La Chronique Agora

Petite étude comparée des systèmes de santé

▪ Les médias français parlent de la réforme du système de santé américain comme s’il s’agissait de la Déclaration d’Indépendance. Les Américains sont enfin entrés dans le monde moderne, semblent-ils dire. Ils ont désormais accès aux soins de santé comme étant un droit acquis.

Nous nous méfions de toute idée jugée bonne par les journaux français ; ils sont aussi lamentables que le New York Times.

Le fait que les gens pensent avoir un "droit" aux soins de santé montre bien à quel point les gens ne réfléchissent pas. Un "droit" n’a de sens que lorsqu’il peut être appliqué de manière universelle, sans causer de tort à quiconque. On peut avoir le droit de posséder une propriété, par exemple, parce que tout le monde peut profiter de ce droit sous les mêmes termes et conditions. On peut avoir le droit de dire ce qu’on veut… tant que tout le monde peut dire ce qu’il veut. Mais si vous avez droit à un scanner, une autre personne a l’obligation de construire la machine… la mettre en service… la faire fonctionner… l’entretenir… la mettre à disposition du public… interpréter les résultats, etc. Qui est cet esclave enchaîné à votre service ?

Si l’on en croit toute la publicité faite autour de l’affaire, la loi sur le système de santé US est censée accomplir des miracles. Elle devrait réduire les coûts de santé des entreprises, réduire le déficit fédéral, et diminuer les primes d’assurance. Bien entendu, il n’en sera rien.

"Là, on est vraiment arnaqués", déclare Jules, 22 ans. "Vous les baby-boomers, vous allez profiter de soins gratuits supplémentaires, et c’est ma génération qui va devoir payer. Non seulement ça, mais je vais devoir m’acheter ma propre assurance-maladie".

▪ La France a un système de santé publique qui semble assez bien fonctionner. Lors des deux occasions où nous en avons eu besoin… nous l’avons trouvé efficace et digne. Une fois, nous avons été emmené à l’hôpital en ambulance ; notre médecin pensait que nous faisions une attaque ou que nous avions une tumeur au cerveau — qui se révéla n’être qu’une infection de l’oreille interne. En tout cas, il n’y avait rien à redire. Pas d’attente. Pas de problèmes. On nous a fait quelques tests… et la situation s’est résorbée. Une autre fois, Edward s’était cassé les dents de devant alors qu’il jouait avec le fils du voisin… On l’a amené d’urgence à l’hôpital, et ses dents ont été réimplantées chirurgicalement. A nouveau, tout s’est bien passé.

Mais la France n’est pas les Etats-Unis, et le système français n’a rien à voir avec ce que l’équipe Obama a conçu.

Le système français fonctionne bien parce que les Français sont très critiques, intolérants et exigeants… avec eux-mêmes comme avec les autres. Enfin, ils l’étaient autrefois…

Il est encore rare de voir une personne vraiment obèse en France. On s’attend à ce que les gens prennent soin d’eux-mêmes. On s’attend à ce qu’ils mangent correctement. Contrairement aux Anglais, les Français ne boivent pas à l’excès. Et contrairement aux Américains, ils ne se tirent pas dessus à tous les coins de rue. Se comporter "correctement" concerne aussi bien la santé que le reste. On attend des gens qu’ils se comportent correctement — c’est-à-dire de manière à ne pas mettre trop de pression sur le système de santé public.

De plus, les avocats ne sont pas encore des vautours en France. Les médecins et les hôpitaux ne vivent pas dans la crainte des procès… et, selon notre expérience, les pharmaciens distribuent conseils et médicaments assez librement.

▪ Un Indien vivant de longue date en Californie revient à Bombay pour assister au mariage du fils de l’un de ses amis. Il remarque que la famille de la mariée n’est pas de la même caste… mais d’une caste inférieure. Il se demande s’il faut dire quelque chose ; les habitudes ont peut-être changé durant ses nombreuses années d’absence.

Il finit par se retrouver seul avec son vieil ami pendant une minute.

"C’est normal, maintenant, d’épouser une fille d’une caste inférieure ?"

"Quoi ?"

"Eh bien… je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que ton fils épouse une fille d’une caste inférieure".

"Non, non. Mon fils travaille pour JP Morgan. Elle travaille pour Goldman Sachs. Même caste".

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