L’or, actif financier et monnaie ultime, ne se multiplie pas à l’infini. Mais l’or de synthèse pourrait-il arriver un jour ?
Hier, je vous parlais des projets d’exploitation des éléments précieux présents dans certains astéroïdes. Aujourd’hui, nous allons aborder un sujet certes moins médiatisé mais tout aussi crucial pour l’évolution du marché de l’or.
« Changer les métaux vils en argent ou en or, guérir les maladies et prolonger la vie humaine au-delà de ses bornes naturelles », telles étaient les trois propriétés essentielles qui ont conduit les alchimistes du Moyen Age à rechercher la pierre philosophale, expliquait le vulgarisateur scientifique Louis Figuier.
Aujourd’hui encore, une croyance répandue au Mozambique veut que les potions concoctées à base de tête d’hommes chauves – censées contenir de l’or – garantissent la richesse. Il ne s’agit pas d’une mauvaise plaisanterie : la BBC rapportait ce mois de juin la survenance de crimes rituels contre cinq personnes dans le centre du pays.
Je passe sur la rumeur selon laquelle des chercheurs d’une université indienne auraient assuré en 2016 avoir trouvé 10 à 30 milligrammes d’or par litre d’urine des vaches locales, ainsi que sur les tentatives d’extraction de l’or des océans, qui n’ont pas donné grand-chose depuis que Fritz Haber, prix Nobel de chimie 1918, s’y est essayé en vue de rembourser la dette allemande.
J’en profite également pour préciser que la théorie selon laquelle des OVNI mineraient de l’or liquide dans les volcans reste circonscrite à quelques cercles d’ufologistes.
A ce jour, toutes les tentatives visant à transmuter des métaux vils en métal précieux ou à devenir riche en ingérant de l’or ou des organes humains ont échoué. En revanche, plusieurs avancées scientifiques récentes en matière de production artificielle d’or prouvent que ce type de travaux doit être surveillé de près.
Sera-t-il un jour possible de fabriquer de l’or en laboratoire ?
L’équipe dirigée par le professeur A. J. Shaka de l’Université Irvine de Californie est parvenue en 2011 à reproduire en conditions de laboratoire ce qui se passe à l’échelle de l’explosion d’une étoile (supernova). En bombardant pendant 23 heures des isotopes de mercure dans un réacteur nucléaire pour en déloger un neutron, on parvient à obtenir de l’or pur. Ce processus nécessite cependant une décharge électrique phénoménale que seule l’énergie nucléaire permet de produire. L’opération est aujourd’hui loin d’être rentable sur le plan financier.
Des chercheurs de l’Université du Michigan ont réalisé en 2012 une avancée majeure dans la discipline qu’ils ont nommée « l’Alchimie microbienne » en découvrant que la bactérie Cupriavidus metallidurans est capable d’excréter des micro-pépites d’or 24 carats après ingestion de chlorure d’or. Cette méthode de production artificielle n’est pas non plus rentable.
Au Canada, une équipe de recherche de l’Université McMaster de Hamilton a identifié en 2013 que la bactérie Delftia acidovorans se protège grâce à un mécanisme de défense particulièrement étonnant au sens où elle transforme les ions toxiques d’or en nanoparticules d’or et les amasse autour d’elle en quelques secondes sous forme d’une micro-pépite non-toxique de couleur pourpre. En clair, cette « chercheuse d’or », qui présente bien des avantages sur les produits couramment utilisés dans l’industrie pour produire ce type de particules, pourrait permettre de concevoir des méthodes diminuant la pollution générée par l’activité d’exploitation minière*.
Le précédent des diamants synthétiques
Sera-t-il bientôt possible de créer de l’or en laboratoire ? Je l’ignore. Ce que je sais en revanche, c’est que nous avons un exemple de création artificielle d’un élément précieux avec le diamant synthétique, autrement appelé diamant de synthèse ou diamant de culture.
Depuis le début du XIXe siècle, les chimistes ont bataillé pour reproduire la structure des diamants naturels. La première véritable synthèse date des années 1950. 10 ans plus tard, les diamants de culture commençaient à être utilisés dans l’industrie, ce qui occasionna une chute de la valeur des diamants naturels destinés à ce secteur. Il faut attendre le milieu des années 1990 pour les voir arriver dans la joaillerie.
Vendus entre 10% et 50% moins cher que les diamants naturels, leur production atteignait trois milliards de carats (600 tonnes) en 2006, contre 130 millions de carats (26 tonnes) pour l’extraction minière de diamants naturels.
Il est difficile de distinguer un diamant synthétique d’un diamant naturel. Compte tenu de la technologie actuelle, les premiers présentent l’inconvénient d’être limités en taille, mais rien n’exclut qu’ils ne finissent par avoir des propriétés identiques aux diamants naturels.
Nous surveillerons donc de près les avancées des travaux de recherche portant sur la création d’or synthétique. Finalement, rien n’exclut que Thomas Edison se soit trompé que de quelques années lorsqu’il prévoyait en 1911 que l’Homme aurait découvert comment transformer le fer en or d’ici 2011…
En attendant, nous pouvons continuer à considérer que l’or reste une monnaie non inflationniste.
* Comme je le rappelle dans mon livre :
« Mise au point en 1887 afin d’exploiter de manière rentable les gisements découverts en Californie et en Australie, la technique d’extraction de l’or par cyanuration, la plus utilisée au monde, est hautement polluante. Elle permet de récupérer jusqu’à 97% du minerai, contre 60% à 75% pour l’amalgamation au mercure, technique à laquelle elle s’est substituée. »