La Chronique Agora

Pour contrer le hold-up du gang Paulson

** En général, les braquages de banques fonctionnent différemment. Un gang armé et masqué fait irruption dans la banque, tire quelques coups de feu, ordonne à tout le monde de s’allonger par terre, et demande aux guichetiers de remplir les sacs de toiles avec l’oseille. C’est simple.

– Ce n’est pourtant pas de cette façon que cela fonctionne dans les banques centrales modernes. Aujourd’hui, c’est comme si Hank Paulson pointait son gros bazooka sur Wall Street et lui demandait d’ouvrir son portefeuille pour qu’il puisse le remplir avec l’argent d’autres personnes. Le Gang Paulson (ou Goldman Gang) fait la queue pour avoir sa part du butin. Mais le véritable braquage a lieu à Washington.

– Le braquage d’aujourd’hui est bien plus subtil, principalement parce qu’il se déroule juste sous notre nez. C’est le problème avec ce qui est évident. On y est tellement habitué qu’on finit par trouver ça normal.

– Le Wall Street Journal rapporte que les petits malins de Washington sont tombés d’accord sur les "principes" du plan de sauvetage. Les mots "législateurs" et "principe" n’apparaissent probablement jamais dans la même phrase. Mais notre travail consiste à enquêter sur les faits, non pas à asséner des jugements concernant les protagonistes de notre histoire (du moins pas encore). Quels sont donc les faits ?

– Il y en a étonnamment peu ! Les principaux intéressés se sont tous retrouvés à la Maison-Blanche et sont sortis de la pièce sans réelle décision. Ils ont cependant élaboré quatre principes qui devront apparaître dans n’importe quel accord futur. Ce n’est pas exactement les 14 points de Wilson. Mais laissez-leur un peu de temps.

– Quels sont ces quatre principes ? Premièrement, un renflouement doit assurer la protection des contribuables. Deuxièmement, il doit apporter surveillance et transparence. Troisièmement, il doit préserver la propriété aux Etats-Unis (bien que tout le monde se demande comment il va bien POUVOIR le faire). Et enfin, quatrièmement, le montant forfaitaire de 700 milliards de dollars demandé par le Trésor américain sera distribué progressivement, pour que Hank Paulson ne le dépense pas en une seule fois.

– Il semble que rien n’ait été résolu. Pourtant, les dernières séances étaient presque exclusivement basées sur l’idée qu’un renflouement allaient être approuvé par le Congrès, permettant de sauver le système bancaire actuellement au bord de l’abysse.

** Pendant ce temps, dans l’économie réelle, vous pouvez voir que les autres personnes qui jouent sur les marchés sont motivées par des désirs simples. Tandis que Wall Street tente de sauver sa peau aux dépens des contribuables, la liquidation des actions australiennes fait baisser le prix des actions des exploitations minières junior, pour le plus grand bonheur de ceux prêts à les acheter quel qu’en soit le prix.

– Vous pourriez dire, comme l’a fait mon collègue Al Robinson dans la lettre Diggers & Drillers, que l’un des premiers résultats de la volatilité du marché est l’augmentation de l’activité de fusions-acquisitions dans les juniors. Le prix des actions a chuté. Pourtant, de nombreux projets miniers de qualité ont clairement le potentiel d’entraîner la croissance des bénéfices pour les entreprises qui les suivent.

– Il existe deux complications possibles au scénario haussier d’Al Robinson. Le premier, c’est le prix des matières premières. Si la volatilité du marché actions se transforme en un effondrement total, difficile d’imaginer que cela puisse être haussier pour les matières premières. Une récession majeure aux Etats-Unis ne va pas aider le prix des ressources naturelles à sortir du marasme dans lequel il se trouve actuellement.

– En revanche, si la réponse de Washington est perçue comme inflationniste, mais juste assez pour empêcher une récession aux Etats-Unis, on aura peut-être les conditions nécessaires à un rebond dans le prix de certaines ressources. Les coûts de main d’œuvre élevés ont déjà limité l’offre dans certains marchés importants.

– L’autre complication, ce sont les capitaux. Avec la dégringolade des prêts dans les banques, et le marché actions qui n’est pas l’endroit idéal pour lever des fonds en ce moment, comment les petites entreprises vont-elles financer leurs grands projets ? Y a-t-il suffisamment d’investisseurs prêts à prendre des risques pour que cela soit possible ?

– S’il y a un groupe d’investisseurs qui ne semblent pas s’intéresser aux marchés du crédit ou aux valorisations, ce sont les Chinois. L’Australian de jeudi dernier rapporte que "Australian Bunk Minerals, contrôlé par les Chinois, a accepté une prise de contrôle inversée de Grange Resources dans une opération qui sécurise la future production de boulettes de minerai de fer pour le plus gros fabricant de métal chinois, Shagang, et qui va entraîner l’introduction en bourse de la mine et de l’usine de boulettes de Savage River en Tasmanie".

– Si vous continuez à surveiller ce qui se passe dans les grosses blue chips comme Rio et BHP, vous raterez certainement le bouillon d’évènements qui mijote sous la surface. Et ça mijote pour de bon. Mais ce bouillon-là n’est pas toxique, contrairement à celui de Washington, qui pourrait bien tous nous empoisonner. Il nous faut attendre de voir ce que le Gang Paulson a concocté avant de pouvoir savoir jusqu’où le prix des actions va chuter — ensuite, nous pourrons peut-être envisager de nous positionner…

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