La Chronique Agora

Le baril de pétrole au-dessus des 100 $ : intéressez-vous à l’énergie !

▪ En pleine crise de l’Union européenne, il est intéressant de noter que le prix du pétrole est doucement revenu au-dessus des 100 $ le baril. Le West Texas Intermediate est à 102 $ au moment où j’écris ces lignes. Le prix du baril de Brent — pour beaucoup, le chiffre le plus important — est de 111 $. Cela est remarquable au vu de la faiblesse de la reprise économique mondiale.

Autre point notable : le prix du pétrole brut connaît une tendance à la hausse, alors même que la plupart des autres matières premières baissent.

Les Etats-Unis sont les plus grands consommateurs de pétrole au monde. Cela ne croît pas beaucoup. Et pourtant, leur pétrole stagne. Selon moi, c’est le signe que les défis dans le domaine de l’énergie seront plus difficiles que par le passé.

Il y a quelques jours, j’ai noté avec intérêt que les deux principaux quotidiens financiers que je ne manque pas de lire chaque matin ont publié chacun un supplément spécial sur l’énergie. Voici en résumé ce qu’observait le Financial Times dans son supplément :

– c’est la première année que le prix moyen du baril de pétrole avoisine les 100 $. En termes réels, il s’agit du prix le plus élevé depuis 1984 ;
– cette année, les consommateurs américains sont sur le point de dépenser 200 milliards de dollars de plus qu’en 2010 en pétrole ;
– le budget d’investissement d’Exxon Mobil pour les neuf premiers mois — 26,7 milliards de dollars — a été un record ;
– l’offre est serrée ; la production des pays n’appartenant pas à l’OPEP (telle la Russie) a été décevante ;
– les Etats-Unis sont une exception. Ils inversent quatre décennies de déclin de la production et les importations sont passées en dessous des 50% de la consommation, au lieu de 60% en 2005. (Le Canada augmente lui aussi sa production.) ;
– la réduction des budgets gouvernementaux conduit à une diminution des subventions aux énergies alternatives. C’est l’Europe qui en ressentira surtout les effets ;
– la Chine est l’exception ; les subventions pour les énergies alternatives y ont été augmentées ;
– la renaissance du nucléaire est encore loin. Un article discutait des suppressions progressives de centrales dans le monde entier ;
– on note un enthousiasme renouvelé pour les méthaniers.

Penchons-nous sur le portrait que dessinent ces points. Selon moi, ils mettent en avant le défi consistant à produire suffisamment d’énergie pour réduire les prix. On devine également certaines opportunités — produire du pétrole à l’ancienne semble être toujours rentable.

▪ Le Wall Street Journal a quant à lui intitulé son rapport : « le pétrole revient chez nous ». En voici les principaux points :

– le Moyen-Orient n’est plus au centre des attentions concernant le pétrole ; l’Occident a pris sa place — les sables bitumeux au Canada, le pétrole en eaux profondes au Brésil et dans le golfe du Mexique, le schiste bitumeux aux Etats-Unis ;
– d’ici 2020 le schiste bitumeux et le gaz représenteront un tiers de la production des Etats-Unis, ce qui pourrait affaiblir le pouvoir de l’OPEP (l’Arabie Saoudite s’en inquiète) ;
– les réseaux de distribution d’électricité intelligents (les smart grids) arrivent. Un article parlait des systèmes de pilotage énergétique et d’autres moyens pour augmenter l’efficacité et économiser de l’argent ;
– article intéressant sur le comté de Churchill dans le Nevada, qui connaît un boom de l’énergie géothermique ;
– les producteurs de bioénergie investissent d’autres marchés : ils commercialisent des produits pour la protection de la peau ainsi que des produits de beauté. (Les biocarburants, comme d’autres énergies renouvelables, traversent une mauvaise passe.) ;
– les fabricants américains de batteries connaissent des moments difficiles. Ils tentent de survivre alors que la concurrence étrangère est forte et que l’adoption de véhicules électriques ne décolle pas ;
– Townsville, en Australie, prévoit de poser un câble pour acheminer l’hydroélectricité en provenance de Papouasie-Nouvelle Guinée, à quelque 1 000 kilomètres de là ;
– la Chine ralentit son programme nucléaire pour des raisons de sécurité ; cela crée des opportunités pour certaines entreprises ;
– le « charbon propre » est une aubaine pour les entreprises qui vendent des filtres et d’autres moyens de réduire les émissions.

Ce rapport insiste plus expressément sur la modification des comportements des consommateurs, sur l’invention de nouvelles façons de créer de l’énergie et de l’acheminer là où elle est nécessaire. Il aborde également la question des frontières énergétiques et leur rôle essentiel.

A mon avis, l’énergie est autant une question de lieu que de source. Au Nevada, on peut exploiter l’énergie géothermique. En Australie, on tente une façon innovante d’acheminer de l’hydroélectricité depuis la Papouasie-Nouvelle Guinée.

On ne peut pas vraiment dire que l’électricité géothermique soit une grande source d’énergie. Elle l’est dans certains endroits et pas dans d’autres. Il en va de même pour l’hydroélectricité. Mais ces histoires montrent combien les hommes peuvent être innovants. Elles montrent comment il peut arriver des choses que personne n’aurait pu imaginer il y a encore quelques années. Rendez-vous compte : la production américaine de pétrole et de gaz est assez élevée pour menacer l’Arabie Saoudite ! Auriez-vous pu imaginer cela il y quelques années ? Et pourtant, c’est ce qui arrive aujourd’hui.

Ces histoires montrent également le rôle des politiques d’énergie. Partout. Les politiques gouvernementales ont un fort impact sur la combinaison énergétique recherchée. De grosses subventions pour l’énergie solaire, en particulier en Europe, ont permis à ce secteur d’atteindre un niveau qu’il n’aurait jamais atteint sans cette aide. Mais à présent, mesures d’austérité et budgets serrés obligent, un changement de politique peut la détruire.

Un investisseur dans l’énergie doit surveiller beaucoup de paramètres. Les technologies changent. Les habitudes de consommation évoluent. Les politiques gouvernementales changent. Mais la toile de fond globale est très solide pour les producteurs d’énergie. La preuve la plus indéniable est la plus évidente : au milieu de toutes les agitations et malgré la croissance ralentie sur les grands marchés des Etats-Unis et de l’Union européenne, le baril de pétrole est supérieur à 100 $.

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