La Chronique Agora

Pour l’économie américaine, mieux vaudrait sauter de la « falaise fiscale »

▪ L’économie américaine se trouve au bord du précipice… et vacille dangereusement au bord de la « falaise fiscale »… Si les politiciens ne se concentrent pas d’ici la fin de l’année, elle tombera… Les dépenses fédérales s’effondreront. Les impôts augmenteront. L’économie entrera en récession.

C’est une « machine d’apocalypse », disent les plus paniqués.

Oh désastre ! Oh calamité ! Maman ! Bernanke ! Oh…

… pourquoi un tel tollé ?

Bernanke — oui, le Héros de 2008 — est actuellement sous les feux de la rampe. La réunion de la Fed s’est tenue à Jackson Hole, dans le Wyoming. Les économistes, les journalistes, les vagabonds et les spéculateurs étaient suspendus à ses lèvres.

Mais soyons lucide : en réalité, quoi qu’elle dise, la Fed ne peut pas faire grand-chose. Dans la mesure où les actions continuent de grimper… et où l’économie américaine croît au taux de 1,7%… la banque centrale américaine n’a pas besoin de se lancer dans des acrobaties de casse-cou.

Et puis d’ailleurs… si l’économie américaine venait effectivement à tomber de la falaise fiscale… quel mal y aurait-il ?

Le gouvernement fédéral dépense près de 3 $ pour 2 $ de recettes fiscales. Il a ajouté 5 000 milliards de dollars à la dette nationale au cours des quatre dernières années… portant le total à 16 000 milliards de dollars, un chiffre atteint il y a une dizaine de jours.

Si l’on regardait les données de la manière dont une entreprise est censée le faire — c’est-à-dire selon les normes comptables en vigueur — la dette réelle du gouvernement fédéral est bien plus élevée. En fait, elle va jusqu’à 211 000 milliards de dollars.

Mettez cette somme en billets d’un dollar. Jusqu’où irait une telle pille ? Nous n’en avons pas la moindre idée… et nous n’allons pas perdre notre temps à le calculer. Mais ça fait beaucoup d’argent.

Et réfléchissez à ça : officiellement, les autorités ajoutent de la nouvelle dette environ quatre fois aussi rapidement que l’économie se développe. Si l’on ajoute les « engagements non-provisionnés », on passe à 20 fois.

Donc… tôt ou tard… les autorités n’auront plus le choix. Elles devront réduire les dépenses et/ou augmenter les impôts — probablement les deux. Plus elles repoussent l’échéance… plus les chiffres se dégradent… et plus dure sera finalement la chute.

▪ Même le Congrès y pense !
Voici un article de Bloomberg. Il nous dit que le CBO (le Bureau du budget du Congrès US) confirme notre analyse : mieux vaudrait se jeter dans le vide dès maintenant !

« Alors qu’on pensait pouvoir enfin oublier la falaise fiscale et se concentrer plutôt sur les conventions démocrate et républicaine, le CBO vient nous rappeler la menace qui pèse », dit l’article.

« Dans ses perspectives budgétaires et économiques de milieu d’année, le CBO a revu ses prévisions dans le cas où le Congrès échouerait à empêcher une série d’augmentations d’impôts et de réductions automatiques des dépenses — 1 200 milliards sur 10 ans — de se déclencher au début 2013. Un tel ‘resserrement budgétaire’ réduirait le PIB [américain] de 0,5% l’an prochain, en grande partie sur le premier semestre, et augmenterait le taux de chômage à 9% ».

« Cela fournira également une solution budgétaire de court terme. Si le Congrès ne fait rien […], le déficit fédéral de 2013, selon le scénario de base du CBO (les politiques dictées par la loi actuelle), sera de 641 milliards de dollars, ou 4% du PIB, suivant quatre années de déficits annuels dépassant les 1 000 milliards de dollars ».

« Oui, ce sera douloureux. Mais c’est déjà le cas. Au rythme annuel de croissance de l’emploi, il faudra aussi longtemps — sept ans — pour revenir aux niveaux pré-récession qu’à la suite de la Grande Dépression, selon Steven Wieting, chef des analyses économiques et de marchés chez Citigroup Inc. à New York. Dans un tel contexte, l’engagement de la Réserve fédérale à maintenir les taux d’intérêt près du zéro jusqu’à la fin 2014 ne semble pas si étrange, dit-il ».

« Outre les gros titres du rapport CBO, on trouve de bons arguments invitant à laisser passer la falaise fiscale sans créer de sortie de secours ».

« ‘Le rapport du CBO dit que nous nous trouverons mieux en 2022 si nous sautons la falaise fiscale’, déclare James Kwak, professeur de droit associé à l’école de droit de l’Université du Connecticut à Hartford. Les choses empireront à court terme, mais dans 10 ans, le PIB sera plus élevé, tandis que les taux d’intérêts, le déficit budgétaire et la dette gouvernementale seront bien plus bas. Le taux de chômage devrait rester le même ».

Donc, chers politiciens… chers décideurs… chers gouverneurs de la Fed et gratte-papier qui profitent du bon air de la montagne…

… Détendez-vous. Donnez une chance à l’économie. Permettez-lui de sauter dès maintenant de la falaise fiscale maintenant, plutôt qu’elle n’en tombe plus tard. Mieux encore, administrez-lui une bonne poussée dans le dos.

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