La Chronique Agora

Plus c’est gros, mieux ça passe !…

▪ … Et si c’est vraiment énorme, personne ne s’en aperçoit !

Nous avions cru à une erreur de frappe ou de retranscription en passant en revue l’actualité macro-économique peu avant l’ouverture des marchés vendredi. Mais nous avons eu le week-end pour recouper les dépêches émanant des plus grandes agences de presse anglo-saxonne… les chiffres qui nous intriguaient sont bel et bien ceux figurant dans les alertes reprises sur les sites d’information français.

Nous parlons des statistiques de la Réserve fédérale concernant l’évolution du crédit à la consommation : l’encours s’est contracté de 9,15 milliards de dollars au mois de mai. C’est nettement plus sévère que la baisse de deux milliards de dollars anticipée par le marché… mais le chiffre qui continue de nous laisser sans voix, c’est celui du mois d’avril !

Notre premier réflexe avait été d’essuyer nos lunettes mais vous n’aurez pas besoin de sortir le spray antistatique pour vous assurer qu’aucune poussière ne vient troubler votre lecture. Notre police de caractère est d’une grande lisibilité ; toutes nos informations sont vérifiées et revérifiées. La réalité, pour incroyable qu’elle paraisse, c’est bien un effondrement de 14,85 milliards de dollars de l’encours de crédit au lieu d’une hausse symbolique — mais ô combien rassurante — de un milliard de dollars annoncée à l’origine, début mai.

En l’espace de seulement deux mois, les Etats-Unis accusent une contraction de 24 milliards là où les estimations retenaient une hypothèse d’une baisse d’un milliard, cumulée sur avril-mai.

Pour mémoire, l’encours du crédit à la consommation avait culminé vers 2 580 milliards de dollars en juillet 2008, juste avant que la bulle des créances pourries n’explose à la fin de l’été. Les banques ont enregistré depuis une contraction de plus de 180 milliards de dollars (dont une chute de 1% depuis la fin du premier trimestre 2010).

▪ Nous ne savons pas trop bien comment la Fed avait compilé les chiffres du mois d’avril. Nous serions très curieux de savoir quel est la nature du « retraitement » qui aboutit à un écart de volume aussi colossal.

Les banques auraient-elles décrété une opération vérité sur les créances irrécouvrables ? Y aurait-il eu une soudaine recrudescence de faillites personnelles (62% sont liées à des dépenses de santé imprévues) ? Les Etats-Unis en ont déjà enregistré plus de 750 000 au cours des cinq premiers mois de l’année 2010… qui s’avère déjà largement pire que 2009.

La mise en faillite personnelle, c’est une procédure tout à fait légale aux Etats-Unis, même si les règles ont été un peu durcies en 2005. Les spécialistes la connaissent sous l’appellation « Chapter 7 » (le « Chapter 11« , c’est pour les entreprises).

Elle était encore d’un usage confidentiel en 2008… mais ses adeptes ont fait un bond de 75% en 2009. La barre des +100% sera allègrement franchie en 2010.

▪ Il faut dire que l’exemple vient d’en haut. Prenez Morgan Stanley, par exemple, avec ses 220 milliards de dollars d’actifs… Eh bien, ses avocats d’affaire n’ont eu aucun mal à convaincre la direction d’annoncer la suspension du remboursement de cinq immeubles de bureaux implantés dans San Francisco : les créanciers se paieront en nature. La revente immédiate de ces biens, au prix actuel du marché, sera loin de couvrir la mise initiale mais c’est peut-être la moins pire des solutions.

Cela vaut toujours mieux qu’un long procès intenté à la filiale immobilière de Morgan Stanley… un laps de temps durant lequel les biens concernés vont se dégrader faute de pouvoir y héberger des occupants. « Mieux vaut une fin dans la douleur qu’une douleur sans fin », vous connaissez cet adage aussi bien que nous… et que dire des banquiers de Wall Street !

Cela ne nous indique toujours pas comment la Fed a rectifié de -23 milliards de dollars l’encours du crédit à la consommation accordé par les banques qu’elle supervise à l’entame du deuxième trimestre 2010 ! Et nous n’en revenons toujours pas que cette information ne trouble personne !

▪ Même si les marchés ont subi en fin de séance le contrecoup d’un fléchissement de Wall Street après deux heures de cotations, le CAC 40 a poursuivi sur sa lancée de la semaine passée (+6,66% de hausse). Il a clôturé hier sur un gain de 0,37% : il s’agit de la cinquième hausse consécutive.

Un pic de volatilité s’est par ailleurs matérialisé entre 15h35 et 16h15, avec une soudaine poussée haussière d’une trentaine de points entre 3 663 et 3 693 points, dans le sillage du Nasdaq. Le CAC 40 est ensuite revenu à la case départ, c’est-à-dire vers son cours d’ouverture de 3 567 points.

Les volumes demeurent réellement estivaux avec tout juste 2,1 milliards d’euros négociés sur les 40 poids lourds du CAC. Il semble que cela favorise une fois encore des stratégies visant à créer artificiellement de la volatilité (qui n’est pas perdue pour tout le monde) en pleine somnolence des marchés.

Les places européennes ont terminé pratiquement à l’équilibre (+0,15% pour l’Euro-Stoxx50). Francfort affichait +0,2% et Madrid qui reculait de 0,7%, malgré la victoire de l’équipe nationale au Mondial (ce qui est réputé devoir doper le PIB de 0,5 ou 0,7 point… mais les banques ibériques ont terminé en fort repli).

▪ Cette semaine pourrait s’avérer décisive à de nombreux égards. Après un lundi vierge de toutes indications, le tableau comporte à partir de ce mardi de nombreuses publications aux Etats Unis : la balance commerciale du mois de mai, les ventes au détail (mercredi), les prix à la production et la production industrielle (jeudi) puis les prix à la consommation (vendredi).

Dans l’attente, Wall Street a évolué sur le mode un pas en avant, deux pas en arrière durant toute la séance… Les marchés américains ont ensuite effectué un dernier petit saut par delà le point d’équilibre à quelques minutes de la clôture. C’est là une saine habitude qu’ont pris les manipulateurs d’indices afin d’entretenir artificiellement un environnement technique favorable (celui qu’analysent les programmes de trading informatisés).

Les trois indices de référence ont clôturé in extremis dans le vert. Ils alignent, tout comme leurs homologues européens, une cinquième séance de hausse consécutive. L’indice Dow Jones s’est adjugé +0,18% à 10 216 points ; le S&P 500 a grappillé +0,07% à 1 078 points et le Nasdaq Composite s’est arraché dans les derniers instants (+0,09%) pour clôturer au contact de la résistance des 2 200 points, à 2 198 points.

▪ Le point d’orgue de cette première séance de la semaine, c’était la publication des premiers trimestriels de la saison. Alcoa a ouvert le bal avec un profit de 13 cents par titres (contre 12 cents anticipés).

La réaction du marché fut favorable : le titre a pris 3% en transactions « hors séance » (le titre avait clôturé sur une consolidation de -0,65%).

Alcoa a longtemps été l’empereur mondial de l’acier… Mais l’empire du Milieu est devenu le premier producteur de la planète un peu avant la fin des années 2000, et c’est désormais Pékin qui fixe les prix. Et comme le numéro deux mondial de l’acier est Indien, ce sont des dirigeants issus d’ex-pays émergents qui font désormais la loi sur ce marché, avec des atouts que les multinationales occidentales leur envient.

M. Mittal et les industriels chinois n’hésiteront pas à casser les prix pour écouler leurs stocks si la demande mondiale donne des signes de faiblesse… ni à fermer des usines pour réduire les surcapacités. Et ce, avant même qu’Alcoa ait pu fixer la date d’une première rencontre avec les syndicats afin d’évoquer les difficultés du moment !

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