▪ Les autorités américaines ont tiré un lapin de leur chapeau. Nous discutions hier midi avec notre collègue Simone Wapler, rédactrice en chef de La Stratégie de Simone Wapler.
"Je pense qu’il sera plus bas que prévu", lui avons-nous dit. "Ensuite il sera révisé à la baisse. Probablement négatif".
Nous nous trompions. Le chiffre du PIB américain annoncé mercredi par les autorités (nous) a surpris par sa vigueur. Quatre pour cent ! Ma parole, ça ressemble presque à un taux de croissance sain. Le premier trimestre a également été révisé à la hausse… de -2,9% à -2,1%. Qui plus est, le FOMC a déclaré qu’il continuerait de réduire le QE, n’achetant que pour 25 milliards de dollars d’obligations le mois prochain.
Eh bien. Que dire ? Les autorités avaient raison. Nous avions tort. La reprise est réelle ! L’économie américaine est en plein boom ! La planification centrale, ça fonctionne ! Maintenant, Janet Yellen peut rejoindre Ben Bernanke et Alan Greenspan en couverture du TIME — une grande héroïne, une Jeanne d’Arc du 21ème siècle.
En théorie, on ne peut pas créer de la véritable croissance en imprimant de la devise factice… |
Attendez une minute. En théorie, on ne peut pas créer de la véritable croissance en imprimant de la devise factice… et on ne peut fabriquer de la véritable demande en donnant cette devise aux gens. En théorie, on ne peut pas non plus créer de la véritable prospérité en faisant grimper le marché boursier ou en imposant plus de dettes, adossées à des nantissements qui ne valent pas vraiment ce qu’on pense qu’ils valent, à des gens qui ne peuvent pas rembourser. Aucune théorie ne nous dit non plus qu’on peut augmenter la véritable richesse sans épargner… et investir cet argent dans de nouvelles usines, de nouvelles machines, de nouvelles compétences et ainsi de suite.
Dans la mesure où ça ne peut pas fonctionner en théorie, nous sommes sceptique. Peut-être que ça n’a pas vraiment fonctionné en pratique non plus.
▪ Les questions qui fâchent
L’économie américaine est-elle vraiment en plein boom ? Améliore-t-elle vraiment le sort des gens ? En deux mots comme en cent : probablement pas.
Pour pleinement apprécier ce qui s’est passé, il nous faut reculer de sept ans et revenir au quatrième trimestre 2007. C’est à cette époque que la machine à crédit a commencé à hoqueter. Les mécanos de la Fed ont sorti la clé à molette et l’huile… et ils se sont mis au travail. Sauf qu’ils ne connaissent en réalité qu’un seul remède : ils ont simplement donné plus de carburant à la machine !
Abaissant les taux directeurs de 50 points de base, ils ont affirmé qu’ils avaient besoin de taux artificiellement bas pour "promouvoir une croissance modérée".
Durant les sept années suivantes, les autorités ont "stimulé" l’économie avec cet argent facile. Il a fallu autant de temps à Pharaon pour se préparer aux années maigres… en constituant des réserves de céréales. C’est aussi la durée des années maigres elles-mêmes.
Le programme contre-cyclique de Pharaon a été un grand succès. Le peuple de l’Egypte antique a vaincu la famine de l’Ancien testament. 3 000 ans plus tard, comment se débrouille l’équipe Bernanke/Yellen ?
Aujourd’hui, on compte aux Etats-Unis 3,7 millions d’emplois à temps plein en moins par rapport au moment où la relance a été mise en place. Les revenus des ménages, pour 99% de la population américaine, sont plus bas qu’en 2007. Le taux de croissance réelle sur les sept dernières années n’a été que de 0,9% par an. Ajustez ça à un taux d’inflation légèrement plus élevé, et la croissance économique réelle a été négative. Ajustez-le à la croissance démographique aussi et la "croissance" disparaît complètement.
77 millions d’Américains ont des factures impayées en cours de recouvrement |
Les salaires horaires réels n’ont pas grimpé d’un centime. L’investissement des entreprises est toujours 20% sous son niveau de 2007. Et 77 millions d’Américains ont des factures impayées en cours de recouvrement.
Ce succès — si on peut appeler ça comme ça — a été acheté, rappelez-vous, par le plus grand flot de liquidité depuis le Déluge. Tout cet argent bon marché a inondé l’économie… s’est infiltré dans toutes les transactions… a faussé et corrompu tous les signaux de prix.
Mais hé… le PIB se développe au taux de 4% ! (Sous condition de futures révisions, bien entendu.)
Vas-y, Janet… fonce !