Malgré une rémunération misérable, l’épargne réglementée résiste. Faut-il y voir de la « paresse intellectuelle » comme le prétend le docteur en économie Mickaël Mangot ?
Contrairement aux propos que nous tiennent les politiciens, la rémunération de l’épargne réglementée est de plus en plus misérable. 1 340 Mds€ en fonds euros, 280 Mds€ sur les Livrets A, 270 Mds€ sur les PEL, cela en fait de l’argent qui « dort ».
Faut-il pour autant interpréter cette situation comme un signe de paresse intellectuelle de la part des épargnants français ?
C’est ce que l’on pourrait se dire à la lecture d’une étude publiée par ING début mai. Si le gouvernement français fait figure de vraie cigale vis-à-vis de son homologue allemand, l’épargnant-contribuable français semble réagir en étant d’autant plus fourmi.
Les Français cumulaient en effet fin 2017 un stock de 5 233 Mds €, soit 178 200 € bruts par ménage (124 600 € nets) de patrimoine financier. Cela représente 15% de plus que les ménages allemands.
Le rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée, publié le 26 juin par la Banque de France, permet de mettre les choses en perspective et de voir où s’oriente cette épargne.
Les chiffres publiés par l’INSEE au mois de mai dans son étude sur les comptes de la nation viennent nuancer le classement des pays fourmis en prenant en compte les flux.
Si la France est bien un pays où le taux d’épargne des ménages est parmi les plus élevés, ce dernier est cependant « en baisse quasi constante depuis 2009 », comme le relève cBanque. En 2017, ce taux se montait à 14,3%. Seule l’Allemagne faisait mieux en Europe avec 17% (contre 5% environ au Royaume-Uni ou en Espagne).
Le patrimoine immobilier des Français dépasse cependant de loin leur patrimoine financier (détenu essentiellement en fonds euros d’assurance-vie et en dépôts) puisqu’il se monte en moyenne à 255 400 € nets (7 500 Mds€ au total).
De là à dire que les Français vivent avec les épées de Damoclès de la hausse permanente de la fiscalité et de la baisse continue des pensions de retraite au-dessus de leurs têtes, il n’y a qu’un pas que je franchis volontiers.
A défaut de pouvoir le faire pour le gouvernement, je félicite les Français pour leur prudence.
L’épargnant français est-il une grosse feignasse qui s’ignore ?
N.B. : j’ai bien écrit « prudence », et non « paresse », comme le font certains économistes spécialistes de la finance comportementale.
Voici ce que déclarait le 27 mai dans Le Parisien Mickaël Mangot, enseignant à l’ESSEC :
« Les épargnants ne raisonnent pas en fonction de l’inflation. Ils n’en sont pas conscients, ils ne regardent que le taux, qui, facialement, reste positif. […] C’est ce que l’on appelle une illusion monétaire. »
Hum, hum.
Si j’ai bien appris une chose en tant que conseiller en gestion de patrimoine, c’est que l’épargnant a parfaitement conscience du renchérissement du coût de la vie, en particulier celui lié à la hausse de la fiscalité.
- M. et Mme tout le monde ne sont aucunement des badauds sous le charme des tours de passe-passe des régulateurs : ils sont bien conscients du fait que les placements réglementés, « ça ne rapporte plus rien. » Mais peut-être l’épargnant français est-il simplement une grosse feignasse qui n’a que ce qu’elle mérite, comme le laisse entendre Mickaël Mangot.
« Mickaël Mangot : Il leur faudrait s’informer sur les offres alternatives. Cela prend du temps et c’est ennuyeux.
Le Parisien : Est-ce de la paresse ?
Mickaël Mangot : Complètement. Le livret A est plébiscité parce que l’humain est paresseux intellectuellement. Par défaut, il est plus simple de rester sur le placement initial. »
J’écrirai plutôt que les politiques font le maximum pour continuer à dépenser un maximum d’argent en vue de se faire réélire, faisant ainsi augmenter le montant de la dette publique, ce qui a pour effet de conduire la BCE prétendument indépendante à mener des politiques monétaires non-conventionnelles, qui ont tué la gestion en bon père de famille.
Par ailleurs, chaque épargnant n’a pas eu l’occasion de faire une thèse de doctorat en Sciences économiques sur les « Choix intertemporels ». Cela ne fait pas pour autant de lui une irrécupérable feignasse.
Ce genre de qualificatif irait en revanche très bien à notre personnel politique qui se complaît à voter des budgets déficitaires depuis 1974. La conséquence pour l’épargnant en est ce que les économistes appellent la « répression financière ».
Vous épargnez : pas de chance, des politiciens paresseux ont décidé que ce n’était pas
le moment !
Et oui, ce que veut le gouvernement, c’est avant tout que vous consommiez ou que vous achetiez des actions d’entreprise (car souvenez-vous, le gouvernement est convaincu de savoir mieux que le marché comment l’épargne doit être allouée dans l’économie), pas que vous continuiez à faire des économies pour les placer sur de l’épargne réglementée !
Pour financer la dette qu’il produit, le politique utilise la BCE qui vous fait en quelque sorte concurrence.
D’où un certain nombre de contraintes qui s’exercent sur votre épargne, comme le rappelle Natixis dans une note du 24 avril.
Commençons avec un rappel théorique :
« La répression financière peut consister : en des taux d’intérêt anormalement bas par rapport à la croissance ; en des contrôles sur les sorties de capitaux ; en des règlementations imposant la détention de dette publique.
La répression financière permet aux pays : de ne pas souffrir des taux d’endettement très élevés ; de faciliter la détention de la dette publique ; si nécessaire de conserver l’épargne à l’intérieur du pays, malgré les taux d’intérêt bas ; d’éviter le recul des prix des actifs financiers ou immobiliers. […]
Les coûts d’une répression financière durable sont connus : taxation permanente des épargnants ; allocation inefficace de l’épargne (par exemple s’il y a des contrôles sur les sorties de capitaux) ; des taux d’intérêt trop bas, ce qui peut conduire à des investissements inefficaces, excessifs, à des bulles. »
Arbitrer entre des marchés actions en phase de bulle et des placements liquides qui ne rapportent rien, avouez que ce n’est pas facile.
[NDLR : Recevez un SMS par jour, suivez ses instructions et engrangez les gains de court terme même lorsque les marchés financiers sont survoltés. Tout est expliqué ici.]
La répression financière et ces taux de rendement anémiques sont-ils partis pour durer encore ? C’est ce que nous verrons très prochainement.