La Chronique Agora

Péchés financiers

** Le 30 avril 2008, Paulson, ministre des Finances, exprimant l’idée reçue du moment, déclarait : "je pense que nous sommes plus proches de la fin [de la crise du crédit] que du début".

– Une semaine plus tard, Steven Romick, gestionnaire de portefeuille du fonds FPA Crescent Fund, exprimant l’opinion minoritaire du moment, le contredisait : "nous ne voyons pas comment nous pourrions avoir atteint le fond alors que les entreprises ne s’en sont pas encore sorties. Prenez donc comme exemple les interprétations généreuses des normes comptables du GAAP par Lehman Brothers".

– Au cours d’une présentation passionnante durant le Congrès américain des investisseurs par la valeur, le 7 mai 2008, Romick a cité le cas "baissiers contre secteur financier", tout en critiquant plus particulièrement Lehman Brothers pour ses péchés financiers d’omission — comme par exemple l’omission de plusieurs dévalorisations dans leurs comptes de résultats.

– Romick a déclaré :

– "L’annonce de Lehman au premier trimestre semblait correcte à première vue. Dans un article de presse publié le 18 mars, ils ont annoncé 0,81 $, ce qui dépassait les attentes du consensus. Le Wall Street Journal a attribué une partie de l’augmentation de 4,2% du prix des actions ce jour-là à l’annonce des revenus de Lehman, et a publié en gros titre le lendemain : ‘Goldman, Lehman relèvent les marchés’. Cependant, leur revenu hors taxes de 663 millions de dollars a bénéficié d’une revalorisation de leur dette de 600 millions de dollars". 

– "Lehman, selon les déclarations récentes du FASB, a la capacité de réduire ses dettes sous certaines circonstances, c’est-à-dire si leur coûts d’emprunt augmentent. Le montant dévalorisé sera compensé par des intérêts débiteurs jusqu’à ce qu’il atteigne sa maturité, ou qu’il soit revalorisé de façon importante. Donc sans ce ‘bénéfice’, Lehman aurait annoncé des revenus qui atteindraient à peine le seuil de rentabilité. Même si certains analystes ont mentionné la revalorisation de la dette, aucun (d’après ce que nous avons vu) n’a fait de remarque sur le fait qu’ils seraient complètement passés à côté de leurs revenus sans cette revalorisation."

– "Grâce à des informations supplémentaires […], nous avons pu déduire que leurs revenus étaient encore pires que nous ne le pensions. Les capitaux de niveau III (les capitaux évalués au prix du modèle, plutôt qu’au prix du marché) ont été revalorisés à la hausse à hauteur de 700 millions de dollars et les droits d’administration des créances hypothécaires ont été revalorisés à la hausse à hauteur de 364 millions de dollars, ou 31%. Selon nous, le revenu hors taxe correspond donc à une perte hors taxe de 996 millions de dollars, mais notre point de vue est minoritaire".

** Nous savons tous ce qui s’est passé ensuite ; Lehman est tombé et nous pouvons supposer que Romick a gagné quelques roupies pour ses actionnaires (d’une manière ou d’une autre, Romick a su détecter des indices de détresse dans le bilan de Lehman, alors que Dick Fuld, l’ancien PDG de Lehman qui s’en est malheureusement trop bien sorti, s’entêtait à le nier).

– Durant cette même présentation devant le Congrès des investisseurs par la valeur, dans laquelle Romick critiquait Lehman, il a également mis en garde contre un "Armageddon financier potentiel suite à la distribution, même partiale, de centaines de milliers de milliards de dollars de produits dérivés en ‘hors bilan’."

– Il a encore raison.

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