La Chronique Agora

Pourquoi les dirigeants laissent-ils un système inique se mettre en place ?

Les autorités dissimulent les risques et la vulnérabilité des marchés financiers – et vont même plus loin : elles font en sorte d’« assurer » les investisseurs contre les pertes, à un prix exorbitant pour la société dans son ensemble. Pourquoi ?

La question de la vulnérabilité des marchés financiers est complexe et, bien entendu, les autorités soucieuses de dissimuler les risques s’efforcent de la simplifier. Non seulement il ne faut pas vous affoler, mais surtout il s’agit de ne pas vous informer ; vous ne devez pas comprendre comment tout cela fonctionne ou plutôt dysfonctionne.

Il y a peu de temps, elles ont, à la suite d’un article de Robert Shiller, le Prix Nobel, argué que les actions n’étaient pas surévaluées parce que les taux d’intérêt sont bas.

C’est un argument idiot, parce que l’on démontre mathématiquement que si les taux sont bas, c’est parce que les perspectives de croissance à long terme sont très faibles et que, par conséquent, la croissance étant faible, les actions ne méritent aucune prime par rapport au passé.

Les bas taux sont compensés dans les valorisations par le ralentissement de la croissance prévisible des profits.

L’argument des taux est d’autant plus idiot que ce n’est pas à ce niveau que les choses se passent ; c’est au niveau du risque.

En fait, il est vrai que l’on peut considérer que les valorisations des actifs financiers sont en partie déterminées par le niveau de risque : quand les risques sont élevés, le marché exige des primes de risque, il demande que les rendements soient plus importants.

Compte tenu de la situation dramatique de nos systèmes, fragilisés de toutes parts, les primes de risque spontanées devraient être très élevées ; l’incertitude sur le futur et en particulier sur la soutenabilité des dettes est totale. Donc les primes de risque spontanées, non manipulées, devraient être dilatées.

Elles ne le sont pas. Pourquoi ?

Réponse : parce que les risques ne sont pas supportés par le marché et les opérateurs – ils sont endossés, supportés, par la banque centrale et maintenant par le Trésor. Si le risque n’existe pas sur le marché alors que la situation est incertaine, c’est parce que quelqu’un l’assure, le prend à sa charge, et ce quelqu’un, c’est le couple Fed-Trésor aux Etats-Unis.

Les banques centrales (r)assurent

Ce que l’on appelle le put de la banque centrale, c’est cela : c’est la certitude donnée par les autorités que toujours, en cas d’accident, elles seront là. Elles assurent que toujours vous pourrez vendre. En mars 2020, cela a encore été réaffirmé.

Si le risque est assuré, pris en charge par un super couple qui a les poches profondes, il n’y a donc pas besoin d’intégrer une prime de risque dans les valorisations des actifs financiers.

On a là le fond des choses… mais ce fond-là, les autorités ne peuvent l’énoncer car il est scandaleux, il signifie la socialisation des pertes du capital et de la spéculation.

Je voudrais insister sur cette question car elle est à la fois centrale et politique : pourquoi les autorités prennent-elles à leur charge les risques financiers ?

Pourquoi laissent-elles s’instaurer un système inique, illégitime et scandaleux, dans lequel la règle du jeu est asymétrique puisque le capital accumule les gains, tandis que les pertes, quand il y en a, sont socialisées, c’est-à-dire réparties sur l’ensemble des contribuables ?

Le système est-il pourri, est-il méchant volontairement, est-il capturé par les élites à leur profit ?

C’est ce que nous verrons dès demain.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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