La Chronique Agora

Pourquoi faut-il s’inquiéter de l’inflation ?

▪ Pourquoi faut-il s’inquiéter de l’inflation ?

Pour certains, il n’y aura jamais d’inflation car, à les en croire, les règles économiques ont changé. Nous ne sommes pas d’accord.

Nous sommes encore en plein coeur de l’été et les jours s’écoulent tranquillement, dans la torpeur de la chaleur estivale.

On ne note pas beaucoup d’actions sur les marchés. Même les journaux semblent assagis : les économistes qui d’habitude profèrent des inepties doivent être en vacances.

Il ne reste que nous !

Et qu’avons-nous ? Des idées nouvelles ? Des idées anciennes ? Pas d’idées du tout ?

En fait, nous réfléchissions à l’inflation. Plus particulièrement, nous nous posons la question de la raison pour laquelle il n’y en a plus… et s’il y en aura encore.

Comme vous le savez, les banques centrales ont doublé la taille de leur bilan au cours des cinq dernières années. Le prix de l’or a réagi en conséquence : il a doublé lui aussi.

Mais les prix à la consommation ont grimpé à un taux annuel de moins de 2%. Qu’est-ce qui se passe avec le Consumer Price Index ? Ne lit-il pas les gros titres de journaux ?

Bien sûr que si ! Mais les gros titres disent qu’il n’y a pas d’inflation des prix à la consommation. Voici un article de l’AFP datant de la semaine dernière :

« Les risques d’une nouvelle récession aux Etats-Unis l’année prochaine ont augmenté, selon l’agence de notation Standard & Poor’s, notamment en raison de la crise européenne de la dette et d’un tassement de l’activité économique. »

« L’agence de notation américaine évalue désormais la probabilité d’une récession aux Etats-Unis à 25%, contre 20% en février, alors que la première économie mondiale lutte pour se relever de la forte crise qu’elle a traversée en 2008-2009. »

« L’agence a également souligné la possibilité que le gouvernement soit obligé en l’état actuel de la législation de sérieusement réduire les dépenses et d’augmenter les impôts au 1er janvier prochain, du fait du fameux ‘mur budgétaire’ qui menace d’écraser l’économie. »

« L’activité économique a marqué un net ralentissement au début de cette année » affirme S&P dans un rapport daté du 20 août sur les conditions de crédit en Amérique du Nord, dans l’incertitude mondiale.

« Dans le même temps, une possible contagion de la crise de la dette européenne, le possible ‘mur budgétaire’ et le risque d’un atterrissage difficile pour la Chine ont renforcé l’incertitude autour des perspectives américaines ».

« Au deuxième trimestre, le PIB américain a progressé de 1,5% en rythme annualisé, marquant un net ralentissement par rapport à la fin 2011, alors que le taux de chômage persistait au-delà de 8%. »

« S&P s’inquiète particulièrement des conséquences possibles sur les Etats-Unis d’une récession dans la Zone euro, dont l’économie s’est déjà contractée de 0,2% au deuxième trimestre. S&P prévoit une contraction de 0,6% cette année. »

« Une véritable entrée en récession de l’Europe propagerait des tensions économiques aux Etats-Unis et pourrait pousser le pays vers la récession. »

Lors d’une récession, les prix n’augmentent pas. Au contraire, ils baissent puisque l’argent dans les coffres des banques n’est pas prêté et n’entre donc pas dans l’économie de consommation. Il ne provoque donc pas d’augmentation des prix.

Plus les gens ont peur que l’économie s’aggrave — avec une baisse des offres d’emplois et une chute des prix — moins ils ont envie d’emprunter et de dépenser.

Cela explique pourquoi les nouvelles en provenance d’Europe et de Chine revêtent tant d’importance. L’Europe est déjà entrée en récession. Le journal britannique The Telegraph rapporte que la Chine — qui est censée être le moteur qui fait tourner toute l’économie mondiale — s’approche d’un point de rupture :

« La Chine entre à présent en ‘zone de danger’ a alerté Kiyohiko Nishimura, directeur de la banque du Japon et expert en boom des actifs. »

« La hausse des prix de l’immobilier en Chine et la croissance des prêts au cours des cinq dernières années ont surpassé les extrêmes observés au Japon avant l’éclatement de la bulle du Nikkei en 1990. Le taux de construction a atteint 12% du PIB chinois l’année dernière ; au Japon, le plus haut avait été de 10%. »

« M. Nishimura a déclaré que les booms du crédit et de l’immobilier peuvent rester ‘bénins’ tant que la population active est jeune et en croissance. Mais ils deviennent ‘malins’ une fois que le ratio des personnes en âge de travailler par rapport aux personnes dépendantes s’inverse, comme cela a été le cas au Japon. »

« Le ratio de la Chine atteindra son maximum à environ 2,7 au cours des deux prochaines années quand surviendra la situation critique au niveau de la pyramide des âges. Puis il connaîtra une forte diminution, aggravée par les effets différés de la politique de l’enfant unique. »

« Un éclatement de la bulle ne conduit pas systématiquement à une crise financière. Toutefois, si on a la conjonction d’à la fois un changement démographique, une bulle immobilière et une forte hausse des prêts, alors une crise financière semble plus probable, a-t-il expliqué lors d’une conférence sur le boom des actifs qui se tenait à Sydney. »

Notre point de départ pour cette réflexion sur l’inflation est un article de Dan McCrum paru dans le Financial Times. M. McCrum nous dit de ne pas nous en inquiéter. Selon lui, s’inquiéter à propos de l’inflation fait juste « partie de la sous-culture de la surenchère catastrophiste, un monde où un volcan économique gronde en permanence. »

Pour autant que nous puissions en juger, M. McCrum — dont la photo orne l’article et qui semble âgé d’une trentaine d’années — n’est pas au courant que les volcans explosent parfois. Et une hausse des taux d’inflation est non seulement possible mais il faut s’en préoccuper. Quelqu’un devrait lui donner un petit coup de coude et lui murmurer à l’oreille : « Heu, au fait le taux d’inflation a réellement augmenté pendant 30 ans avant ta naissance. »

Cette situation nous rappelle ce qui est arrivé à la fin des années 1990, lorsque de jeunes hommes comme McCrum évoquaient la crainte d’une bulle Internet comme « déconnectée de la réalité. » La seule réalité qu’ils connaissaient était celle des cinq années passées — lorsque le Nasdaq était devenu fou.

Les vieux schnocks comme moi avaient averti que les cours du Nasdaq étaient détraqués… et que c’était de la folie de croire qu’ils pourraient aller encore plus haut. Mais ils ont été plus haut. Et les jeunes péquenots ont été encouragés à croire qu’ils avaient découvert une sorte de miracle d’une nouvelle ère. Je me souviens de Jim Cramer disant cela ! (« Les anciennes lois de l’économie ne s’appliquent plus »… ou quelque chose dans ce style.)

Mais les lois de l’économie n’ont pas été annulées. Elles étaient juste mises un peu en retrait. Le jugement n’a pas été réfuté — juste retardé, probablement pour l’amusement des dieux qui contrôlent ces choses. (Ils aiment bien voir les humains se ridiculiser et perdre beaucoup d’argent.) Au final, ceux qui proclamaient qu’eux et eux seuls avaient « attrapé » la révolution de l’Internet, l’ont bien attrapée, et durement.

Puis, à peine cinq ans plus tard, une nouvelle espèce de « je-sais-tout » a su que les prix de l’immobilier allaient monter. Nous avons attendu… nous avons retenu notre souffle… nous avons fait confiance à notre propre jugement… et nous avons découvert — ô surprise — qu’ils n’allaient certainement pas monter. Ils pouvaient baisser… pendant plusieurs années.

Et aujourd’hui le jeune McCrum nous affirme qu’il n’y a rien à craindre de l’inflation. « Nous sommes inondés de prévisions catastrophistes, » continue-t-il, « mais elles sont un moyen dangereux de prendre des décisions d’investissement. »

Ha ha ha…

Profitez donc de l’été. Ne pensez pas à la récession… ni à la Chine… ni aux volcans. Ne vous inquiétez pas non plus de l’inflation.

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