Comme vous le savez sans doute, Bangkok a subi de fortes inondations. Des tonnes d’eau ont englouti la ville et de fait, la vie quotidienne et le commerce en ont été perturbés. Un contact local à Bangkok m’avait prévenu de ne pas venir. J’ai décidé de ne pas suivre son conseil…
A mon arrivée, l’aéroport était quasiment vide. Dans les rues, pas un chat. La vision de sacs de sable érigés autour de l’hôtel me fit froid dans le dos. En fait, la plupart des immeubles étaient entourés de sacs de sable en cas d’une forte montée des eaux. A la réception de l’hôtel, j’ai été accueilli nommément : « bienvenue, vous devez être M. Mayer ».
Je devais être le seul fou à avoir réservé une chambre pour cette nuit-là !
Des dizaines de milliers de personnes avaient déjà fui Bangkok. Certains gouvernements étrangers avaient conseillé à leurs ressortissants de ne pas se rendre dans la ville. Les chiffres du tourisme étaient en baisse. Des réunions d’affaires avaient été annulées.
Résultat : beaucoup de chambres libres dans les hôtels. Selon le Wall Street Journal, l’hôtel Shangri-La avait un taux d’occupation des chambres de seulement 30%, comparé au taux de 70-90% que l’hôtel affiche généralement à cette époque de l’année. Je suis certain que ce n’était pas le seul hôtel dans ce cas.
Bangkok représentant environ 40% de l’économie de la Thaïlande, ce qui se passe dans cette ville atteint tout le pays. Partout où je me suis rendu, les inondations étaient le principal sujet de conversation. Ces dernières années, Bangkok a été affectée par plusieurs événements qui ont interrompu l’économie. Il y a eu le coup d’Etat militaire en 2005 ; des manifestations ont bloqué l’aéroport en 2008 ; et d’autres manifestations en 2010 ont fait 90 morts. (Selon certains, cette instabilité est sans doute économique, quels que soient les motifs politiques avancés). Le salaire manufacturier moyen en Thaïlande s’élève à environ 250 $ par mois, comparé à 400 $ en Chine. Il y a 10 ans, c’était l’inverse. Les dernières inondations s’ajoutent à la liste de catastrophes.
Vous seriez peut-être surpris de l’impact mondial de ces inondations. Ainsi, la Thaïlande est le deuxième producteur mondial de graveurs de disques ; elle représente à peu près 40% de la production mondiale. Western Digital est en particulier durement touché, avec 60% de sa production en Thaïlande. Les fournisseurs clés de l’industrie sont également sous l’eau. Ainsi, Nidec, qui représente 75% du marché des moteurs pour disques durs. Les usines thaïlandaises fournissent près d’un tiers de sa production.
Il résulte de tout cela que les pièces se font rares et que le prix des lecteurs de disques est en hausse de près de 20% depuis le début de la catastrophe.
Pour les entreprises japonaises, en particulier, la Thaïlande est une grande base de production. Toyota et Honda possèdent des usines en Thaïlande (Ford également). Ces deux entreprises devront réduire leur production mondiale de véhicules du fait de la pénurie des pièces fabriquées en Thaïlande. Leurs équipements sont littéralement sous les eaux.
▪ Ma première réunion à Bangkok a eu lieu au Four Seasons. C’était l’heure du déjeuner. L’endroit, qui aurait dû être bondé à cette heure-là, était vide. J’y ai rencontré Lan, une thaïlandaise d’origine chinoise née au Cambodge. Elle a été courtier pendant plus de vingt ans (Lan est en « congé sabbatique permanent », m’a-t-elle informé).
Elle m’a donné une bonne vision d’ensemble de ce qui se passait dans le pays — en plus de me donner un cours intensif de cuisine thaï. Lan m’a raconté la curiosité historique de l’indépendance thaïlandaise. A force de diplomatie et en jouant de chance, la Thaïlande n’a jamais été occupée. Contrairement à d’autres pays d’Asie du sud-est, les puissances coloniales ne l’ont jamais gouvernée.
Je ne suis pas certain de ce que cela signifie dans la pratique. Lan pensait que cela était assez important pour être mentionné et disait que cela pourrait expliquer la relative ouverture de l’économie thaïlandaise aux étrangers. Les Thaïlandais ne traînent pas l’héritage pesant du colonialisme.
Ainsi, il est facile d’acheter des actions thaïlandaises et la Bourse thaïlandaise est intéressante à plusieurs niveaux. A cet égard, mon timing est bon. Plus tard dans l’après-midi, j’ai rencontré Andrew Stotz, stratégiste chez Kim Eng Securities. Il a présenté de façon très claire ses idées sur le marché thaïlandais et ses valeurs dans un flipbook publié tous les mois, appelé Stotz Stocks.
Dans sa dernière publication, il souligne que les valeurs thaïlandaises sont intéressantes avec un rapport prix d’environ 11 fois les bénéfices, une dette faible, des dividendes impressionnants (un rendement d’environ 4%) et des ROE élevés (autour de 20%). Telles sont les moyennes. Une sélection de valeurs peut, naturellement, rapporter encore plus.
De plus, la détention par les étrangers de valeurs thaïlandaises est en baisse : elle est revenue à son niveau de 2009, à environ 35%. Cela peut être un indicateur contraire, alors que les investisseurs étrangers détenaient 41% du marché avant le krach de 2008. Et contrairement au monde occidental, la Thaïlande a des niveaux d’endettement très bas. Aucune crise de la dette souveraine ici !
Selon Stotz, historiquement, les valeurs thaïlandaises se comportent bien avec un PER compris entre neuf et 12, un rendement de 18% dans l’année qui suit et un rendement annuel de 11% sur cinq ans. Un instrument moyennant pour investir dans les actions thaïlandaises est le MSCI Thailand Index Fund (THD). La Thaïlande a traversé des crises bien pires auparavant et a toujours rebondi.
Ainsi, aussi mauvaises que paraissent les inondations, j’ai tendance à penser que cette catastrophe, elle aussi, passera. Elle semble n’être qu’un contretemps temporaire pour les marchés thaïlandais qui, comme les bambous dans la tempête, plient mais ne rompent pas.