▪ L’or est censé être un gilet de sauvetage sur une mer agitée, pas une béquille dorée. Au milieu de l’incertitude globale actuelle, l’or est supposé soutenir les portefeuilles, pas les faire plonger encore plus.
Mais l’or n’est d’aucune aide… ou, du moins, il n’a en rien aidé au cours des trois derniers jours. Cette trahison suffit pour ébranler notre confiance en l’or — pour plonger même jusqu’au plus modeste admirateur de l’or dans une spirale de doute et de mépris de soi.
Mais voici le vrai coup de massue : les titres du Trésor US long terme ont offert un abri beaucoup plus sûr que les métaux précieux. « TLT », l’ETF qui détient des titres du Trésor US de 20 à 30 ans, est en hausse de plus de 30% sur un an. Il faut le reconnaître, les titres de créance du gouvernement américain — noté à présent AA et lourdement endetté — restent le refuge le plus sûr.
Nous ne sommes pas acheteur. En fait, nous rejetons énergiquement ces deux notions qui vont de pair : les bons du Trésor US à long terme présentent un refuge sûr et le marché de l’or est une bulle qui éclate.
De fortes corrections ne sont jamais amusantes mais elles sont souvent le « prix à payer » pour des investissements rentables. La récente volatilité sur les marchés des métaux précieux prouve, une fois encore, que les actifs financiers sont des actifs volatils. Et beaucoup d’actifs financiers — comme l’or et l’argent-métal — sont devenus de plus en plus volatils, du fait de l’activité de trading frénétique, à court terme, de grands hedge funds et autres investisseurs institutionnels.
Malheureusement, dans des marchés aussi réduits que ceux de l’or et de l’argent-métal, les activités de trading de quelques grands acteurs peuvent produire des effets extrêmement volatils.
« La quantité d’or papier et de contrats d’argent qui est négociée sur les marchés à terme et les Bourses d’actions est toujours biens supérieure à la quantité d’or physique négocié », ont récemment observé les experts sur le marché de l’or Eric Sprott et David Baker. « Les marchés à terme continuent de dicter la formation des prix — provoquant ainsi une forte volatilité avec peu ou pas d’influence de la part des fondamentaux physiques réels. Par exemple, sur le London Bullion Market, les intervenants ont négocié une moyenne de 19,6 millions d’onces d’or par jour en juillet 2011. Il ne faut pas oublier qu’au total, la production minière aurifère mondiale en 2010 s’élevait à peu près à 86,5 millions d’onces ».
« La production mondiale d’or n’est pas appelée à augmenter significativement d’une année sur l’autre », continuent Sprott et Baker. « C’est pourquoi le London Bullion Market négocie essentiellement la valeur d’une année de production d’or en moins d’une semaine. Et on ne parle ici que d’un seul marché. Lorsqu’on y ajoute les transactions du marché à terme COMEX et les ETF aurifères, le volume d’or papier échangé grimpe de façon exponentielle. Lorsque les prix sont dictés par des contrats papier à effet de levier sans aucune garantie physique, il est très facile et relativement peu cher de déstabiliser le prix au comptant de l’or. Par conséquent, l’or a connu plusieurs jours de forte volatilité baissière, malgré une forte tendance globale à la hausse ».
Autrement dit, lorsque les très grands investisseurs (avec des horizons d’investissement très court terme) sont ceux qui fixent pour l’essentiel les prix sur le marché, le processus de formation des prix peut beaucoup ressembler à/laisser à penser à un décervelage des prix.
▪ Que signifie donc la vente massive des métaux précieux ?
Cela signifie-t-il que l’économie mondiale se dirige vers une dépression… et pas seulement cela, mais une dépression qui ne déclenche pas une crise monétaire et/ou une réaction inflationniste de la part des banques centrales du monde entier ?
Cela semble peu probable. Si une croissance économique terne déclenche une réponse inflationniste massive de la part de la Réserve fédérale et d’autres banques centrales, la perspective d’une récession ou d’une dépression ne déclencherait-elle pas une réaction encore plus démesurée ?
En définitive, nous pensons qu’il vaut mieux acheter l’or et l’argent-métal plutôt que de les vendre aux cotations actuelles, au moins dans le contexte d’une couverture moyen à long terme. Mais nous nous étions trompés auparavant. En fait, nous nous sommes lourdement trompés.
Faisons ici appel à Bill Bonner. Bill est peut-être la voix de la raison la plus fiable ces derniers temps. Dans plusieurs chroniques récentes, il a averti que les valeurs aurifères étaient sur le point de chuter.
« Une grande liquidation hier. Le Dow en perte de 283 points. Le bon du Trésor à 10 ans ne rapporte que 1,87%. Et le prix de l’or n’a pratiquement pas bougé », faisait remarquer Bill à la veille des trois jours de liquidation historique de l’or. « Selon nous, tous les trois devraient baisser. Parce que le monde se dirige vers une dépression mondiale »…
Bill notait également :
« Se pourrait-il que l’or soit finalement en train de mettre à l’épreuve ses admirateurs ? Bien qu’il soit encore dans un marché haussier majeur, se pourrait-il qu’il corrige… voire peut-être qu’il revienne dans le canal des 1 000-1 500 $ ? »
« Oui, cela se pourrait. L’heure de l’or finira par sonner. Mais nous ne pensons pas que c’est pour tout de suite. L’or a grimpé en anticipation de problèmes. Mais les problèmes prévus par les acheteurs d’or ne se sont pas produits… pas encore. Il y a eu une impression de monnaie massive. Toutefois, en termes de biens et services qu’il permet d’acheter, l’or s’est plutôt bien tenu ».
« L’or finira par décoller — lorsque les problèmes anticipés se concrétiseront. Et cela n’arrivera pas de sitôt ».
Bill a fait des remarques très semblables à la fin du mois d’août dernier et au début de septembre. A lui revient donc la gloire. Mais personne ne sait réellement quand les problèmes anticipés « se concrétiseront ».
Donc, si ce sont les problèmes que nous anticipons, il vaut mieux investir avant qu’après, peu importe à quel point ce jeu à attendre peut être douloureux.
Dans l’édition du Barron’s datée du 19 septembre, un journaliste demande à James Grant, éditeur du Grant’s Interest Rate Observer, si le marché de l’or est dans une bulle. Voici sa réponse :
« Une bulle est un marché haussier dans lequel l’utilisateur du mot ‘bulle’ n’a pas entièrement participé. On peut voir l’or comme une valeur qui est passée de 2 5/8 à 18 en une dizaine d’années. Je ne suis pas certain que cela soit une bulle… Ce que je pense, c’est que l’or est simplement la réciproque de la foi du monde dans l’institution des devises régulées. C’est l’inverse de C, où C représente la confiance. Et la confiance est un chiffre qui diminue et continuera à diminuer. Par conséquent, je suis haussier sur l’or ».
Je le suis également, même si le prix de l’or baisse encore une fois demain.