Build the Fatherland. Kill a student.
[NDLR : Construisez la patrie. Tuez un étudiant.]
– graffiti pro-Perón sur les bâtiments de Buenos Aires,
circa 1952
« Je ne suis pas superstitieux ».
Cette réponse révélait une insouciance si charmante et une fanfaronnade si « cash » qu’elle aurait pu sortir de la bouche du président-élu des Etats-Unis.
Mais non, c’est ce qu’a répondu l’ex-président argentin, Juan Domingo Perón (encore un spécimen de leader national s’inscrivant dans la tradition du « grand homme »). Alors qu’âgé de 59 ans, il était questionné sur ses relations avec une jeune fille de 14 ans.
La jeune fille en question (mineure, de toute évidence) avait été invitée à la Casa Rosada, l’équivalent de la Maison Blanche, en Argentine, pour s’occuper des chiens. Ces chiens, Perón en avait hérité de feu son épouse, Eva. La jeune fille, Nelly Rivas, il l’avait trouvée tout seul.
La liaison dura plusieurs années, jusqu’à ce Perón soit finalement renversé par un coup d’état militaro-catholique. Il s’enfuit par le Rio de la Plata, sur une canonnière paraguayenne, en laissant Nelly derrière lui.
La déception Greenspan
Aujourd’hui, nous étudions Perón comme modèle de présidence pour Trump. Mais avant de revenir à la politique, nous précisons qu’aujourd’hui est un grand jour, pour nous.
Pendant 10 bonnes années, de 1998 à 2008, il s’est rarement écoulé un jour sans que nous nous soyons moqué de l’ex-président de la Fed, Alan Greenspan, ou sans que nous l’ayons dénigré ou critiqué.
Nous le surnommions « Bulles ». Ou encore « le fonctionnaire le plus célèbre depuis Ponce Pilate ». Ce n’était pas seulement parce que Greenspan saccageait l’économie avec des filets de sécurité, des bail-out et l’argent facile. Notre déception allait bien au-delà : Alan Greenspan aurait dû être mieux avisé.
Son épouse était membre de The Collective, un groupe libertarien de New York. Ayn Rand en personne a déclaré, lorsque Greenspan a rejoint le groupe des conseillers économiques du président Ford [le Council of Economic Advisers], que désormais il y avait un « homme » à Washington.
Et en 1966, Greenspan a écrit un célèbre essai intitulé L’Or et la liberté économique [Gold and Economic Freedom], dans lequel il était clair qu’il comprenait la nécessité d’une monnaie « intègre ».
Contrairement à Bernanke et Yellen, qui n’ont jamais manifesté aucun intérêt pour les rouages de l’économie réelle, Greenspan manifeste de la curiosité et suffisamment d’indépendance intellectuelle pour voir au-delà des illusions si chères à l’économie moderne.
Mais à un moment donné, il a rangé ses principes de marché-libre dans un tiroir bien pratique et fait ce qu’il fallait pour conserver son pouvoir, son influence et son statut dans les cercles restreints du Deep State.
Aujourd’hui, le Dr Greenspan est venu nous voir à Baltimore.
Demain, nous poserons la question clé : cela valait-il vraiment la peine ?
Rendez-vous demain.
Un modèle à la Perón pour Trump ?
Pour l’instant, retournons à notre modèle destiné à Donald Trump : Juan Perón, l’homme qui a apporté le « Péronisme » à l’Argentine.
« Le Trumpismo », c’est ce à quoi nous nous attendons au cours des quatre ou huit prochaines années, aux Etats-Unis. C’est un style de gouvernement qui n’est pas forcément mauvais, ni bon. Mais il est différent. Il est motivé par la personnalité et il est idiosyncratique.
C’est ce qu’il se produit lorsqu’un leader à forte personnalité, sans allégeance aux partis traditionnels ni convictions idéologiques, arrive au pouvoir.
S’il est malin (et chanceux), il devient le héros dans l’histoire du pays. Plus tard, il deviendra l’ennemi.
Juan Perón était officier dans l’armée et a eu la chance (dans les années 1930) d’être envoyé en Europe pour y étudier deux nouveaux modèles politiques ayant réussi : l’un dans l’Italie de Mussolini, et l’autre dans l’Allemagne d’Hitler.
Il fut impressionné. Le fascisme, expliquait-il dans les lettres qu’il envoyait chez lui, avait réussi à rassembler les classes ouvrières et la nation, unies derrière un puissant chef d’Etat.
Perón a remporté à trois reprises les élections présidentielles, en Argentine. Il l’a fait en séduisant les populations de masse, dans les villes, en distribution de maigres allocations à ses partisans « peu informés »… et de riches offrandes à ses collaborateurs bien informés, les initiés.
Il n’était ni conservateur ni libéral mais se positionnait plutôt à mi-chemin, par la force de sa personnalité, par des dépenses en infrastructures et militaires somptuaires et d’adroites manoeuvres politiques.
On disait qu’il s’agissait d’une « troisième voie », entre communisme et capitalisme. Perón a pas mal puisé dans les pires caractéristiques des deux systèmes : les ententes entre compères et les cadeaux aux zombies. Il les a combinés pour en faire un gouvernement dysfonctionnel, destructeur de richesses, et portant atteinte aux libertés.
Le sale boulot
Après la Deuxième guerre mondiale, Perón a offert 10 000 passeports à des nazis en fuite.
Il a fait appel à certains d’entre eux pour le conseiller sur la façon de gérer une police secrète moderne. D’autres ont apporté de nouvelles technologies et construit des usines.
Mais Perón s’appuyait toujours sur la populace pour faire son sale boulot. Quand bon lui semblait, elle s’attaquait aux étudiants de gauche et aux socialistes. Elle a également saccagé des églises (y compris la Cathédrale métropolitaine de Buenos Aires) après l’excommunication de Perón.
Et lorsque des bombes « terroristes » ont explosé dans Buenos Aires (on n’a jamais découvert qui l’avait fait), le jour suivant, Perón a de nouveau lâché la populace sur cette ancienne élite, conservatrice et propriétaire terrienne, du Jockey-Club (qui a été incendié).
Mais plus il jouait les gros bras, plus il se créait des ennemis. Finalement, il y en eut trop. L’église et l’armée ripostèrent en 1955 par un coup d’Etat sanglant.
Perón s’enfuit au Venezuela puis en Espagne, où il réussit à conserver la mainmise sur la politique argentine, sans offenser son hôte, le dictateur militaire espagnol Francisco Franco.
En 1973, Perón retourna dans son pays et fut élu pour un troisième mandat, avec sa troisième épouse, Isabel, comme vice-présidente.
Mais il mourut un an plus tard. Et alors « conserver la mainmise » devint une plaisanterie : il avait été inhumé au cimetière de Chacarita, à Buenos Aires, où des pilleurs de tombe déterrèrent son corps puis lui tranchèrent les mains qu’ils proposèrent en échange d’une rançon.
Ce crime n’a jamais été résolu.