La Chronique Agora

Quand la Monnaie de Paris mène l'arnaque

Depuis lundi, les nostalgiques de monnaie en métal précieux peuvent se jeter sur des pièces de cinq euros en argent, et rongent leur frein pour quelques semaines encore en attendant celles de 15 et 100 euros — cette dernière étant en or. La Monnaie de Paris frappe à nouveau des pièces et il est vrai que faire tourner une pièce ronde et brillante entre ses doigts a toujours été plus agréable que de tenir un billet froissé. Ces pièces sont à destination des collectionneurs, mais nous pourrons tout de même faire nos courses avec en France — et seulement en France. Une légère entorse à la monnaie unique.

Le PDG de la Monnaie de Paris, Christophe Beaux, cite à l’envi les grands-parents qui pourront offrir ces "Euros Or et Argent" à leurs petits-enfants. Et ainsi leur enseigner la valeur de l’argent et de l’épargne. Chers grands-parents, méfiez-vous.

Un système de calcul biaisé
La première offre de la Monnaie de Paris consiste en des pièces de cinq et 15 euros en argent et des pièces de 100 euros en or, en attendant, pour 2009, des pièces de 10 et 25 euros en argent et une de 250 euros en or. Puis, en 2010, des pièces de 50 et 500 euros en or. Chaque année, les "Euros Or et Argent" seront réédités avec un millésime différent. De quoi ravir collectionneurs et grands-parents. Et pourtant, s’il est vrai que la valeur sentimentale d’un objet peut être inestimable, ces pièces-là ne valent pas les euros bien ordinaires qu’il faudra débourser pour les acquérir.

Le cours de l’argent et de l’or et la composition des pièces sous les yeux, une calculatrice dans la main, nous avons trouvé que la pièce de cinq euros valait en réalité 1,50 euros d’argent pur. Nous la payons donc 3,33 fois son prix d’argent pur. Celle de 15 euros représente une valeur de 4 euros en argent pur, soit moins de trois fois son prix. C’est encore la pièce de 100 euros en or qui est la plus intéressante : elle équivaut à 60 euros d’or pur. Nous payons donc 1,66 fois l’or qu’elle contient. Quant aux futures pièces de 2009 et 2010, leur poids en métaux précieux n’a pas encore été fixé.

Certes, il faut frapper et distribuer ces pièces. Mais n’est-ce pas payer un peu cher la silhouette de Marianne ?

Les poches trouées des économies occidentales
Pourtant, nous comprenons le pouvoir d’attraction de ces pièces en métaux précieux. Il s’agit d’une tradition, disparue à l’apparition de l’euro, avec laquelle certains seront heureux de renouer. Mais surtout, les métaux précieux attirent de plus en plus de monde, même si le dernier repli de l’or a donné quelques sueurs froides aux propriétaires de métal jaune.

L’or sert de refuge face à des monnaies fiduciaires à la dérive. Comme nous vous l’expliquions, ni le dollar ni l’euro ne sont forts, malgré leurs hausses alternées. Aujourd’hui, notre confiance s’est érodée et notre bon sens nous indique que notre argent ne vaut plus grand’chose. L’économie mondiale a plongé dans un gouffre dont, n’en déplaise aux optimistes, nous ne connaissons pas encore la profondeur.

Les Etats-Unis se déchargent de leurs dettes sur les épaules du reste du monde et continuent de creuser leur déficit. Celui prévu pour 2009 pulvérise d’ailleurs tous les records : il atteindra 482 milliards de dollars. Le sujet est au coeur de la campagne présidentielle américaine, les candidats étant sans cesse questionnés sur leurs méthodes pour limiter — nous n’oserions dire combler — ce déficit.

Quant aux pays occidentaux, ils n’ont aucune maîtrise de leurs déficits commerciaux et nationaux. Or quand les nations n’ont plus les moyens, elles font chauffer la planche à billets. Aujourd’hui, la masse monétaire en circulation dans nos pays est bien supérieure à la création de richesse. Une équation dont le résultat ne peut être que l’inflation. Des dépréciations de monnaies pourraient certes rééquilibrer la balance.

Personne pourtant n’a envie de voir ses économies dépréciées ou perdre leur valeur sous l’effet de l’inflation. L’or est un rempart contre ces deux problèmes. C’est pourquoi son cours est passé de 250 $ en 2003 à 850 $ en 2007. Soit une augmentation de plus de 35% par an pendant quatre ans. S’il connaît aujourd’hui un repli autour de 800 $, il devrait à nouveau grimper.

Si, en attendant, votre sentimentalisme vous pousse à acheter des "Euros Or et Argent", rien n’est perdu. Il vous suffit de vous armer de patience. Lorsque l’or aura atteint 1 000 euros l’once et l’argent 30 euros l’once, ces pièces ne seront plus une arnaque. Aujourd’hui, une once d’or, qui pèse 3,1 grammes se négocie 572 euros.

Meilleures salutations,

Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora

(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six mois à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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