La Chronique Agora

Pauvre Freddie

** Pauvre Freddie. L’organisme de prêts hypothécaires US a annoncé une perte de près de cinq milliards de dollars. Soudain, tout le monde lui est tombé sur le râble. On aurait dit qu’il venait d’allumer une cigarette dans un restaurant de sushi. Les investisseurs ont administré une raclée à la société… dont les actions ont chuté de 30% après qu’elle a annoncé une réduction du dividende allant jusqu’à 50%. Sa sœur Fannie Mae ne s’en est pas mieux tirée, avec des actions en baisse de 22%. 

* Qu’ont-ils fait de mal ?  

* Rien du tout, selon Richard Styron, PDG de Freddie. "Nous ne sommes pas satisfaits de tout cela", a-t-il déclaré, avant de décrire ce dont il n’était pas satisfait. Comme le dit le Financial Times, "M. Styron a accusé l’effondrement du marché des prêts hypothécaires US et le déclin qui s’est ensuivi pour la valeur des actions liées aux prêts hypothécaires".

* Qui aurait pu prévoir une chose pareille, semblait-il demander ?

** A la Chronique Agora, c’est toujours une source de grand étonnement (et de saine distraction) que de voir les investisseurs les plus intelligents et les mieux informés se diriger tout droit dans les pièges les plus évidents. Freddie Mac achète des prêts hypothécaires. C’est le Congrès US qui lui en donne l’ordre, en se basant ostensiblement sur le fait qu’un peu d’argent supplémentaire sur le marché des prêts immobiliers pourrait faire du bien aux propriétaires… et en dissimulant sa véritable motivation — que cela pourrait aider quelques politiciens peu méritants à se faire réélire. Freddie emprunte de l’argent à taux bas… afin de prêter à taux plus élevé. C’est une affaire plutôt simple, mais qui présente deux risques. Le premier, c’est de voir les taux d’intérêt prendre la direction opposée… et le second, c’est de voir les prêts se révéler de moins bonne qualité qu’on le pensait (lorsque les propriétaires cessent de payer, par exemple… ou lorsque les prix de l’immobilier chutent). Les dirigeants doivent envisager ces risques — et pas uniquement quand ils se rasent. De tels risques font partie de l’activité de la société à tel point qu’il est impossible de les nier ; au lieu de cela, elle doit les gérer — grâce à une gigantesque armée de traders, mathématiciens, intermédiaires et spéculateurs dotés d’imaginations débordantes et de crayons bien taillés.

* Et tout à coup… incroyable mais vrai… alors que les choses allaient si bien – et que les prêteurs immobiliers prêtaient de l’argent d’un bout à l’autre des Etats-Unis — voilà qu’arrive un événement totalement inattendu, comme une météore heurtant la Terre ! Et crac… tous ces crayons à la mine si affûtée se brisent d’un seul coup. Non, sérieusement… cet effondrement de l’immobilier subprime… qui aurait pu prévoir une chose pareille ?

* Pas les agences de notation, en tout cas. Le mois dernier, Fitch a avoué avoir été pris de court par "le renversement sans précédent des prix de l’immobilier". Qu’est-ce qui ne va pas chez ces gens ? En quoi une baisse des prix de l’immobilier est-elle sans précédent ? Bizarre que personne n’ait pris ces gens à part pour leur murmurer à l’oreille :

* "Psst… les marchés grimpent ET baissent. Et au passage… quand on prête de l’argent imprudemment… il faut s’attendre à des ennuis".

* Apparemment, personne n’a rien dit. C’est comme si tous ces gens étaient tombés de la dernière pluie.

* Et les journaux parlent désormais de la crise du crédit qui commence à écraser la classe moyenne américaine. Les permis de construire sont à un plus bas de 14 ans. Les saisies hypothécaires continuent de grimper. Les prix des maisons continuent de baisser. De plus en plus d’économistes prévoient une récession.

* Notre vieil ami Jim Rogers nous envoie ceci :

* "C’est la première fois — c’est la pire bulle du crédit que nous ayons vue de toute l’histoire des Etats-Unis. Non, jamais dans l’histoire américaine les gens n’avaient pu acheter de maison sans aucun apport initial. Jamais. Ce n’est jamais arrivé, à aucun moment dans le monde. Nous avons donc là la pire bulle du crédit. Il va lui falloir longtemps pour se résorber. On ne guérit pas une telle bulle en cinq ou six mois… il faut cinq ou six ans".

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