▪ « Auriez-vous investi au Brésil il y a quinze ans si vous en aviez eu la possibilité ? » me demanda notre hôte colombien un soir. Il essayait par là-même d’aborder les opportunités qu’offrait son pays.
« Bien sûr, cela aurait été un beau coup », répondis-je.
« Alors, bienvenue en Colombie ».
Nous étions installés dans un fort agréable restaurant du centre de Medellin. Medellin est une jolie ville qui s’étend à travers une vallée fluviale et grimpe le long des montagnes qui l’entourent. On surnomme Medellin « la ville du printemps éternel » grâce à son climat tempéré. Si Medellin (et la Colombie) vous évoque des images de violence, une visite dans cette ville vous fera changer d’avis. Nous aurions pu nous croire dans beaucoup d’autres villes dans le monde. Je ne m’y suis jamais senti en danger. (Comme dans n’importe quelle ville, il y a des quartiers dangereux et des quartiers tranquilles). Les bars et restaurants ne désemplissent pas de toute la nuit. L’horizon est illuminé par de grands buildings. Les trottoirs sont noirs de monde. Cela n’a pas toujours été le cas ; à une certaine époque, Medellin fut notoirement une ville dangereuse.
Par le passé, la Colombie a connu de très importants problèmes de sécurité, mais la situation s’est beaucoup améliorée aujourd’hui et la plupart des problèmes qui restent se posent au fin fond de la jungle, près des frontières poreuses avec le Venezuela ou l’Equateur. (En fait, lors de notre séjour, les rebelles ont enlevé 23 employés de la société Talisman qui effectuaient des relevés sismiques près de la frontière vénézuélienne. Toutefois ces événements sont aujourd’hui rares).
▪ Aujourd’hui, la Colombie est un marché émergent jeune et en pleine croissance qui a beaucoup de retard à rattraper — c’est là la principale opportunité d’investissement.
Par exemple, nous avons un jour visité Cementos Argos, le plus gros producteur de ciment en Colombie, avec une part de marché de 51%. L’entreprise possède beaucoup d’actifs. Outre ses activités dans le ciment, Argos possède un énorme actif foncier de 5 000 hectares et un portefeuille avec des participations dans trois autres entreprises cotées colombiennes d’une valeur de 3,3 milliards de dollars et 600 millions de tonnes de réserves de charbon.
Nous avons rencontré Ricardo Andres Sierra, le directeur financier. Il nous a raconté qu’autrefois, lors de la période sombre, les usines ne pouvaient fonctionner que de 6h à 18h. Mais aujourd’hui les usines fonctionnent 24/7. « Nous pouvons aller partout où nous voulons », affirme-t-il.
Pour Argos, la Colombie représente une énorme opportunité. Comme c’est souvent le cas lors d’un boom, la construction des infrastructures pour le soutenir arrive plus tard. La Colombie est bien en retard du point de vue des infrastructures. Elle a besoin de kilomètres et de kilomètres de routes. Elle a besoin de développer ses ports, ses aéroports et son réseau ferré. Ce thème a été récurrent lors de notre voyage, un sujet que nous avons entendu tout le monde mentionner.
Sierra nous a donné une statistique saisissante. Selon lui, la Colombie consomme environ 220 kg de ciment par habitant et par an. Ce chiffre est à comparer aux 500 kg au Vietnam. Cela signifie que la Colombie est bien en deçà des taux de consommation des économies en expansion comparables. Il y a encore beaucoup à faire, dans bien des domaines.
Nous avons parlé de projets de nouvelles routes, par exemple la Ruta del Sol, qui reliera Bogota, la capitale des Andes, avec Santa Marta, une ville portuaire sur la mer des Caraïbes. Nous avons évoqué l’expansion de la Cartagena Refinery. Ces deux projets sont de très gros projets, aussi importants que « l’élargissement du Canal de Panama », selon Sierra. Il y a également un projet de tunnel qui reliera Bogota au port de Buenaventura, sur le Pacifique. Il y a quelques projets de centrales hydroélectriques, de services de bus, de pipelines, etc.
« Les infrastructures sont la clé de la croissance en Colombie, c’est certain », martèle Sierra.
Ceci a également été l’une des surprises de ce voyage. Naturellement, nous avions entendu parler et avions lu bon nombre d’articles à propos du relatif manque de bonnes infrastructures en Colombie. Mais c’est autre chose d’être sur place et de le constater par soi-même.
Par exemple, la circulation à Bogota est impossible — ou presque. Les routes sont encombrées de petites voitures qui n’avancent pas. Il semble qu’il faille une éternité pour parcourir ne serait-ce que de courtes distances. L’un de nos contacts nous a révélé que la Colombie ne possède que 300 km de routes à quatre voies.
Le gouvernement sait cela et il consacre beaucoup d’argent au développement des infrastructures pour les prochaines années. Argos est en excellente position pour tirer bénéfice de cela.
Par conséquent, selon nous, les infrastructures sont l’un des grands thèmes d’investissement de ce pays.
▪ L’autre thème est le pétrole, ce qui n’est guère surprenant vu que le pétrole représente 40% des exportations colombiennes et est l’un des thèmes majeurs et historiques des investissements en Colombie. Les années de violence qu’a traversé le pays ont entravé l’exploration et le développement de ses ressources pétrolières. L’amélioration dans les problèmes de sécurité a ramené en force les compagnies pétrolières. En outre, Hugo Chavez a attiré un grand nombre d’agents pétroliers du Venezuela. Beaucoup sont venus en Colombie et ont utilisé leur expertise dans le pétrole lourd pour exploiter le riche Llanos Basin colombien, à l’est du pays, qui partage une géologie similaire aux prolifiques champs vénézuéliens.
Ce qui pourrait surprendre est la vitesse à laquelle tout cela est arrivé. La plupart des superficies sont déjà verrouillées. Lorsque de nouveaux blocs sont mis sur le marché, ils font l’objet d’une lutte acharnée. Nous avons rencontré Charles Gamba, président et P-DG de Canacol Energy. Il nous a appris qu’il y avait 67 offres pour le dernier bloc. Ce secteur se développe très, très rapidement.
En 2003, la Colombie n’avait donné des permis que sur 4% de sa surface disponible. Aujourd’hui, c’est 60%. Plusieurs entreprises ont donc amassé un enviable portefeuille de prospects à explorer dans le pays. Et le pétrole et le gaz seront un important moteur de l’économie colombienne ces prochaines années à mesure que le pays se développe.
En tous les cas, il y a, comme dans tout marché et à toute époque, des opportunités. Et là, il y en a, certainement.
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