La Chronique Agora

Les produits dérivés : un risque représentant trois fois le PIB mondial

▪ Les produits dérivés sont « la viande et les produits à base de viande » des marchés financiers. Ils ont l’apparence, le goût et l’odeur des titres boursiers normaux mais quasiment personne ne comprend pourquoi nous en avons besoin avant toute chose. Après tout, qu’est-ce qui ne va pas avec la viande toute simple ? Ou pour formuler la question autrement : le boeuf assaisonné en boîte représente-t-il réellement une avancée par rapport au steak ?

Plus important encore, pouvons-nous faire confiance aux marchés des produits dérivés ? Peuvent-ils être toxiques ? Peuvent-ils exposer les marchés financiers à des effets secondaires catastrophiques ?

Nul ne le sait vraiment… et puisque les rats de laboratoire refusent d’en consommer, nous devons évaluer les risques des produits dérivés en se fondant sur des suppositions, des théories et des conjectures. Par conséquent, je me dévoue pour le bien commun et me propose de vous fournir quelques suppositions, théories et conjectures à propos des marchés de produits dérivés, aujourd’hui en forte expansion.

Le marché mondial des produits financiers dérivés est énorme, c’est incontestable. Mais l’effet destructeur potentiel de ces titres obscurs, opaques, est très discuté.

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Les défenseurs des produits dérivés financiers avancent souvent des arguments comme : « Certes, les marchés des produits dérivés sont énormes sur une base brute mais relativement modestes sur une base nette« . Selon cette logique, une banque qui a acheté pour une valeur de 1 000 milliards de dollars de swaps de taux d’intérêt espagnols à un premier vendeur mais qui a vendu à son tour pour 1 000 milliards de dollars de swaps de taux d’intérêt espagnols à un tiers a une « exposition nette » nulle.

D’un point de vue mathématique, cette assertion est juste. D’un point de vue réaliste, c’est une illusion. Si les marchés financiers doivent buter sur un nid-de-poule ou deux, cette « exposition nette nulle » a le potentiel de se comporter beaucoup plus comme une exposition brute de 2 000 milliards de dollars. Comment ? C’est très simple. Si l’une des parties ou plusieurs parties de ces énormes transactions manque à ses obligations, elle déclenche un effet domino. Très simple… et pas difficile à imaginer.

▪ Lehman n’était qu’une simple bande-annonce
En fait, nous avons déjà vu la bande-annonce de ce film d’horreur. La faillite de Lehman Brothers en 2008 n’a pas uniquement sonné le glas d’une banque d’investissement prestigieuse mais également celui d’une importante contrepartie à plusieurs contrats de produits dérivés. Sans Lehman, des milliards de dollars « d’exposition nette nulle » sont du jour au lendemain devenus des milliards de dollars d’exposition pure et simple — c’est-à-dire de risque non couvert.

C’est à ce moment que le Trésor US a arrêté la cascade de dominos à coups de milliers de milliards de dollars de billets fraîchement imprimés et de garanties gouvernementales. Résultat : les dominos ont non seulement cessé de tomber mais les banques de Wall Street ont également pu rapporter leurs dominos renversés à la Fed pour les échanger contre de l’argent liquide. Malin, n’est-ce pas ?

Mais qu’arrivera-t-il la prochaine fois ? La puissance de crédit et la complaisance de l’Etat américain suffiront-elles pour empêcher une catastrophe sur les marchés des produits dérivés ?

Nul ne le sait — encore moins les types assis au-dessus de cet énorme tas fumant d’expositions au risque. Voici le topo…

▪ Ce qu’est vraiment l' »exposition nette »
Sur les marchés des produits dérivés, le terme « exposition nette » sous-entend un sentiment de certitude et de fiabilité — un sentiment d’équilibre finement calibré. En réalité, vue de plus près, « l’exposition nette » ressemble à deux ivrognes appuyés l’un sur l’autre. L’équilibre net entre les deux ivrognes est le seul facteur de risque pertinent, avancent les défenseurs. Tant que les deux ivrognes s’appuient l’un sur l’autre, tous deux peuvent s’enfiler autant de verres de tequila qu’ils le veulent. Sur une « base nette », ils se comportent comme s’ils étaient complètement sobres.

Mais que se passe-t-il si l’un des ivrognes tourne de l’oeil et tombe à la renverse au lieu de pencher vers son compère ? « Cela n’arrivera pas », telle est la réponse experte de l’industrie des produits dérivés. « Cela n’arrivera pas. Ne vous inquiétez pas. Les quatre plus grandes banques opérant sur les marchés des produits dérivés maintiennent des niveaux d’exposition nette tout à fait raisonnables ».

Je n’en suis pas convaincu. Je soupçonne que ces niveaux d’exposition nette ne sont raisonnables… que jusqu’au moment où ils ne le seront plus. En outre, ces expositions augmentent rapidement. Depuis 2000, la valeur nominale des encours sur les produits dérivés américains a augmenté 10 fois plus vite que le PIB mondial. Au dernier comptage, les banques américaines avaient créé plus de 200 000 milliards de dollars de produits dérivés, selon l’Options Clearing Corporation — une somme colossale, équivalente à environ trois fois le PIB mondial !

Encore plus effrayant, cet hallucinant amas de risque est fortement concentré à l’intérieur même de l’industrie financière. A elles seules, quatre banques détiennent 94% de tous les encours sur les produits dérivés. L’exposition de JP Morgan à elle seule est supérieure au PIB mondial… tandis que l’exposition brute de Bank of America, Citigroup et Goldman Sachs n’est guère très loin.

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