Extraits de l’interview de Tucker Carlson…
L’interview de Vladimir Poutine menée par Tucker Carlson – ancien animateur de Fox News, proche de Donald Trump – a enflammé la toile à travers le monde entier, suite à sa diffusion le 8 février.
Cette interview était importante pour plusieurs raisons.
Premièrement, Carlson semble s’être détaché de la masse des démocrates/républicains. Les deux grands partis, ainsi que l’ensemble des institutions universitaires, de la presse, de Wall Street, du Pentagone et du gouvernement fédéral lui-même ont tous adopté un discours puéril sur les « bons » et les « méchants ». Dans leur esprit, la Russie est un « méchant ».
Deuxièmement, il a également rompu les rangs avec les médias eux-mêmes. La presse américaine fonctionne comme un organe de propagande pour le gouvernement. Les communiqués de presse de la Maison-Blanche et du Pentagone sont transmis comme des « informations ». Les ennemis sont identifiés, puis décrits comme « brutaux »… « terroristes »… qui lancent des attaques « non provoquées » et sont souvent « soutenus » par des adversaires encore plus maléfiques. La dernière chose que ferait la presse américaine serait d’aller à la source et obtenir un autre point de vue.
Troisièmement, un vrai travail de journaliste peut vous conduire en prison. Le magazine Newsweek a rapporté que l’Union Européenne pourrait bloquer les visites de Carlson car on pourrait croire qu’il « porte assistance » à un « criminel de guerre » (Poutine).
Une période sombre
Evidemment, en ces temps de fake news, de falsification de voix et d’images, on ne peut jamais être sûr de ce qu’on voit. La vidéo était incontestablement authentique : personne ne pourrait incarner le rôle de M. Poutine aussi bien que lui-même. Mais nous n’avons pas été en mesure de faire correspondre la transcription anticipée avec l’interview proprement dite.
Voici un échange clé, extrait de la retranscription :
« TUCKER : Quelle est votre opinion au sujet du président Biden ?
POUTINE : Nous sommes convaincus que ce n’est pas lui qui dirige le pays. Disons que nous avons des sources solides qui le confirment, mais tout le monde peut le constater par lui-même. Les Etats-Unis viennent d’entrer dans une période sombre. Le pays ne peut pas compter sur ses dirigeants. […] Joe Biden pourrait même ne pas être au courant de ce qui se passe. Il ne comprend peut-être pas le niveau des sanctions imposées à la Russie. Qui a élaboré ces sanctions ? Ce sont nos adversaires… Les élites vous ont abandonnés.
TUCKER : Qui dirige les Etats-Unis selon vous ?
POUTINE : Les mêmes forces qui l’ont toujours dirigé. On peut changer de président, mais on ne change pas ceux qui détiennent le pouvoir réel. C’est à eux que nous devons faire face. Joe Biden n’est qu’une façade pour cette structure de pouvoir. »
Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce une version générée par l’IA spécialement pour nous ? Parce que la pensée de Poutine est étonnamment proche de la nôtre !
Perdre la guerre
De notre point de vue, les élites américaines ont vraiment abandonné le peuple qu’ils sont censés servir. Les riches s’enrichissent, avec de la fausse monnaie et des fausses guerres. Mais le pays est ruiné.
Entre-temps, l’Occident semble avoir perdu la guerre des tirs en Ukraine et la « guerre des sanctions » contre la Russie ; la plupart des rapports insistent sur le fait que l’économie russe se porte bien. VOAnews publie :
« En 2023, l’économie russe a connu une croissance supérieure à celle des Etats-Unis et de l’Europe, augmentant de 3,6% bien qu’elle soit soumise à un large éventail de sanctions économiques puissantes et qu’elle soit coupée des principaux marchés mondiaux. »
Et dans le American Conservative, qui publie une revue d’un nouveau livre du français Emmanuel Todd, on lit :
« Entre 2000 et 2017, c’est-à-dire depuis le début du règne de Poutine, le taux de mortalité russe dû à l’alcoolisme est passé de 25 à 8 pour 100 000 citoyens, celui dû au suicide de 39 à 13 et celui dû au meurtre de 28 à 6. Quant à la mortalité infantile, longtemps considérée comme l’étalon-or du niveau de développement d’un pays, elle est passée sous Poutine de 19 pour 1 000 naissances vivantes à 4,4. Todd cite l’UNICEF pour indiquer que le taux américain est actuellement de 5,5 pour 1 000.
Il cite ensuite plusieurs secteurs dans lesquels la Russie a réalisé des progrès stupéfiants au cours des 20 dernières années (agriculture, accès à l’internet) avant de se demander comment est-ce possible que la Russie, éclipsée par les Etats-Unis dans les statistiques sur le revenu par habitant, soit en mesure de suivre le rythme en temps de guerre et de produire autant d’armements que les Etats-Unis. Un indice intéressant est que 23% des Russes inscrits dans l’enseignement supérieur étudient l’ingénierie, contre 7% aux Etats-Unis. Il en résulte que la Russie, avec une population beaucoup plus faible, produit plus d’ingénieurs que les Etats-Unis, ce qui l’aide à tenir la cadence face à Goliath. »
Ce qui est peut-être encore plus remarquable dans l’entretien vidéo, c’est M. Poutine lui-même. Il s’est directement lancé dans un très long discours sur l’histoire de la Russie, qu’il démarre en 862 ! Il possède une connaissance approfondie qui serait presque impensable chez un politicien américain moderne et désinvolte.
Et si ses conclusions sont sujettes à discussion – comme toutes les autres –, il est clair qu’il les a mûrement réfléchies et qu’il y tient sincèrement. Là aussi, c’est quelque chose que nous n’attendons pas de nos propres politiciens.
Mais peut-être que cela n’a pas d’importance. Si nous (et M. Poutine) avons raison, nos « décideurs » de façade ne décident vraiment de rien d’important.
La façade Biden
Prenons l’exemple de la décision capitale prise la semaine dernière de faire sauter 85 cibles considérées comme des « mandataires soutenus par l’Iran ».
Biden a-t-il la moindre idée des rivalités complexes et de la politique tordue du Moyen-Orient ? Savait-il qui exactement il essayait de tuer… ou pourquoi ? Au lieu de cela, ses sondeurs lui ont dit qu’il devait « faire quelque chose » pour avoir l’air d’un dur… et ses conseillers de l’industrie militaire lui ont dit quoi faire.
Mais si Biden ne « dirige » pas le pays, qui le fait ? Poutine affirme qu’il n’avait pas besoin de s’immiscer dans les élections américaines, car « ce sont toujours les mêmes personnes qui finissent par diriger de toute façon ». Qui sont ces personnes ?
« POUTINE : Il existe des entités financières puissantes qui ont intérêt à ce que nous restions des adversaires. L’un de vos présidents a mis en garde contre cela. »
C’est plus ou moins la conclusion à laquelle nous sommes arrivés ici, dans La Chronique Agora. Chaque société a ses élites. Et ce sont eux qui décident. Après de nombreuses années de pouvoir et de richesse, ils deviennent incompétents et corrompus. Ne pensant qu’à eux, ils abandonnent le reste de la population.
Mais nous laissons le mot de la fin à Poutine (extrait de l’entretien vidéo) :
« Cela n’a rien à voir avec la personnalité du dirigeant. Il est plutôt question de l’état d’esprit des élites : si l’idée de domination à tout prix, basée également sur la force, domine la société américaine, rien ne changera. Cela ne fera que s’empirer. Mais si, en fin de compte, on prend conscience que le monde a changé en raison de circonstances objectives et qu’il faut être capable de s’y adapter en temps voulu en utilisant les avantages dont les Etats-Unis disposent encore aujourd’hui, alors peut-être que quelque chose pourra changer. »
Monsieur Poutine est un optimiste !