La Chronique Agora

Et vous, que ferez-vous lors de la prochaine crise ?

▪ Lors d’une vraie crise financière, les gens s’accrochent aux choses tangibles.

Suite au Krach de 29, par exemple, ils se sont rués vers les banques et ont retiré tant de cash que 10 000 banques ont fermé — elles étaient à court de fonds.

Durant la crise de 2008-2009, les gens ne savaient plus quoi penser. Dans une ère d’argent à crédit, qu’est-ce qui est réel ? En l’occurrence, ils se sont aussi précipités sur le cash. Selon le représentant du Congrès Paul Kanjroski, membre du Comité de surveillance de l’industrie financière, les déposants ont retiré 550 milliards de dollars en moins de deux heures — ce qui aurait mis sur la paille tous les fonds monétaires et toutes les banques des Etats-Unis en une journée.

Pour rappel, cher lecteur, nous nous sommes lancé sur une longue route tortueuse. Nous flânons en chemin, anticipant gaiement la fin du monde. Ce que nous essayons de comprendre à présent, c’est de quelle manière notre système monétaire moderne basé sur le crédit survivra à la prochaine crise. Lors d’une crise, on peut être certain que les gens voudront avoir "de l’argent" sous la main ; ça a toujours été ainsi. Mais comment peut-on accumuler de l’argent qu’on ne peut pas voir ? Comment peut-on stocker du crédit ?

▪ A quoi faire confiance lorsque la confiance disparaît ?
Tous les systèmes financiers subissent des chocs de temps à autre. Lorsque c’est le cas, les promesses voient généralement leur valeur chuter à pic. Personne ne sait à coup sûr qui peut payer et qui ne peut pas. Personne ne peut emprunter parce que personne ne veut prêter. Le crédit disparaît. Ce qui reste, c’est le cash — les espèces sonnantes et trébuchantes.

La Fed peut intervenir comme elle l’a fait en 2008 et promettre tout le crédit du monde. Mais à quoi sert-il durant une vraie crise financière ?

Imaginez le concessionnaire local. Il entre dans sa banque pour refinancer son prêt :

"Est-ce que vous vendez des voitures, en ce moment ?" lui demande son conseiller.

"Vous plaisantez ? Personne n’achète".

"Eh bien, je ne peux pas vous prêter d’argent, dans ce cas ; vous ne pourrez pas rembourser".

Peu importe que la Fed fournisse de l’argent à la banque — même à taux zéro. Aux yeux de la banque, mieux vaut conserver l’argent qu’encaisser une perte sur un prêt.

A présent, imaginez ce scénario appliqué à l’ensemble de l’économie. Le crédit est peut-être disponible. Mais pas pour ceux qui ont désespérément besoin de liquide. De toute façon, c’est le crédit qui a causé la crise : trop de gens doivent trop d’argent qu’ils ne peuvent pas payer.
           
Oui, la Fed offrira une quantité infinie de crédit. Elle promettra qu’"aucune banque ne fera faillite". Mais cela ne rendra pas les entreprises insolvables soudain profitables. Cela ne poussera pas les gens à acheter des voitures, ou construire des maisons, ou dépenser de l’argent. Les actions seront divisées par deux. La croissance du PIB deviendra négative. Les ventes de l’immobilier cesseront.

▪ Crainte et incertitude
Vous pouvez aussi imaginer — parce que nous l’avons vécu si récemment — comment les banques et les entreprises réagiront à la nouvelle que leur nantissement est en train de céder sous leurs pieds. Elles trancheront dans les lignes de crédit. Elles annuleront les investissements. Elles licencieront par centaines de milliers. Elles feront défaut sur leurs propres dettes et refuseront de prêter à qui que ce soit d’autre.

La crainte et l’incertitude se répandront. L’économie tout entière — et tous ceux qui y participent — se rueront vers le liquide. Des files se formeront devant les distributeurs automatiques. En quelques heures, le cash aura disparu.

Pourquoi est-ce que ça ne s’est pas produit en septembre 2008 ? Cela a presque été le cas. Mais trois choses ont empêché un effondrement total :

– Il y avait moins de dette qu’aujourd’hui ; 8 000 milliards de dollars en moins aux Etats-Unis, 57 000 milliards dans le monde entier.

– L’économie mondiale était toujours en mode croissance, avec la Chine toujours à +8% par an. Les matières premières devenaient plus chères. Il y avait encore de nombreux secteurs dans lesquels l’investissement rapportait.

– La Fed avait encore quelques munitions avec lesquelles lutter contre le retournement. Son taux directeur était de 2%. Il frôle désormais le zéro.

Il aurait mieux valu laisser la crise de 2008-2009 se régler d’elle-même. Les marchés libres sont remarquablement robustes et se guérissent tout seul. Au lieu de ça, les diplômés qui travaillent pour le Trésor US et la Fed pensent pouvoir faire mieux. Ils ont lutté contre un problème de dette excessive en donnant encore plus de dette au monde. Résultat : ils ont un système plus vulnérable que jamais.

Tandis que tout ça a largement enrichi les banques, leurs petits amis et les spéculateurs, ça n’a fait qu’aggraver la situation des classes moyennes. Il y a moins d’emplois "réels" aujourd’hui qu’en 2007, et le revenu médian réel des ménages américains est lui aussi plus bas. En 2009, le président de la Fed était rangé, dans l’imaginaire populaire, quelque part entre Abraham Lincoln et Jésus-Christ. Après six années d’échec… avec des méthodes politiques qui volent si ouvertement la majorité pour profiter à une minorité… le public sera moins prêt à croire qu’un nouveau messie vient à la rescousse lorsque la prochaine crise aura lieu.

Méfiants et craintifs, ils n’attendront pas pour se précipiter vers les distributeurs de billets.

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