En théorie, la Fed peut changer sa politique monétaire. Ses représentants peuvent dire qu’ils se sont trompés, que leurs idées n’étaient pas les bonnes, et qu’ils s’engagent sur une nouvelle voie. Mais en auront-ils le courage ?
Quoi que l’on dise d’autre à ce propos, nous traversons probablement l’un des chapitres les plus intéressants de l’histoire des banques centrales. Depuis que John Law a dû fuir Paris en pleine nuit, en 1720, pour éviter une foule en colère après la chute de son système, il ne s’est jamais rien produit de tel.
Comme Law, Jerome Powell a enchaîné les échecs et empiré la situation. Escroc urbain largué dans cette contrée sauvage qu’est la finance… sans autre boussole pour l’orienter que les modèles idiots de la Fed et des théories bidon… il s’est irrémédiablement fourvoyé.
Et à présent, le voilà pris au piège entre l’inflation qu’il a provoquée et le jour du jugement qu’il tentait désespérément d’éviter.
Mais si Powell combat l’inflation, l’économie s’effondrera : elle dépend de taux d’intérêt ultra bas et de la fluidité du crédit. D’un autre côté, s’il laisse l’inflation flamber, le dollar mourra… provoquant un chaos politique, social et financier.
De temps en temps, un trappeur ou un randonneur se fait piéger dans les montagnes, non loin de la civilisation. Il peut se casser une jambe… ou, comme dans le cas d’Aron Ralston en 2003, se faire coincer le bras sous un rocher qui vient de chuter.
Ralston a enduré des souffrances pendant des jours. Ensuite, alors qu’il était à l’article de la mort, il a eu une vision : il était vivant, mais il lui manquait un bras.
Le jour suivant, il a sorti son canif et s’est coupé le bras. Cela lui a sauvé la vie.
Deux fois dans l’erreur
Pour échapper à son piège, Jerome Powell doit rompre 14 ans de politiques erronées. Est-ce qu’il aura le courage de le faire ?
Nous en doutons.
Mais des visions d’opération chirurgicale réussie commencent à venir de la Fed comme du monde extérieur. Voici ce qu’en pense le patron de JPMorgan, Jamie Dimon :
« [Dimon] a déclaré aux investisseurs qu’il n’enviait pas la Fed, face aux mesures que la banque centrale américaine devrait prendre pour mettre fin à ses politiques ultra accommodantes, mais il l’a invitée ‘à ne pas se soucier des marchés volatils, à moins qu’ils n’affectent l’économie réelle’.
‘Si la Fed fait bien les choses, nous pourrions avoir des années de croissance et l’inflation finira par amorcer une baisse. Dans tous les cas, ce processus entraînera énormément de consternation et des marchés très volatils’, écrit Dimon. »
Il pourrait avoir tort sur les deux plans. Après s’être montrée empotée un si grand nombre d’années, il y a peu de chances que la Fed « fasse bien les choses ». Et il n’est pas possible, non plus, qu’un authentique resserrement de sa politique monétaire n’affecte pas l’économie réelle.
Les compères poussent au changement de voie
Pour autant, les compères de Powell, à la Fed, le pressent de faire preuve d’un peu de courage. Voici ce qu’affirme Bill Dudley, ex-colombe (dove, c’est-à-dire accommodant) face à l’inflation, et qui sort des griffes de faucon (hawk, c’est-à-dire prônant la rigueur monétaire), désormais :
« Les investisseurs devraient faire très attention à ce que Powell a déclaré : les conditions financières doivent être resserrées. Si cela ne se produit pas tout seul (ce qui parait peu probable), la Fed devra asséner un choc aux marchés pour obtenir la réaction souhaitée.
Cela veut dire qu’il faudrait relever les taux des Fed funds bien plus haut que ce que l’on anticipe actuellement. D’une façon ou d’une autre, pour endiguer l’inflation, la Fed devra faire grimper les rendements obligataires et baisser le cours des actions. »
Et selon le Wall Street Journal, voici ce que déclare Lael Brainard, autre voix ayant du poids à la Fed :
« ‘Il est d’une importance capitale de faire baisser l’inflation’, a déclaré Mme Brainard, mardi, lors d’une visioconférence organisée par la Réserve fédérale de Minneapolis. ‘En conséquence, le comité continuera de resserrer méthodiquement la politique monétaire, via une série de relèvements des taux d’intérêt, et en commençant à réduire le bilan à un rythme rapide, dès notre réunion de mai.’ »
On se sent presque désolé pour ce pauvre Jerome Powell.
Manifestement, il ne sait pas ce qu’il fait. Après tout, c’est un grand avocat des villes égaré dans un Yellowstone financier. Aucun espoir d’être secouru. Aucune porte de sortie.
Et la catastrophe s’est amorcée… qu’il agisse ou non.
Des piles d’argent
La crise du Covid a conduit la Fed à faire encore plus ce qu’elle n’aurait jamais dû faire dès le départ : émettre de l’argent frais.
Ces deux dernières années, son bilan (où tout cet argent frais est porté) a augmenté de 4 000 Mds$, soit plus qu’au cours des 107 ans écoulés depuis sa création.
Cet argent a ensuite été transféré à Wall Street, en rachetant des obligations. Mais la Fed a mis fin à cette émission monétaire le mois dernier.
A présent, à mesure que ces obligations arrivent à maturité, le bilan de la Fed se réduit et la masse monétaire de l’Amérique diminue. L’assouplissement quantitatif (QE, en anglais) a cédé la place au resserrement quantitatif (QT), ce qui est totalement différent.
Et nous ne parlons pas de petites sommes. En 2020, la Fed a injecté 3 000 Mds$ d’argent frais. A présent, la désintégration de cet argent est programmée au rythme de près de 1 000 Mds$ par an.
Autrement dit, la Fed a le pouvoir de donner, et la Fed a le pouvoir de reprendre. Et, à moins qu’elle ne donne de plus en plus, ce qu’elle a donné va désormais repartir là d’où cela est venu, entrainant dans son sillage les 50 000 Mds$ d’argent falsifié, de nouvelles richesses créées depuis 2007… et toute l’économie corrompue par le crédit.
Rien que d’y penser, Jerome Powell doit en perdre le sommeil.
Mais ce qu’il peut faire… c’est prendre son courage à deux mains, et essayer de se souvenir où diable il a bien pu ranger son canif.