La Chronique Agora

Malgré le QE, la Fed reste impuissante concernant l’emploi US

▪ Un "effet de richesse" boosterait très certainement l’économie américaine. La hausse des actions et des prix de l’immobilier est censée entraîner une nouvelle ère de prospérité. Si c’est le cas, pourquoi alors la prospérité ne se répand-elle pas largement et uniformément à travers toute l’économie ?

La réponse se trouve dans les booms alimentés par l’inflation. Ils transfèrent le pouvoir d’achat des épargnants vers ceux qui ont un accès privilégié à la masse monétaire créée, c’est-à-dire Wall Street et les bénéficiaires des dépenses du gouvernement fédéral.

L’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE) de la Réserve fédérale est la source du boom inflationniste.

Cette nouvelle masse monétaire inonde la ville de New York, par exemple, faisant monter les prix. Cela crée l’illusion de prospérité. La situation ne pourra durer que tant que ce nouvel argent continuera d’affluer. Tant que cela continue, les déficits fédéraux semblent sans douleur, presque plaisants. Mais sans les rotatives, les épargnes doivent être consacrées au financement de l’émission de bons du Trésor plutôt qu’à d’autres usages.

Les responsables politiques nous parlent à présent du déficit US, qui diminue rapidement. Mais une hausse des dépenses sociales d’un autre âge nous attend certainement à l’avenir.

A mesure que la montagne de dettes publiques et privées continue d’augmenter, il est nécessaire d’assouplir la politique monétaire. Sinon, l’illusion de richesse disparaîtra. C’est à ce moment que la demande de liquidités explosera et que la dette commencera à agir en tant que point d’ancrage, entraînant l’économie dans la crise. Un mouvement semblable a poussé la Fed à commencer ses opérations d’impression désespérées fin 2008.

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▪ Argent facile, conséquences difficiles
Paul Brodsky, ancien de QB Partners, travaille aujourd’hui chez Kopernik Global Investors. Ses lettres d’investissement proposent des perspectives intelligentes sur les problèmes globaux. Dans une lettre publiée cette semaine, Brodsky évoque l’impératif de l’argent facile :

"Washington augmente les dépenses d’argent public et le plafond de la dette qui en découle. Il oblige la Fed à continuer sa politique d’assouplissement quantitatif pour que le gouvernement puisse continuer à subventionner les incitations économiques qui diminuent dans le secteur privé (un mécanisme de transfert réellement difficile). Le problème ici est que nous avons une feuille de route bien établie et une tendance inflationniste très bien établie. Le public ne semble pas l’avoir encore compris : la grande majorité des épargnes et des investissements est garantie par nantissement dans des monnaies qui ne sont pas diluées et n’ont pas à être grandement diluées dans le futur".

"La Fed doit augmenter le QE (pas le diminuer) parce que la dette systémique augmente plus rapidement que la production et que les taux d’intérêt sont déjà nuls  [c’est moi qui souligne]. Il y a quelques années, mon collègue Lee Quaintance faisait remarquer que la Fed tenait une allumette en feu. Cela reste vrai aujourd’hui, seulement il ne s’agit plus d’une allumette mais d’une bombe prête à exploser. Treize années avant que ne s’effondre le marché actions américain, onze années après le discours de Bernanke, cinq années après l’éclatement de la bulle immobilière et quatre années à s’attaquer à une politique d’intérêts à taux zéro rendue nécessaire et à mener des opérations de refinancement long terme, les autorités monétaires globales semblent être à court de nouveaux débouchés pour le crédit".

Brodsky inclut le graphique suivant montrant le crédit (ou la dette) total(e) en dollars américains divisé par le PIB nominal. Il explique pourquoi, en termes d’économie réelle, les politiques des banques centrales sont devenus inefficaces : "le plateau élevé à droite suggère que la croissance continue du crédit lutte pour maintenir la production économique. Autrement dit, les Etats-Unis produisent aujourd’hui plus de nouvelle dette que de biens et de services".

"Ce que l’on ne veut pas voir", conclut Brodsky, "c’est que si les politiques économiques qui ciblent une hausse du PIB nominal peuvent faciliter le service des intérêts de la dette (si la croissance du PIB provient de la croissance de la demande plutôt que de l’inflation des prix), elles ne facilitent pas le remboursement de cette dette".

▪ Que va faire la "prochaine" Fed ?
Janet Yellen, qui est désignée pour remplacer le président de la Fed Ben Bernanke en 2014, réfléchit probablement beaucoup à la manière d’utiliser l’inflation pour cibler le PIB nominal. Pour elle, un PIB nominal plus élevé conduira à plus d’emplois. Afin de mettre en oeuvre un tel plan, elle devra maintenir le rythme rapide du QE. Le diminuer serait hors de question. Au contraire, une augmentation du QE pourrait être au menu de sa politique.

Ce n’est pas aussi simple, comme le souligne Brodsky. Le QE liquéfie simplement les actifs intégrés dans les bilans bancaires. Il n’a pas amélioré — ni n’améliorera — l’économie réelle, ni le marché de l’emploi. Ainsi, le récent ralentissement du nombre d’emplois ADP malgré le rythme effréné du QE.

Je suis d’accord avec l’analyse de Brodsky selon laquelle le QE ne peut pas stimuler l’économie réelle. Les chiffres du marché de l’emploi devraient rester amorphes du fait de facteurs qui n’ont rien à voir avec une pénurie de la masse monétaire. Une nouvelle masse monétaire ne peut guérir la maladie dont est atteint le marché de l’emploi. En fait, en renflouant les vieilles bulles et l’activité économique improductive, le QE travaille contre l’établissement d’un marché de l’emploi en bonne santé et durable.

Cela soulève une question intéressante : comment la Fed pourrait-elle réagir si le marché de l’emploi continuait à s’affaiblir malgré le QE ? Pensez-vous réellement que la Fed abandonnerait le QE ? Pas à moins qu’elle ne souhaite risquer de libérer l’affreuse spirale déflationniste. Non, on s’attendrait plutôt à ce que la Fed augmente le QE en réponse à un encore plus grand affaiblissement du marché de l’emploi.

Les traders pendus au moindre mot de la Fed concernant le calendrier de la diminution du QE n’ont pas compris le schéma global : le QE n’a pas le pouvoir de booster cette économie saturée de dettes. Mais la Fed ne peut plus faire demi-tour à présent. Elle est allée trop loin dans la création d’une illusion de richesse.

Les valorisations boursières sont proches des plus hauts historiques, ce qui laisse peu de place à d’autres hausses ; les prix de l’immobilier ne peuvent continuer d’augmenter sans amélioration du marché de l’emploi ; et les métaux précieux attireront de nouveaux investisseurs à la recherche d’une assurance contre les conséquences ultimes d’un QE infini.

C’est une situation bien fâcheuse quand il ne nous reste plus que des illusions de richesse…

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