La Chronique Agora

Pétrole à 120 $: comment échapperons-nous à la marée noire de l’inflation ?

▪ Le CAC 40 avait terminé le mois de février au zénith vendredi dernier. Il entame le mois de mars sur un gap haussier au-dessus des 3 450 points et termine la séance au plus haut du jour, de l’année et même depuis le 3 août dernier !

Les marchés ont salué dès dimanche — via les futures sur indices — la décision de la Banque centrale chinoise d’abaisser de 0,5% le montant des réserves obligatoires des banques commerciales. Cela libèrerait une capacité de 40 milliards de dollars de prêts supplémentaires.

▪ Chine : futur subprime en vue ?
« La Chine fait de la relance » s’extasie-t-on immédiatement… Mais a-t-elle le choix ? Ses exportations étaient en recul marqué au mois de janvier, tandis que les transactions immobilières sont en chute libre depuis trois mois sur fond d’amorce de dégonflement des prix. Rappelons que c’est exactement comme cela qu’a débuté l’éclatement de la bulle des subprime en 2007.

Pékin tente d’éviter un dérapage incontrôlé du secteur immobilier… alors parler de « relance », c’est vraiment ignorer la réalité du terrain et ne voir que le verre à moitié plein.

En se saisissant du prétexte de l’assouplissement des règles du crédit et en se bornant à des interprétations positives, rien de plus facile que de faire monter les cours dans un marché creux, en l’absence des investisseurs américains.

Une hausse qui s’effectue dans le vide. En effet, les vendeurs restent totalement absents et respectent à la lettre le postulat selon lequel « on ne vend pas un rally haussier » — pas plus que l’on ne doit tenter d’attraper un couteau qui tombe, d’ailleurs.

Puisque les 3 440 points (50% de retracement de la baisse 4 170/2 690) ont été débordés, les opérateurs pressentent que l’objectif pourrait se situer vers 3 500. Ce serait cohérent par rapport à l’anticipation d’un test des 13 000 points par le Dow Jones dès ce mardi.

Un score de 13 000 n’a pas un grand sens économique. L’indice historique n’était pas parvenu à rallier ce niveau quand tout allait bien pour les Etats-Unis en février 2011. Rappelons qu’à cette époque, les taux de progression des bénéfices étaient bien supérieurs à ceux que nous connaissons depuis début 2012  — et ce alors que les investisseurs pouvaient s’appuyer sur le quantitative easing de la Fed.

▪ Les indices américains s’en tiennent au plan
Mais peut-être les sherpas de Wall Street avaient-ils décidé dès le 1er janvier que le Dow irait à 13 000 et le Nasdaq à 3 000 points. Peu importe le contexte économique, peu importe le prix des matières premières et de l’énergie, tant qu’il n’éclate pas une guerre dans le golfe Persique, « on s’en tient au plan ».

La Fed et le « Wall Street Casino » n’ont rien à craindre de la police des jeux. Si le noir sort 30 fois sur 36, et le rouge six fois seulement et uniquement lorsqu’il n’y a aucune mise sur le tapis, personne ne va aller se plaindre que la roulette est truquée.

Elle n’est pas vraiment truquée d’ailleurs… C’est simplement que deux tiers des cases rouges ont été supprimés. Ainsi celles portant la mention « danger d’inflation », « amorce de récession », « risque de bulles d’actifs », « effondrement des transactions immobilières en Chine », « tensions au Proche-Orient », « explosion sociale en Grèce », « chômage endémique en Europe », « gonflement des déficits aux Etats-Unis », disparaissent-elles.

Les cases rouges ont été masquées par des petits caches noirs portant la mention « planche à billets » ou « LTRO le 29/02 », ou encore « open bar sur les liquidités gratuites à la BCE ».

Pour que les marchés grimpent, il n’est même pas besoin que l’actualité apporte de « bonnes nouvelles ». Il suffit juste qu’il n’y en ait pas de mauvaises.

▪ Grèce et Espagne : la révolution n’est pas pour tout de suite
Les manifestations d’Athènes et les défilés monstres en Espagne (mobilisation contre la refonte du droit du travail) se sont achevées sans heurts. Tout va bien, la révolution n’est pas pour demain. Et cela suffit au bonheur des day traders qui espèrent juste que la tendance sous-jacente va tenir jusqu’à la clôture.

Demain est effectivement un autre jour, après-demain… c’est déjà de la Bourse-fiction.

Tant qu’il n’y pas nécessité d’appuyer sur le bouton « solder les positions de toute urgence », aucun excès, aucune absurdité ne sont considérés comme un motif de changer son fusil d’épaule.

▪ Deux gaps sur le CAC 40 mais pas de volumes
Pas un commentateur sur BFM ou CNBC ne s’est inquiété de l’ouverture de deux gaps successifs à la hausse sur le CAC 40. Le premier se situait au-dessus des 3 393 vendredi matin, et le second au-dessus des 3 450 points ce lundi même. Ce scénario ne suscite nulle inquiétude. Ces accélérations ne sont pourtant en aucune façon étayées par celle des volumes.

C’est un marché de flux et non de conviction, nous répète-t-on depuis fin décembre. C’est une hausse sans acheteurs…  une hausse taillée sur mesure pour les day traders (pour lesquels seul compte l’instant présent)… une hausse qui confirme l’aveuglement des marchés, lesquels ignorent superbement la flambée du pétrole au-delà des 105 $ sur le WTI et 120 $ à Londres sur le Brent — celui que nous consommons sur le Vieux Continent.

▪ Hausse du WTI et du Brent : augmentation à prévoir sur tous les produits
Qui se préoccupe aujourd’hui de voir un baril à 130 $ ? Cela nous vaudrait de l’essence à deux euros à la pompe. Si le pétrole atteignait un tel sommet, cela risquerait de faire déferler la marée noire de l’inflation en Europe et aux Etats-Unis, puis de mazouter la consommation et la croissance…

Qui tient compte dans ses projections de bénéfices des entreprises le coup de massue qui s’abat déjà sur le pouvoir d’achat des ménages et les coûts de production des entreprises ?

Car après l’envol des prix du fioul se profile celui des denrées alimentaires, qui dépendent d’un haut de niveau de mécanisation, des métaux et produits de base industriels — très sensibles aux prix de l’énergie, sans véritable pricing power pour la plupart d’entre eux.

Dans un contexte de croissance et de progression des salaires, il est facile de répercuter les surcoûts au consommateur ; quand les revenus distribués se contractent, ce sont les marges qu’il faut sacrifier.

Il s’agit là d’un raisonnement global s’appliquant aux multinationales et le cas de figure est encore plus défavorable lorsque le facteur devise vient s’en mêler. Le Japon vient de s’engager dans une nouvelle course à la dévaluation compétitive du yen et la Fed prépare déjà sa riposte avec un QE ciblé sur les créances hypothécaires.

L’euro se renforce et revient tester les 1,33 $. Ce serait un motif de se réjouir si au-delà d’un signe de confiance dans la pérennité de la monnaie unique ne se dessinait l’accumulation de nouveaux handicaps à l’exportation qui sont particulièrement préjudiciables aux pays du sud.

Et qui souligne assez que dans l’affaire de l’embargo sur le pétrole iranien, la Grèce — tiens encore elle ! — court un danger mortel ? En effet, 30% de ses importations dépendent du bon vouloir de Téhéran. Ce dernier ne livre plus la France ni l’Angleterre et menace les Pays Bas.

Nul doute que dans le grand élan de solidarité général consécutif au sommet de l’Eurogroupe, il faille s’attendre à ce que quelques pétroliers en provenance d’Arabie Saoudite ou des côtes de l’Afrique soient détournés de leur destination et vident leurs cuves au Pirée plutôt qu’à Amsterdam. Mais il faudra bien sortir ce pétrole de quelque part, et au prix fort, vu le contexte actuel…

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