La Chronique Agora

Petit séjour sur la planète Mars

▪ Nous revenons de la planète Mars.

Nous vous en dirons plus sur le sujet dans une minute. D’abord, regardons un peu ce qu’ont fait les marchés en notre absence.

Alors que l’or semble bien soutenu sous les 2 000 $… les valeurs américaines sont fragiles et pourraient subir une correction sévère. Elles approchent du sommet de leur canal, et les actualités négatives se succèdent comme des attaques de drones.

Les profits s’affaissent — quoique pas aussi gravement que nous l’avions cru au début. La croissance du PIB US — dépouillée de son maquillage à la truelle — n’a été que de 1,1% par an depuis le début de la crise, ce qui n’est pas le signe d’une "reprise" authentique.

Le commerce mondial dépend lourdement de la Chine, laquelle dépend lourdement des consommateurs américains. Les ménages américains veulent peut-être dépenser plus… mais ils ne le peuvent pas. Terminé, les jours où ils pouvaient "retirer de l’argent" en hypothéquant leur maison. Il ne leur reste plus que leurs salaires — qui ont baissé — et les autres actifs. Les actions ont beaucoup grimpé, mais seuls les 10% les plus riches en ont profité. Les 90% restant ont une richesse nette qui stagne ou chute.

Sans l’aide du consommateur américain écervelé, la Chine commence à avoir l’air un peu fatigué — et peut-être frôle-t-elle sa propre crise. L’indice Shanghai Index s’échange à 44 fois les bénéfices — à peu près le niveau où étaient les Etats-Unis lorsque tout a mal tourné pour le secteur des dot.com.

Notre conseil : sortez tant qu’il est encore temps.

▪ De retour en Argentine…
Le ranch est divisé en deux. Une partie se situe dans la province de Salta ; l’autre à Catamarca. Nous sommes propriétaire de l’endroit depuis près de 10 ans mais nous n’avions encore jamais vu la partie de Catamarca. Il faut trois jours à cheval pour y arriver. Et, nous a-t-on dit, il n’y a rien là-bas.

Une fois, il y a quelques années, nous avons montré au contremaître une photo prise par le robot Rover sur Mars.

"On dirait notre ranch", a déclaré Jorge. "Du côté de Catamarca. En fait, ça a meilleure allure que notre ranch".

Nous n’avions jamais rien vu de tel. Nous n’imaginions même pas un tel endroit sur la planète

Cette partie de la propriété est une haute plaine entre deux chaînes de montagnes. Elle est sèche comme l’os, à près de 4 000 mètres d’altitude — une zone connue sous le nom de puna. Des millions d’années d’éruptions volcaniques, d’érosion et de secousses sismiques lui ont donné une allure qui semble à peine terrestre. De gigantesques montagnes. De vastes déserts. Des pics enneigés entourant des fosses de 45 km de diamètre. Des dunes de sables grandes comme des centres commerciaux. D’étranges sculptures naturelles. Brûlant comme Mercure en journée ; froid comme Saturne la nuit. Des lacs peu profonds, habités par… des flamands roses. Nous n’avions jamais rien vu de tel. Nous n’imaginions même pas un tel endroit sur la planète — jusqu’à ces derniers jours.

Plutôt que trois jours à cheval, nous avons choisi trois jours en 4×4. Il a fallu une journée entière pour contourner la chaîne montagneuse à l’ouest et entrer dans la vallée qu’elle dissimule. Une autre journée pour explorer la zone — ou du moins une minuscule partie. Le troisième jour, nous sommes rentrés.

▪ Cordillère des Andes et pierre ponce
Il n’y a qu’une seule route traversant cette partie de la puna. Et un seul hôtel. Un établissement sommaire, propriété du gouvernement provincial et géré par un de nos amis. Il n’y a pas l’électricité durant la journée et aucun chauffage dans les chambres. Malgré tout, le personnel sert un repas consistant (un seul menu) dans une atmosphère conviviale, réchauffée par une cheminée. La plupart des clients sont européens, bien que nous ayons vu qu’un visiteur récent venait de Washington.

La seule route goudronnée passe devant l’hôtel — mais il y a si peu de trafic qu’on pourrait faire la sieste au milieu sans craindre d’interruption. Juste à côté se trouve le commissariat. Un policier hisse le drapeau national à huit heures chaque matin. A part ça, aucune activité visible des forces de l’ordre. De notre côté de la route se trouvaient également quelques maisons et lots plantés de peupliers de Lombardie. Cette variété d’arbre semble se plaire dans les oasis désertiques ; ici, on l’utilise pour la construction et le chauffage.

Nous n’avons pas pu déterminer d’où venait l’eau. Il devait y avoir une source. Une série de canaux servait à arroser tous les lots et pâturages. Des chevaux, des chèvres, des moutons et des ânes profitaient de l’herbe verte. Tous étaient enfermés derrière des clôtures de terre ou de fil de fer — mais nous n’aurions pas pu imaginer qu’ils essaieraient de s’enfuir. Quelle que soit la direction prise, il n’y a rien à manger sur des centaines de kilomètres.

Le désert commençait de l’autre côté de la route — juste en face de l’hôtel. Une zone de milliers de kilomètres carrés avec à peine une créature vivante.

Il est quasiment impossible d’explorer la puna seul. On se perd — et on ne trouve jamais ce qu’on cherche. Nous avions engagé Luis pour nous aider à nous y retrouver.

"Ce que nous avons là, c’est une région qui a été géologiquement très active pendant très longtemps", a expliqué Luis tandis que nous avancions — apparemment en direction de nulle part — vers l’ouest.

"La Cordillère des Andes est devant nous".

Nous avons étudié les pics enneigés au loin.

"Elles sont en majeure partie volcaniques. Pendant des millions d’années, il y a eu des éruptions. Les cendres sont tombées dans cette zone — là encore, on parle de millions d’années — et se sont condensées en pierre ponce, qui couvre le sol. Et là, vous voyez les formes faites par le vent rongeant ces pierres. Elles ressemblent à des sculptures, non ?"

C’était vrai. De gigantesques sculptures, aussi énormes que des vaisseaux de guerre. Avec des poupes et des bastingages râpés par le sable et le vent. Il y avait aussi des montagnes de pierre ponce d’un bleu gris. Mais ces sculptures étaient blanches. Près d’elles se trouvaient de gigantesques tas de ce qui semblait être du sucre — mais n’était, là encore, que de la pierre ponce.

Contournant une colline pour regarder de plus près, nous nous sommes soudain enfoncés dans du sable mou. Même avec les quatre roues motrices, il semblait que nous n’étions pas près d’en sortir.

"Des gens meurent, ici", a dit Luis.

A suivre…

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