▪ Vous avez vu les gros titres de la presse et la une des journaux télévisés mardi ?
Pas un seul n’évoque l’explosion de la pauvreté aux Etats-Unis (un million de plus en deux mois).
Les vrais sujets sont ailleurs. En effet, la France a un vrai gros problème : les embouteillages nous coûtent 5,5 milliards d’euros — essence consommée pour rien, heures de travail perdues ; cela représente 625 euros par conducteur.
Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore des gens qui ont les moyens de se payer une voiture et de faire le plein ! Alors que 48% des Français redoutent de ne plus être en mesure de le faire d’ici quelques années.
▪ La vraie actualité n’est pas celle que l’on croit
Le second gros titre, ce fut sans grande surprise la transaction du siècle (tenue secrète) qui s’est conclue à New York entre les avocats de DSK et la femme de chambre devenue la plus célèbre, puis la plus riche du monde.
La troisième actualité, ce fut la neige qui perturbe la circulation en Allemagne et qui entraîne une semi-paralysie dans plusieurs régions. Comme quoi, la gestion des intempéries n’est pas optimale outre-Rhin… A quoi ça sert des autoroutes gratuites si on ne peut plus circuler dessus ? Vaudrait mieux qu’elles soient payantes et déneigées !
Le quatrième titre concernait la situation politique délétère en Egypte avec un projet de constitution controversée qui restreint fortement le champ de la laïcité à tous les niveaux dans le pays.
Bien, c’est très clair… Aucune nouvelle franchement alarmante — pour l’Egypte, je n’en jurerais pas mais l’info était reléguée en milieu de JT du 13h — donc les marchés peuvent continuer de « bourriner à la hausse » comme nous pouvons l’entendre dans certaines salles de marché.
Personne ne sait vraiment pourquoi « ça paye comme ça », mais chacun a sa petite idée. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a pas grand-chose à voir avec la conjoncture passée, présente ou à venir. En revanche, qu’est-ce que ça fait du bien aux bonus de fin d’année !
Une saine analyse de la situation devrait conduire à des prises de bénéfices vu que 15% gagnés une année de récession, c’est du jamais vu. Mais pas question de se désarrimer du benchmark en sortant du marché. Certains vous expliqueront que c’est de peur de rater la future hausse de 2013.
▪ Maintenant en Bourse, à tous les coups on gagne !
C’est vrai que si la récession empirait franchement (mettons -1% en Europe et -1,5% au Japon), alors Paris pourrait prétendre gagner 30%. En effet, dans ce cas, les taux d’intérêt seraient abaissés à 0,1% comme aux Etats-Unis et même si les actions ne rapportaient que 0,9% contre 1,8% en 2012, ce serait mieux que zéro sur les placements obligataires.
Donc, si la conjoncture se dégrade, si les profits reculent, vous l’avez bien compris, la Bourse ne peut pas baisser, jamais plus ! Rayez des locutions idiotes comme « correction des excès », « éclatement d’une bulle », ou plus modestement « mouvement de correction » de votre vocabulaire financier.
Qui peut encore imaginer qu’une consolidation puisse survenir alors que le CAC 40 vient d’inscrire une septième séance de hausse d’affilée, pulvérisant au passage la résistance des 3 620 points.
Le marché parisien s’inscrit désormais dans le cadre d’un mouvement perpétuel à la hausse (15 séances sur 17) qui est appelé à se prolonger. Il n’y a que deux précédents historiques en 25 ans : début 1998 et fin 1999, quand les banques recrutaient 100 000 nouveaux actionnaires par mois.
Malgré un discours qui devient un leitmotiv concernant les retardataires contraints de payer le marché pour coller à leur benchmark — autrement dit, on reconnaît implicitement qu’acheter n’a aucune justification économique mais que c’est un choix forcé — il n’y a toujours aucun volume à l’achat… et seulement 2,5 milliards d’euros échangés ce mardi.
Les retardataires prennent de plus en plus de retard. Ou alors, il s’agit d’une sorte d’image d’Epinal boursière qui n’a pas plus de réalité que le sauvetage des banques espagnoles à 40 milliards d’euros.
▪ Tout va bien dans le meilleur des mondes
Plus les cours grimpent, plus les investisseurs font état d’une vision optimiste. Ils tablent sur la poursuite du découplage conjoncture pourrie/cours de Bourse, sur la résolution optimale (sans impact sur la croissance) de la problématique de la falaise fiscale. N’oublions pas, enfin (c’est tout nouveau) le cas de l’Italie : la population applaudit la démission de Mario Monti — tandis que la consommation s’effondre, ce dont personne ne parle.
Aucune statistique médiocre ne saurait ternir l’euphorie ambiante. Le déficit commercial américain s’est accru au mois d’octobre, mais heureusement… un peu moins que prévu par les économistes — d’où le retour du Dow Jones au-dessus des 13 300 et du Nasdaq au-dessus des 3 000 et même 3 030 hier soir.
Réjouissons-nous en revanche de l’envolée de l’indice ZEW du sentiment économique en Allemagne. Il explose (sans causes probantes) de 22,6 points en quatre semaines et repasse en territoire positif pour la première fois en six mois début décembre, à 6,9.
Les économistes n’attendaient qu’une légère remontée de -15 vers -10. Sitôt informés, les commentateurs s’abstenaient de laisser transparaître le moindre étonnement face à un tel écart, alors que la croissance allemande vient d’être revue fortement à la baisse par la Bundesbank.
L’institut ZEW aurait annoncé un score de -20, ils auraient trouvé cela le plus naturel du monde, vu ce qui précède. Non vraiment, plus l’actualité boursière devient surnaturelle, moins les professionnels la jugent étrange, voire paradoxale.
Qu’est-ce que l’on ne raconterait pas au bon peuple pour lui faire oublier qu’au-delà de gains totalement virtuels qu’ils réalisent sur les OPCVM, ce sont les bonus des traders qui sont en jeu. S’il est permis de dire n’importe quoi au sujet des actions, il n’est surtout pas question faire n’importe quoi… comme de verrouiller les gains et faire rechuter les marchés !
Personne ne sait de quoi 2013 sera fait. Mais orchestrer une nouvelle hausse bidon de 17 séances d’affilée sur fond d’explosion de la misère — un million de nouveaux demandeurs de bons d’alimentation en deux mois aux Etats-Unis, soit un total de 48 millions –, cela risque d’être compliqué à vendre aux médias !