La Commission européenne enquête sur les prix pratiqués par le laboratoire sud-africain Aspen Pharmacare, soupçonné d’abus de position dominante dans cinq traitements anti-cancéreux, notamment contre les cancers du sang.
Pour le moment, on ne peut pas dire que la nouvelle ait fait s’effondrer la valeur de cette entreprise pharma cotée sur la Bourse de Johannesburg.
Dans les pays développés, le financement des soins de santé repose désormais largement sur de l’argent public et non sur un système d’assurance privé.
Dans ce contexte, beaucoup de bonnes âmes aux nobles sentiments ne trouvent rien à redire à l’ingérence publique et au contrôle des prix. La vie et la santé n’ont pas de prix.
Dès lors, la « pharma » est devenue emblématique du capitalisme de copinage : un carrefour mal famé où se rencontrent lobbyistes, politiciens empressés, législateurs serviles, fonctionnaires zélés, industriels chasseurs de subventions, primes et faveurs, et pourvoyeurs de fonds publics.
C’est un secteur dans lequel l’investisseur particulier se hasardera à ses risques et périls. Comment évaluer les marges futures d’un laboratoire ? Quel est le juste prix d’un médicament ?
Ceci dit, certains se débrouillent très bien pour transformer ce capitalisme de copinage en opportunités. C’est le cas de mon collègue du service FDA Biotech Trader. Il spécule sur le calendrier de la Food & Drug Administration américaine, l’organisme bureaucratique qui statue sur les autorisations de mises sur le marché : les cours s’envolent… et les profits avec – +224%, +122%, +287%… les abonnés de notre spécialiste Ray Blanco enchaînent les plus-values. Pour les rejoindre, cliquez ici.
En ce qui concerne la France, il est dévolu au Comité économique des produits de santé de négocier les prix avec les laboratoires pour réduire la facture des patients.
Ainsi, fin mars, le laboratoire californien Gilead a accepté de commercialiser le Sovaldi, son traitement de pointe contre l’hépatite C, pour 28 700 € au lieu des 56 000 € demandés en 2013. Le Solvadi guérit en trois mois cette infection virale à l’origine de cirrhoses et de cancers du foie.
Une victoire de l’Etat-providence et de ses zélés fonctionnaires sur l’âpreté au gain de Gilead ? Pas vraiment…
En réalité, c’est la concurrence qui a fait le boulot, notamment l’irruption de Merck sur ce marché.
Mais si l’Etat se mêle de tout, avec de moindres perspectives de rentabilité, la recherche sur les maladies rares ou orpheline ne sera-t-elle pas délaissée ?
Selon L’Express, le taux moyen de rentabilité de la pharma est très (trop ?) confortable :
« [Il] dépasse les 20%, contre 8% dans les autres secteurs, d’après le Conseil économique, social et environnemental. ‘Ces bénéfices sont indispensables pour attirer les capitaux qui financeront les investissements de demain’, défend Patrick Errard, président du LEEM, l’association des entreprises pharmaceutiques. Pourtant, il n’est pas certain que le coût de la recherche et développement progresse aussi vite que les prix des molécules. »
Nous ne prétendons pas à La Chronique avoir de solution toutes faites, mais nous avons deux certitudes.
En premier lieu, des prix contrôlés et administrés par l’Etat se révèlent à long terme toujours une catastrophe. Il n’y a pas à notre connaissance d’exemple de contrôle des prix qui engendre des secteurs d’activité innovants et performants. C’est le contraire.
En deuxième lieu, supprimer la concurrence favorise le gâchis et les inepties.
En France, l’assurance maladie est obligatoire, nationalisée, avec des cotisations proportionnelles aux revenus et une notion étrange « d’ayant-droit ». La suppression de l’effet concurrence, l’apparente gratuité suscitent des comportements irresponsables.
Ainsi, les Français ont tous un budget vacances ou automobile mais rejettent farouchement l’idée d’avoir un budget santé avec une franchise « risque mineur » couvrant la bobologie.
Comme d’habitude, la « régulation » a engendré ses propres problèmes que Up-Magazine nous décrit ainsi :
« La question de l’adaptation des mécanismes de régulation et de fixation des prix aux médicaments innovants est donc posée. Le dispositif actuel a été élaboré alors que les innovations étaient relativement rares et n’a pas été pensé pour s’adapter aux conditions dans lesquelles les médicaments innovants arrivent aujourd’hui sur le marché. Les mécanismes de régulation ne différencient pas suffisamment les innovations de rupture des innovations incrémentales (consistant à améliorer le traitement sans changement de procédé), et le prix ne reflète pas réellement le caractère innovant du traitement.«
Mais, comme d’habitude, le journaliste pense que plus de ce qui n’a pas marché sera la solution.
« De façon générale, le système de régulation manque d’une vision et d’un pilotage d’ensemble.
Une place plus importante devrait être donnée à l’évaluation médico-économique, qui met en regard les résultats attendus d’une intervention de santé avec les ressources utilisées pour la produire. Les prix demandés par les industriels sur certains produits sont trop élevés et non soutenables et le régulateur n’a pas encore tous les outils pour limiter les hausses de prix au regard de l’enveloppe budgétaire disponible.«
Voilà : avec plus d’outils de coercition, tout ira mieux.
En attendant, pour vos investissements, préférez les entreprises qui n’ont rien à voir avec l’Etat et le capitalisme de copinage et opèrent sur les marchés les plus concurrentiels.