** Hier, alors que les baromètres boursiers dégringolaient au fond de véritables gouffres indiciels, nous écrivions que la noirceur des scénarios macroéconomiques créaient les conditions d’un rebond, que nous jugions imminent.
En effet, à force d’anticiper, comme nous y encourageait Ben Bernanke mardi dernier, un ralentissement économique sévère, une chute de la demande de carburant — General Motors va réduire de deux tiers la production de ses 4×4 les plus gourmands — et un fort ralentissement de la croissance chinoise après les jeux de Pékin, les investisseurs les plus haussiers sur le pétrole se demandaient si l’or noir n’avait pas atteint le maximum de son potentiel en tutoyant les 147 $ autour des 3 et 11 juillet derniers.
Ceux qui espéraient le voir coter 150 $ auront certainement commencé à vendre dès que les cours ont franchi le cap des 145 $ ; alors imaginez la tentation de sortir à seulement 2% de l’objectif ! De grosses ventes pourraient avoir été motivées depuis 48 heures par l’impératif de dégager au plus vite des liquidités face à la spirale baissière qui emportait les actions — et le bilan de certains établissements financiers — vers des territoires de risques inconnus.
La débâcle, dans le sillage des valeurs bancaires, s’est interrompue à la mi-journée sur les places européennes. Cependant, le mouvement de rebond ne s’est véritablement enclenché qu’à une heure de la clôture, avec la publication de stocks de pétrole américains supérieurs aux prévisions : ils faisaient apparaître trois millions de baril de brut supplémentaires et 2,4 millions de barils d’essence.
Cela faisait — si besoin était — une troisième bonne raison d’engranger des gains sur le Nymex, d’autant que la driving season confirme un changement d’attitude des conducteurs : les distances parcourues raccourcissent et nombre de déplacements se font désormais en transports en commun — les bus font le plein, les gares sont prises d’assaut…
** Les investisseurs ne semblaient attendre que ce genre d’éclaircie sur le front pétrolier pour entamer une campagne de rachats à bon compte. Les vendeurs à découvert engrangent au passage d’énormes plus-values — le CAC 40 a perdu jusqu’à 22% en deux mois. Les stratèges seront tentés de réévaluer la situation à l’aune d’un pétrole rechutant sous les 130 $ le baril, ce qui pourrait se confirmer au cours des prochaines heures puisque la correction dépasse -10% en à peine deux séances.
A Paris, la tentation de jouer un rebond des valeurs françaises était d’autant plus forte que le CAC 40 venait de tester le seuil psychologique des 4 000 points en fin de matinée (4 002 points. Le DAX (+1,2% à Francfort) a quant à lui rebondi sur les 6 000 points (à 5 999,2 points) et, à Madrid, l’IBEX (+1,25%) a tutoyé le seuil rond des 11 000 points.
La veille, c’était le S&P 500 qui reprenait appui sur les 1 200 points (très exactement) tandis que le Dow Jones ouvrait hier sur le seuil des 11 000 points avant de grimper de 1,5% à la mi-journée.
La toile de fond macroéconomique demeure très sombre mais, compte tenu des niveaux de valorisation actuels des actions, les opérateurs font désormais l’impasse sur les 1,1% de hausse des prix à la consommation aux Etats-Unis en juin (+5% en rythme annuel), sur les 3,6% d’inflation en France le mois dernier et sur les 4% en Zone euro.
** Les marchés mondiaux chutaient depuis une bonne semaine dans le sillage de Freddie Mac et de Fannie Mae mais le pessimisme concernant le secteur des financières s’est brusquement dissipé suite aux bons résultats publiés par Wells Fargo (+25%). La banque a fait état d’un niveau d’activité record au deuxième trimestre, ainsi que de bénéfices supérieurs aux attentes, ce qui justifie un relèvement de 10% du montant de son dividende.
Mais gardons-nous de manifester à ce sujet un enthousiasme inversement proportionnel au niveau de déprime général qui régnait 24 heures auparavant. Nous assistons typiquement à un mouvement de reprise technique qui pourrait s’avérer d’autant plus brutal sur certains titres que des excès ont été commis à la baisse, ce qui aboutit à des aberrations telles que des valorisations boursières inférieures à la trésorerie ou à la valeur du patrimoine foncier.
Contrairement aux précédents mouvements de correction de 2000 à 2003, les institutionnels n’ont plus les moyens de soutenir les marchés. L’éclatement de la bulle des dot.com a ruiné une génération de boursicoteurs mal avisés… mais les banques prêtaient à tout va à qui voulait devenir propriétaire de son logement, l’offre de crédit était pléthorique, le système regorgeait de liquidités et les marchés dérivés faisaient office d’énormes machines à cash.
Il n’y avait qu’à décider ce qu’il fallait faire de tout cet argent et l’affecter là où il pouvait être le mieux rémunéré. En 2003, ce fut l’heure de la revanche pour les actions. Vous connaissez la suite : quatre ans et demi de hausse ininterrompue, jusqu’en octobre 2007.
En quelques mois, des milliers de milliards de richesse virtuelle se sont volatilisés. Les établissements de crédit — à quelques rares exceptions — ne survivent que grâce aux procédures exceptionnelles d’offre de liquidités (guichets permanents, prises en pension d’actifs décotés) mises en place par les banques centrales. Pour exprimer les choses crûment, ce ne sont pas les gérants de fonds qui réemploient des excès de cash mais bien des vendeurs à découvert qui réajustent leurs stratégies, le temps que la bulle pétrolière se dégonfle… et qui attendent le moment opportun de regonfler la suivante.
Philippe Béchade,
Paris
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