La Chronique Agora

Peak Oil : l’avis des lecteurs

** Votre correspondante revient tout juste d’une expédition dans le temple de la consommation : un Wal-Mart géant situé dans la banlieue de San Antonio, Texas, où je me trouve pour quelques jours. Il y aura bien des choses à dire de ce voyage… mais elles devront attendre un peu, car pour aujourd’hui, je vous cède la place, cher lecteur — notamment à ceux d’entre vous qui nous ont donné leur avis sur l’avenir de l’or noir (lequel est d’ailleurs légèrement redescendu de ses sommets, passant de 81,44 $ à 81,22 $ vendredi soir pour le baril de WTI New York).

« Un monde sans pétrole, de la science-fiction ? » — telle était en effet la question posée il y a quelques jours dans nos lignes. Les points de vue étaient nombreux, et si tous étaient d’accord pour dire qu’il existe bien un « problème pétrole », les avis divergent sur l’urgence de la situation.

** « Je pense qu’avec le prix du baril qui va (et qui déjà commencé à) exploser, les gisements pétrolifères jusque-là laissés de côté car non rentables vont le devenir », nous explique par exemple X.B. « Ils seront dès lors mis en production, dans des conditions certes plus difficiles mais avec un intérêt économique certain, et repousseront d’autant l’échéance du Peak Oil. Bien sûr, la cherté du pétrole restera, ce qui obligera à consommer moins et mieux, et à développer des énergies alternatives — notamment nucléaires pour l’industrie. Mais je ne crois pas que le monde manquera réellement de pétrole, en tout cas les secteurs vraiment dépendants du pétrole (automobiles, avions, transports en général) ne seront pas en ‘panne sèche’ avant de nombreuses années.

** M.M. est du même avis : « un monde sans pétrole du tout n’est pas pour demain », nous écrivait-il. « Mais un monde sans gaspillage de pétrole est pour bientôt. Le pétrole est aujourd’hui toujours indispensable comme matière première pour la fabrication de quantités de médicaments, produits chimiques, matériaux plastiques etc. Le brûler pour chauffer devrait être considéré comme un crime contre l’humanité future, car les combustibles de remplacement ne manquent pas. Pourquoi parler toujours de la voiture, alors que tout le monde sait qu’il faudra encore pas mal de temps pour remplacer complètement le pétrole dans les moteurs ? Mettre 10 ou 20% de biocarburant dans le gazole, alors que la production dudit biocarburant a consommé pas mal de pétrole, c’est amuser la galerie et donner une sucette aux écolos, mais ce n’est pas sérieux. L’hydrogène l’est plus, et il y aura sans doute bien d’autres innovations. Heureusement, tout se réglera par l’envolée du prix, grâce à M. le Marché (qui n’obéit ni aux écologistes ni aux politiques) : espérons simplement (ou prions pour) que nous échapperons à une guerre mondiale pour le pétrole, et que les guerres locales en cours ne s’étendront pas »…

** L.D., quant à lui, envisage la situation d’un point de vue plus géopolitique : « il est difficile pour un citoyen d’avoir un avis sur la question du pétrole. Cependant, je constate un fait curieux : je ne comprends pas pourquoi les grandes puissances cherchent l’affrontement avec l’Iran. Je pense au contraire qu il faut apaiser les tensions afin de créer une pression à la baisse des prix. Nos gouvernants nous expliquaient il y a quelques années qu’un baril de brut trop cher était une catastrophe économique et maintenant non ce n’est pas si grave que ça. Alors que penser de cela en tant que citoyen? En tous cas, j’utilise mon auto pour aller travailler et je peux vous dire que vous sentez bien le prix à la pompe. De plus, je n’ai pas le choix je dois me rendre en grande banlieue sur le site de mon client  un grand constructeur national de véhicules ».

« Il est clair qu’un monde sans pétrole entraînerait un recul économique important de la civilisation, nous n’aurions presque plus de moyens de déplacement », continue-t-il. « Quoi qu’il en soit, les Américains pourraient en faire un blockbuster catastrophe dont les recettes pourraient être reversées à la recherche aux alternatives au pétrole. Nous voyons bien d’ailleurs que les biocarburants ne sont pas la panacée promise par beaucoup. Il y a en effet une concurrence entre les terres pour les cultures vivrières et celles pour les carburants ».

** P.M. pense par contre que la situation est plus pressante que beaucoup ne l’imaginent : « Je pense que la réalité d’un monde sans pétrole va rattraper l’humanité dans un avenir très proche. Beaucoup d’experts sont d’accord là-dessus (cf. des sites comme terredebrut.org , aspofrance.org, oleocene.org, wolfatthedoor.org, etc.) ».

« Malheureusement, nos autorités se comportent comme si de rien n’était, emboîtant le pas aux économistes de tout poil (pour ces derniers, la croissance devrait se poursuivre indéfiniment, ce qui est tout simplement impossible puisque nous vivons dans un monde fini !). Nous n’allons pas nous retrouver du jour au lendemain sans pétrole. Mais la transition vers un monde sans pétrole va se faire de plus en plus douloureusement, avec à la clef des guerres pour les dernières gouttes d’or noir (elles ont déjà commencé, cf. l’Irak, bientôt l’Iran) ».

« Tous les indicateurs montrent que nous sommes bel et bien dans la zone du pic pétrolier mondial. Pour certains pays producteurs, le pic est déjà dépassé, et pour les autres, il est en vue. Or, il faut bien réaliser ce que le pic signifie : une fois celui-ci passé, il y a toujours du pétrole, mais plus pour tout le monde! Le partage devient alors douloureux — et c’est un euphémisme. En fait, quand il n’y a plus assez de pétrole, l’économie s’arrête. Même si elle ne s’arrête pas d’un coup, un effet boule de neige va se produire, du fait de l’interdépendance de toutes les économies de la planète, et le chaos va s’installer rapidement ».

« Ce qui me sidère le plus, c’est que tout le monde est d’accord pour dire que le pétrole va bientôt manquer. Mais la plupart des gens ne se sentent pas concernés, comme si tout ce qui se prépare allait arriver ‘quand ils ne seront plus là’. Alors que les bouleversements ont déjà commencé (cf. les réserves américaines au plus bas ; les capacités de production des derniers grands producteurs en déclin; les réserves géologiques revues à la baisse, etc.). Mais les gens sont incapables de changer volontairement leurs habitudes. Et je crois que nous touchons là une des caractéristiques principales de l’être humain, qui est de ne réagir que lorsqu’il est obligé de le faire, c’est à dire quand il ne peut plus faire autrement. Malheureusement, pour l’Humanité et le monde que nous avons connu, il sera alors trop tard »…

Merci à tous pour votre participation — et si vous voulez en savoir un peu plus sur le Peak Oil et ses effets sur l’économie et les investissements, continuez votre lecture…

** Quelques brèves nouvelles des marchés boursiers, pour terminer — ils ont terminé la semaine dans un vert éclatant, grâce aux chiffres de l’emploi américain (110 000 emplois créés le mois dernier, contre 94 000 attendus).

Le CAC 40 a ainsi clôturé vendredi à 5 843,24 points, soit une hausse de 0,67% sur la séance — tandis qu’à Londres, le Footsie grimpait de 0,73%. A Francfort, le DAX gagnait 0,55%.

Côté US, l’euphorie touchait au sentiment d’invincibilité : le Dow Jones a touché un record historique en séance, avant de terminer finalement à 14 066,01 points, soit une hausse de 0,66% sur la journée de vendredi. Parallèlement, le Nasdaq avançait de 1,71% (à 2 780,32 points), et le S&P 500 de 0,96%, à 1 557,59.

Le dollar s’est stabilisé, à 1,4134 pour un euro (contre 1,4136 jeudi)… tandis que l’or effectuait une remontée spectaculaire : après avoir gagné 10,35 $ au premier fixing de Londres, il a pris encore 1,15 $ au second fixing, terminant la semaine à 737 $ l’once.

Françoise Garteiser
Paris

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile