des effets pervers au sein des entreprises, qui tueront l’incitation à demander une augmentation.

Appliquons ce système à un exemple concret : imaginons que vous écrivez des articles de médias (qui est mon cas), et que vous renégociez le taux que vous recevez par article. Vous finissez par recevoir cette augmentation. Comme cela crée un écart salarial entre les sexes au sein de l’entreprise pour laquelle vous travaillez, l’ensemble du personnel féminin doit également bénéficier de votre augmentation, et – comme la balance penche alors dans l’autre sens – tous les autres membres du personnel masculin recevront également plus.

J’ai été personnellement dans ce cas au sein d’un média, qui ne pouvait que me garantir une augmentation si elle augmentait les revenus de tous les autres contributeurs externes. Il était impossible de rémunérer un contributeur plus productif et plus prolifique, à moins qu’il ne possède des qualifications éducatives supérieures – même si celles-ci n’ont que très peu d’influence sur les qualités journalistiques globales.

Si l’entreprise ne peut pas se permettre d’augmenter les salaires de tout le monde, il est plus probable qu’elle n’accordera pas d’augmentation du tout. Paradoxalement, si l’entreprise n’embauche QUE des hommes, cela serait tout à fait légal, si elle parvient à ne pas donner l’impression qu’elle l’a fait sélectivement sur la base du sexe.

Ignorer les causes

L’idée selon laquelle les entreprises ne devraient pas pratiquer de discrimination purement fondée sur le sexe est correcte. Il s’agit d’un principe arbitraire qui n’a pas sa place dans une société civilisée. Cela dit, l’idée selon laquelle l’absurdité des statistiques sur l’écart salarial entre les sexes est la preuve d’une misogynie structurelle est tout à fait ridicule. Les femmes et les hommes font des choix différents en matière d’éducation et de travail – des différences qui ne sont pas prises en compte dans ces statistiques.

Cette nouvelle directive, qui est en préparation depuis quelques années et qui a fait l’objet d’une demande féroce de la part de partis de gauche au Parlement européen, fera également peser sur les entreprises une bureaucratie supplémentaire. Dans de nombreux Etats membres, les entreprises hésitent déjà à dépasser la barre des 49 employés, car cela leur impose de nombreuses charges administratives et syndicales. En 2012 déjà, Bloomberg publiait un article qui répondait à la question : « Pourquoi la France compte tant d’entreprises de 49 employés ».

C’est aussi une grande victoire pour les syndicats, qui auront un regard encore plus intense sur les ressources humaines des entreprises, ce qui compliquera chaque décision contractuelle et fera de la renégociation un champ de mines pour l’employeur. Êtes-vous un patron qui souhaite récompenser un employé par une augmentation ? Attention, vous risquez de passer pour un sexiste.

On ne peut s’empêcher de remarquer qu’un système qui pousse les employeurs à payer chaque travailleur exactement de la même manière, indépendamment de sa productivité, a déjà été essayé auparavant. Si seulement je pouvais me souvenir du nom de ce système…

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