** La semaine dernière, le journal canadien Globe and Mail parlait d’un miracle.
* "Les prix record du brut acculent une société pétrolière US à la faillite". Nous avons dû relire le titre. Ce n’était pas une erreur. Même avec les cieux les plus dégagés de ces 33 dernières années pour le secteur du pétrole, la société de marketing pétrolier SemGroup, basée à Tulsa, a réussi à se trouver une flaque assez profonde pour se noyer.
* Nous avons parlé hier des 5,7 milliards de pertes de Merrill Lynch. Même avec les gens les plus intelligents de Wall Street aux commandes, la société n’a pas réussi à éviter de lourdes pertes. Et avant cela, Fannie et Freddie avaient toute notre attention. Les prêteurs jumeaux avaient un jeu truqué en leur faveur — mais ils semblaient incapables de gagner.
* Comment était-ce possible ? Comment des hommes d’affaires aussi expérimentés ont-ils pu se tromper à ce point ? Pour une fois, le président des Etats-Unis semble avoir bien compris les choses. Il a déclaré que Wall Street était "saoul". La fête est allée un peu loin, aurait-il pu ajouter. Des lampes ont été cassées, et une rixe a éclaté dans le parking. A présent, les financiers doivent "se dégriser", a continué le président.
* Cette métaphore en vaut une autre. Mais si nous étions chargé de remplir un procès-verbal, nous aurions tout de même quelques questions. Nous voudrions savoir qui a fourni l’alcool gratuit… et pourquoi. Personne ne nous a posé la question, mais nous allons donner une réponse malgré tout dans les prochains paragraphes.
** Ces deux dernières décennies, le pourcentage de l’économie US dédié aux dépenses de consommation a grimpé, grimpé et grimpé — passant de 67% du PIB à 72%, une énorme augmentation. Les consommateurs ont goûté aux excès de dépenses — et ça leur a plu. Ensuite, ils ont été poussés à boire plus encore par les gens qui fournissaient l’alcool — les autorités. Dans une économie de consommation, raisonnèrent-ils, la croissance provient des dépenses de consommation. Si les consommateurs ne dépensent pas assez, la croissance ralentit. Ainsi, afin de stimuler la croissance du PIB, il était parfois nécessaire de "pousser" les consommateurs à dépenser plus — en leur donnant une nouvelle dose de ce dont ils avaient le moins besoin : du crédit facile.
* Suite à la récession de 2002, un environnement extrêmement "stimulant" a produit une fête particulièrement animée. La Fed a baissé son taux directeur à 1% — et l’a laissé à ce niveau durant un an. Des taux de prêt extrêmement bas ont fait grimper en flèche le prix des maisons. Les consommateurs ont découvert que; non seulement; ils pouvaient emprunter en s’appuyant sur la valeur en hausse de leurs maisons, mais qu’ils pouvaient également en "retirer de la valeur", pensant qu’ils n’auraient jamais à l’y remettre. A mesure que les choses évoluaient, les ménages ont pu emprunter 6 800 milliards de dollars supplémentaires, dont 4 200 milliards ont été dépensés en consommation.
* Mais tout le monde pensait que les prix des maisons continueraient à grimper. Hier, on apprenait par exemple qu’IndyMac — qui vient de faire faillite — utilisait des modèles de finances hypothécaires basés explicitement sur une hausse éternelle des prix de l’immobilier.
* Toute l’économie de consommation fonctionnait à peu près comme l’industrie de la finance. On faisait des profits lorsque des ventes étaient faites — non quand le paiement était encaissé. Que le consommateur achète un robot-mixer ou une maison à deux étages en banlieue, le vendeur s’accordait un bonus quand le contrat était signé. Quelqu’un d’autre n’aurait qu’à s’inquiéter de récupérer la somme due !
* Case/Shiller rapporte que les prix des maisons ont chuté de 15,8% en mai par rapport à l’année dernière. A présent, le nantissement de la finance hypothécaire voit son prix chuter, et les acheteurs ne règlent pas leurs factures comme ils le devraient (bien entendu, nous n’avons pas entendu parler d’agents immobilier offrant de rendre leurs commissions…).
* Maintenant que le prix des nantissements chute, les pauvres consommateurs commencent à avoir mal. A moins qu’on ne trouve une autre arnaque leur permettant de continuer à dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas, ils vont devoir réduire leur train de vie. En fait, à mesure que les prix des maisons reviennent à leur niveau d’origine, il semble assez probable de voir la partie du PIB composée par les dépenses de consommation faire de même. Et devinez quoi Si les dépenses de consommation revenaient à 67% du PIB, cela entraînerait une chute des dépenses se montant à 700 milliards de dollars par an — ce qui suffirait à effacer complètement toute la "croissance".
** Pendant ce temps, la ville de New York annonce qu’elle se trouve confrontée à un déficit budgétaire de 2,3 milliards de dollars. Et l’administration Bush laisse un déficit d’un demi-millier de milliards de dollars à la prochaine personne assez folle pour vouloir habiter la Maison-Blanche.
* Nous savons ce que vous pensez, cher lecteur : critiquer, critiquer, critiquer… c’est tout ce que nous faisons, à La Chronique Agora.
* "Que peut-on faire pour remédier à cette situation ?", demandait une participante à la conférence financière de Vancouver la semaine dernière. "Que feriez-vous si vous étiez élu président ?" continua-t-elle.
* "Je demanderais à ce qu’on vérifier les machines de vote", avons-nous répondu. "Par ailleurs, il n’y a pas de solution à certains problèmes. Lorsqu’on emprunte trop, on souffre quand il faut rembourser ; c’est comme ça".