La Chronique Agora

Pas de bouton pour résoudre tous les problèmes

Fed

En appuyant sur un bouton, la Fed a créé des milliers de milliards de dollars. Un autre lui permettra d’interrompre le mouvement. Si le premier a provoqué une vague d’inflation, et que le second pourrait l’arrêter, il pourrait aussi causer de nouveaux problèmes…

La tension monte. Les investisseurs consultent nerveusement les cours des actions.

Nous arrivons à un tournant de l’histoire financière des Etats-Unis… une épiphanie… comme à l’apogée d’une bataille majeure, lorsque vous découvrez qui va gagner et qui va perdre…

… Ou encore ce moment de vérité qui dérange, lorsque vous vous rendez compte que quelqu’un a perdu l’esprit.

Alors… Va-t-elle le faire ? Ou ne va-t-elle pas le faire ? La Fed va-t-elle vraiment inverser la politique monétaire accommodante qu’elle a menée ces 20 dernières années ? Ou bien va-t-elle se dérober… esquiver… et s’y refuser ?

Voici le résumé de la réunion de décembre du FOMC [NDLR : comité de politique monétaire de la Fed] :

« Les participants ont généralement remarqué qu’étant donné leurs propres points de vue concernant l’économie, le marché du travail et l’inflation, il pourrait devenir justifié d’augmenter les taux des Federal funds plus tôt, ou à une cadence plus rapide que les participants ne l’avaient anticipé. »

Et selon MarketWatch :

« Les minutes de la Fed ont révélé de sérieuses discussions au sein des responsables de la Fed concernant la décision potentielle de la banque centrale de relever les taux, et de réduire également son bilan s’élevant actuellement à 8 800 Mds$, plus tôt que prévu, pour contribuer à lutter contre l’augmentation du coût de la vie.

Mercredi, l’indice S&P 500 était en baisse de 1,4%, et l’indice Nasdaq Composite de 2,7%, accentuant ainsi sa précédente baisse.

Dans le même temps, le rendement du bon du Trésor à 10 ans augmentait de 1,70% environ, après la publication des minutes de la Fed. »

On est toujours préparé à ce quoi on s’attend… plus ou moins.

Aujourd’hui, pourtant, peu de gens s’attendent à ce que la Fed aille jusqu’au bout. S’ils pensaient autrement, les actions chuteraient violemment… et le rendement du bon du Trésor à 10 ans serait plus proche des 5% que de 1,7%.

Et si la Fed nous surprenait tous ? Et si Jerome Powell, son président, laissait soudain sortir le Volcker qui sommeille en lui… et s’employait sérieusement à dompter l’inflation ?

Essayons de l’imaginer.

Une longueur d’avance

Au tout début, c’est parfaitement plausible. Aucun responsable de banque centrale prudent ne reste inactif face à une inflation qui augmente de plus de 200% au-dessus de l’objectif qu’il a fixé. Il sait qu’il peut être difficile de contenir les hausses de prix. Car une fois que les gens les anticipent, ils ont tendance à dépenser leur argent plus vite, et à augmenter la « vélocité » de l’argent, et donc à aggraver l’inflation.

Par conséquent, il comprend qu’il ne doit pas uniquement gérer la base monétaire, mais également les « anticipations d’inflation ». Et cela veut dire qu’il faut montrer au public qu’il contrôle la situation et qu’il est prêt à prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que l’inflation ne lui échappe pas.

Il peut tenter de gérer les anticipations en les « minimisant » dans ses discours. Mais à l’image des badges WIN (NDRL : « Whip the inflation Now », un mouvement visant à lutter contre l’inflation dans les années 1970), cela ne va pas très loin. Ce ne sont pas eux qui ont dompté l’inflation, à la fin des années 1970, mais Paul Volcker et son véritable changement de cap en matière de politique de la Fed.

Oui… nous parlons d’un véritable changement… du passage d’une politique accommodante à de la rigueur, d’une volonté de « profiter du moment présent » à celle de « confisquer le saladier de punch », éteindre les lumières et appeler la police.

Au lieu de courir derrière l’inflation en relevant les taux, Volcker l’a devancée audacieusement, en fixant le taux directeur de la Fed à 20%, soit environ 50% plus haut que le taux réel d’inflation.

Aujourd’hui, une décision semblable situerait les taux des Fed funds à 10%, c’est-à-dire 1 000% plus haut qu’ils ne le sont aujourd’hui. Personne ne s’attend à cela. Personne !  On ne peut même pas l’imaginer.

Mais peut-être que la Fed va pouvoir respirer un peu. Le moment de vérité pourra peut-être être retardé de quelques mois. Les chiffres de l’inflation pourraient bel et bien baisser, grâce à une économie globalement apathique une fois que les effets des mesures de stimulus se seront dissipés.

Oh… Ce sera peut-être une surprise, aussi… ce moment où une économie en plein ralentissement (où moins de gens achètent des choses et plus de gens épargnent) entraînera des hausses de prix plus modestes.

Alors la Fed pourrait crier victoire sans même avoir eu à tirer un seul coup de feu. Elle dira que son jugement – à savoir que l’inflation était « transitoire » – était juste, après tout, et qu’il n’y avait aucune raison de mettre un terme à la fête !

Mais alors que le champagne coule à flots à Wall Street, les citoyens sont à sec. Et à mesure que les politiques monétaires accommodantes se poursuivrons, la pression exercée sur les prix se poursuivra également. Tôt ou tard, la Fed devra signaler clairement sa position.

Le fera-t-elle ou non ?

Vous savez déjà ce que nous pensons : elle ne le fera pas. Mais peut-être serons-nous surpris.

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