La Chronique Agora

Première monnaie d’Etat et première arnaque

relique barbare

La monnaie-métallique fut une innovation économique majeure par rapport à un système monétaire fondé sur la dette. Ceux pour qui l’or est une relique barbare méconnaissent l’Histoire.

Il est très regrettable que l’histoire de la finance ne soit pas enseignée. Car toutes les bêtises ont déjà été faites ; les costumes et les décors changent mais les intrigues sont presque toujours les mêmes. Hélas, faute de connaître le passé, les mêmes arnaques se reproduisent.

Avant de m’effacer devant Ron Paul et son « plaidoyer pour l’or », je voudrais remettre l’or à sa place historique. Celle de monnaie saine d’abord imposée par l’usage privé.

L’or est une monnaie-marchandise. Nous vivons actuellement dans un monde de monnaie-dette depuis 1971, date de la fin du Gold Standard ou encore de l’étalon-or. Nous parlons de ce système comme du « créditisme », par opposition au capitalisme.

Comme l’explique le professeur Antal Fekete dans Le retour au Standard Or, la monnaie de ce système est une « valeur négative » (la dette) tandis que la monnaie de l’ancien était une « valeur positive » (les métaux).

L’or est souvent qualifié du terme méprisant de « relique barbare » par ceux qui se réclament du camp du bien et du progrès. Ils semblent ignorer que l’or fut une avancée technique révolutionnaire. Ils oublient qu’avant la monnaie-métallique, au commencement était la dette, comme le rappelle David Graeber dans son ouvrage Dette : 5 000 ans d’histoire.

En effet, le troc devient vite incommode dès qu’il n’est plus possible d’avoir un échange instantané comme : « un silex taillé contre une de tes peaux de bison ». Que faire si la réponse est « désolé, je n’ai pas besoin de silex, mais plutôt de sel… » ? Ou même si l’échange proposé est un contrat à terme « un silex contre les défenses du mammouth que je vais tuer avec ton silex » ?

Oui : l’économie d’avant la monnaie-métallique était donc sous l’emprise du « créditisme ». En dehors du troc, il y avait la dette. Qui dit dette dit témoins, registres, et surtout confiance. Sans surprise, les témoins et teneurs de compte se trouvaient dans le clergé et le pouvoir politique.

Le métal comme monnaie permit d’augmenter et d’étendre les échanges. Au lieu d’échanger quelque chose contre quelque chose, on échangeait quelque chose contre de la monnaie-métallique. Cette monnaie était elle-même quelque chose qui avait le mérite d’exister sans registres, sans scribes, sans témoins, sans confiance. Les échanges se multiplièrent, les monnaies aussi. Les premières monnaies étaient privées. Les plus fiables devenaient les plus prisées, peu importe qui les émettait ; certains émetteurs de monnaies appréciées étaient des pirates ! L’or et l’argent se sont petit à petit imposés par l’usage.

Même avec ces métaux nobles, Aristote – qui contrairement à Platon défendait la monnaie-marchandise – note dans Politique que contrôler l’or ou l’argent et la pureté (titrage) de ces métaux, peser mais aussi vérifier les moyens de pesage ralentissent les transactions.

Entre en scène, au VIème siècle avant Jésus-Christ, Alyatte, richissime roi de Lydie et père de Crésus., qui va émettre la première monnaie signée et frappée par un Etat (Philippe Simonnot et Charles Le Lien, La Monnaie, histoire d’une imposture).

Compter suffit, plus besoin de peser ou d’analyser un métal. La monnaie devient ainsi un « service public ».

Dès les premières années d’existence de cette monnaie officielle, les dérives commencèrent. Voilà que Crésus a des ambitions pour la Lydie : elle vient d’échapper aux griffes de l’Assyrie et Crésus entend mettre sous sa coupe plusieurs cités grecques marchandes. Les impôts tombent, sous la forme de prélèvements et de tributs (Olivier Picard, L’Invention de la monnaie et les Empires, de Crésus à Cyrus le Perse et aux Grecs, La Nouvelle Revue géopolitique, numéro 106, juillet 2009.)

Sournoisement, Crésus dilue l’électrum naturel en augmentant la part d’argent. L’électrum naturel comporte près de 75% d’or, l’électrum artificiel des statères de Crésus n’en comportait plus que 50 à 55%. Sachant que la valeur relative de l’argent et de l’or était à l’époque de un à 10, les bénéfices du Trésor lydien furent gigantesques. L’affaire se termina cependant mal pour Crésus qui fut limogé par les Perses. Ces derniers imposèrent alors leur système monétaire en or.

Ce qui est important dans cette histoire et qui n’échappera pas à votre immense sagacité, cher lecteur, c’est que l’or permet de s’affranchir des « autorités de tutelle ». Ceci est utile puisque la première monnaie étatique fut aussi la première à être manipulée par son émetteur qui prétendait en être le garant.

En ce sens, le « créditisme » est une régression qui permet simplement à la puissance publique plus de souplesse pour enfumer une population naïve. C’est la monnaie-dette qui est une relique barbare et non pas l’or !


Votre contrat d’assurance-vie peut-il survivre au « créditisme » ? Comment l’organiser pour affronter des rendements qui s’érodent ? Les réponses sont ici.


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