La Chronique Agora

Quand même les hausses de taux deviennent de bonnes nouvelles, préparez les anoraks !

** Nous anticipions une pause dans le mouvement de rebond des marchés mais le CAC 40 n’a pas souhaité obéir jusqu’au bout au mot d’ordre de consolidation générale. Il a affiché un gain de 0,15% à quelques minutes de la clôture et il s’en est fallu de peu pour qu’il réussisse à inscrire une cinquième séance de hausse consécutive, après 8,5% repris avec la même aisance qu’une hirondelle se laissant aspirer au sein d’un courant d’air ascendant par une fin d’après-midi estivale.

Mais Paris s’est essayé au vol stationnaire au cours de la dernière heure de cotations hier. La journée d’hier s’est terminée sur un score de parfait équilibre (à 4 327,2 points), à l’issue d’une séance nettement moins active que la veille (5,2 milliards d’euros après 10,4 milliards d’euros).

Précisons toutefois que les volumes avaient été artificiellement gonflés par le réaménagement des portefeuilles indiciels à la veille de la fusion de Suez et Gaz de France. Il ne subsiste donc plus que 39 titres au sein du CAC 40, en attendant que le "comité scientifique" d’Euronext désigne d’ici la rentrée un quarantième et nouvel élu.

Les opérateurs deviennent plus sélectifs et l’actualité des entreprises n’était guère porteuse. Le SBF 120 — peut-être plus représentatif de la tendance — s’effritait de 0,14%, ce qui reflète assez fidèlement la tendance générale puisque l’Euro Stoxx 50 cédait modestement 0,23%.

La journée avait plutôt mal débuté en Europe dans le sillage des valeurs bancaires et des opérateurs de téléphonie mobile. L’ambiance a été très tôt plombée par le warning de Vodafone puis d’American Express. Les pertes ont rapidement atteint 1,5% à Paris et 2% à Londres. Cependant, les vendeurs n’ont pas poursuivi leur contre-attaque au-delà de la fin de la matinée et les écarts à la baisse se sont stabilisés autour de -0,7% en pré-ouverture à Wall Street.

L’ambiance boursière s’est ensuite nettement réchauffée avec la soudaine remontée du dollar à partir de 16h. Elle s’est même accélérée en fin d’après-midi, provoquant une rechute symétrique du pétrole. Le baril a ainsi perdu jusqu’à 3,75% hier soir et s’est enfoncé sous les 127 $, ce qui confirme notre hypothèse d’une consolidation jusque vers 122 $ (plancher du 4 juin dernier).

** Les cambistes ont reçu 5 sur 5 le message délivré — sans que personne ne lui ait rien demandé — par le président de la Fed de Philadelphie, Charles Plosser. Il plaide en faveur d’une remontée des taux afin d’enrayer la spirale inflationniste aux Etats-Unis.

Soit M. Plosser agit de son propre chef, et cela pourrait traduire des impatiences frustrées au sein de la Fed, soit c’est le premier à lancer — sur injonction de Ben Bernanke — un ballon d’essai afin de déterminer si les marchés sont prêts à digérer une hausse imminente du loyer de l’argent.

Un tel changement de cap de la politique monétaire (vers un durcissement) constitue rarement une bonne nouvelle… mais dans le cas présent, cela favorise le dégonflement de la spéculation sur le pétrole et un apaisement des craintes de voir les Etats-Unis s’enfoncer dans la stagflation.

A notre avis, l’économie américaine n’échappera pas aux eaux glacées de la stagflation mais elle pourrait disposer du temps nécessaire pour se verser un peu d’eau sur la nuque avant de plonger, ce qui rendra sur le coup le choc thermique moins douloureux. Pour la suite de la baignade, cela ne change pas grand’ chose : il faut être capable de ressortir avant que les lèvres ne bleuissent et que les muscles ne tétanisent, sinon c’est la noyade assurée.

American Express vient de prévenir qu’en termes de chiffre d’affaires il n’espérait plus nager une longueur complète d’ici la fin de l’année 2008, vu les conditions météo qui s’annoncent polaires au cours des prochains mois.

Apple voit également un ralentissement de la demande au second semestre, comme si le marché des biens de consommation ressentait les premiers effets d’un engourdissement par le froid.

** Henry Paulson, le secrétaire d’Etat américain au Trésor présentait hier son plan de sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac. Le gouvernement envisage d’emmitoufler ces deux pauvres entités toutes congelées par la crise des subprime dans un frêle manteau de 25 milliards de dollars d’épaisseur.

Compte tenu des 5 200 milliards de dollars d’encours détenus par ces institutions, leur offrir un financement de 25 milliards de dollars équivaut à tenter de les réchauffer en plein blizzard au moyen d’un coton démaquillant !

C’est dérisoire et pourtant Wall Street tente de se persuader que c’est mieux que rien ! Freddie et Fannie voyaient leur température corporelle rechuter de 6% à 10% mais les opérateurs pensent qu’ils en ont vu d’autres et qu’ils s’en remettront.

Le Dow Jones qui n’a pas tardé à effacer ses pertes initiales pour afficher +0,4% à mi-séance alors que le S&P 500 revenait à son tour à l’équilibre. La surprise provenait du Dow Transport qui effectuait un bond de 3,7%. Rassurez-vous, il n’y a en la circonstance nul prodige : c’est la réaction classique, quoi que légèrement excessive, des titres du secteur aérien sur fond de rechute du pétrole.

Les résultats des compagnies aériennes publiés outre-Atlantique ces derniers jours sont globalement en-deçà des attentes. Wall Street a cependant déjà pricé beaucoup de mauvaises nouvelles, et notamment des hypothèses de coût du kérosène (boosté par un baril à 150 $) qui ne se matérialiseront peut-être pas… tout du moins pas dans l’immédiat.

Nous avons fait le pari que le rebond des indices boursiers ne durerait que le temps de la consolidation des prix de l’énergie : nous n’avons pas le timing mais l’expérience des précédents épisodes correctifs nous enseigne que la spéculation se dégonfle en quatre à six semaines.

Cela nous laisse potentiellement l’espoir d’un mois de rebond du CAC 40 ou du Dow Jones mais nous gardons les anoraks et une chapka à portée de main : les orages de grêle sont parfois violents en plein mois d’août.

Philippe Béchade,
Paris

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