La Chronique Agora

Les politiciens nous prennent-ils vraiment au sérieux ? (1/6)

Hidalgo

Le défi de la semaine : trouver un lien de cause à effet entre l’égalité des sexes et le changement climatique.

Pendant la campagne présidentielle, la chaîne C8 s’est distinguée en diffusant l’émission Candidats au tableau ! lors de laquelle un quarteron de politiciens retournait à l’école pour répondre aux questions d’enfants de 8 à 12 ans.

Ce grand moment de télévision me semble un excellent résumé de la vie politique contemporaine, tant le politicien à la française ne cesse d’infantiliser le citoyen, qu’il s’agisse de l’électeur qu’il convient de déresponsabiliser et de caresser dans le sens du poil, ou de l’épargnant-contribuable dont il s’agit de diriger l’épargne avant de mieux le tondre.

Mais si ça n’était que cela ! Infantiliser le citoyen pour « son bien »… Les politiciens n’ont aucune vergogne à le mystifier en communiquant sur des valeurs et des convictions qui ne sont en fait que des faire-valoir. Bien souvent, ils ne croient pas une seconde à ce qu’ils racontent. Il y a donc bien des raisons d’être dépité devant les discours de nos politiques, d’autant plus que certains d’entre eux semblent véritablement nous visiter depuis un univers parallèle qu’ils ne quitteraient que pour pérorer dans les médias.

Avec un nouveau président de la République et le dégagement de moult dinosaures de la politique, les choses ont-elles changé ? Pas vraiment…

Les « ébénistes de la langue de bois »

Le changement de président de la République aura été l’occasion de confirmer que Christophe Castaner, le nouveau Jean-Christophe Cambadélis du paysage politique, n’a rien à envier à son prédécesseur :

Néanmoins, Anne Hidalgo (qui supplante donc Najat Vallaud-Belkacem dans cette catégorie langue de bois) a eu cette splendide tirade, modèle de bullshit-bingo :

Ceux qui nécessitent un appel à traducteur

Propulsée ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique, et envoyée spéciale pour la mise en oeuvre de l’Alliance solaire internationale, Ségolène Royal s’est enfin vue assigner un poste à la hauteur de ses compétences. Ambassadrice sans ambassade, l’ex-présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes pratique la confusion des genres donnant lieu à des déclarations passablement absconses :

Si vous voyez le moindre rapport de causalité entre le climat et l’égalité des sexes, merci de bien vouloir m’éclairer en commentaire.

Les amateurs d’art moderne qui font dans le non-figuratif

Encore un peu plus loin dans la distorsion du langage, on trouve notre nouveau président de la République. Emmanuel Macron a en effet mené campagne en cultivant l’ambiguïté de ses propos, au point que certains d’entre eux pouvaient signifier tout et son contraire.

Portant à son sommet la formule du cardinal de Retz selon laquelle « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », le candidat a réussi des sorties insensées qui sont pourtant passées comme une lettre à la Poste auprès des journalistes, et qui, dans une certaine mesure, ont séduit les électeurs.

Comment cela est-il possible ?

Clément Viktoropovitch, docteur en science politique et spécialiste de rhétorique, explique :

 « On appelle ça en psychologie cognitive ‘l’attention sélective’. Nous autres êtres humains, nous accordons beaucoup plus d’attention aux informations qui nous confirment dans ce que nous pensons. Ca veut dire que quand Emmanuel Macron dit ça, tout ceux d’entre nous qui pensent plutôt qu’il faut maintenir l’état d’urgence, ils entendent Ah, tiens ! Emmanuel Macron a dit qu’il était hors de question de le lever. Je suis heureux, je vais voter pour lui. Et ceux qui pensent que tout de même, sur l’état d’urgence, peut-être faudrait-il commencer à se poser des questions, entendent qu’Emmanuel Macron réunira une commission, eux se disent Tiens ! Je suis heureux, il réunira une commission. Si vous voulez plaire à tout le monde, il faut dire tout et le contraire de tout. Ce n’est pas pour rien qu’un des mots préférés d’Emmanuel Macron, c’est et en même temps.« 

Le comble étant qu’il est arrivé pendant la campagne qu’Emmanuel Macron lui-même avoue ne pas comprendre le sens de ses allocutions :

Moqué par des adversaires des plus lourdingues comme étant « le fils de Jean-Claude Van Damme » du fait de quelques sorties mystiques, Emmanuel Macron s’est en fait révélé un redoutable communiquant, comme l’a prouvé l’issue de l’élection.

Une stratégie à base de phrases purement incantatoires aurait-elle eu autant de succès aux Etats-Unis ? On ne le saura jamais, mais lors du séjour présidentiel de Donald Trump en France, ses conseillers ont pris soin de demander au président français d’être « concis et clair pour maintenir l’attention du président »…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile