Les Panama Papers ont révélé l’existence de milliers de paradis fiscaux offshore créés par HSBC. Vaguement condamnée pour blanchiment, la banque a contribué à la campagne d’Hillary Clinton qui n’a trouvé aucune odeur particulière à cet argent.
Les banques et les politiciens se sont toujours entraidés, mais les Panama Papers ont révélé l’existence de milliers de paradis fiscaux offshore créés par HSBC. Cela complique la tâche des Etats qui souhaiteraient protéger HSBC.
Certains membres des services du renseignement du monde entier pensent que les Etats-Unis ont décidé de publier les Panama Papers parce que le Panama ne se pliait pas à leurs exigences en matière d’information. Par ailleurs, il y a moins de banques américaines impliquées dans les Panama Papers que celles de nombreux pays concurrents des Etats-Unis.
Banques et politiciens forment un réseau complexe, qui implique de nombreux acteurs majeurs que nous continuerons à analyser au fil des mois…
Le gouvernement américain joue les durs en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de paradis fiscaux offshore. Mais les grandes banques impliquées payent volontiers afin de faire partie du club des criminels, et ne doivent régler que de modestes amendes lorsqu’elles se livrent à des pratiques frauduleuses ou pas tout à fait légales (voir le dernier procès de Goldman Sachs, qui s’est soldé par un accord à l’amiable de cinq milliards de dollars en avril).
Les professionnels de l’évasion fiscale et les blanchisseurs de capitaux créent des sociétés écrans pour dissimuler ou transférer des milliards de dollars. Les banques les aident car elles y trouvent leur compte. Mais si vous osez retirer ou transférer 10 000 dollars de votre compte en banque pour emmener votre famille passer des vacances de rêve aux îles Caïman, votre banque fait un rapport. Les retraits d’espèces sont surveillés plus étroitement encore… les banques américaines font des rapports pour « activité suspecte » sur toute personne retirant plus de 3 000 dollars en espèces.
Deux poids, deux mesures concernant les informations bancaires
Dans le cadre de la lutte mondiale visant à récupérer l’argent logé dans les paradis fiscaux, les pays collaborent afin de soutirer des informations auprès des banques. C’est en tous cas ce que raconte le gouvernement Obama afin de mettre la main sur nos informations bancaires. Pourtant, en pratique, les retraités américains vivant à l’étranger, comme mon père, constatent que les versements de la Sécurité sociale ou de leur fonds de pension sont passés au crible, en quête d’infamies inexistantes, tandis que ceux qui sont à la solde des cartels transfèrent du liquide via les guichets de banques internationales sans être inquiétés le moins du monde.
Le gouvernement Obama a montré la voie à d’autres gouvernements, afin d’exiger des banques offshore qu’elles divulguent des informations concernant les actifs dissimulés (grands ou petits). Les Etats-Unis ont gagné la bataille contre les banques suisses afin qu’elles dévoilent des informations jusque-là secrètes concernant leurs clients. Mais les Etats-Unis n’offrent aucune réciprocité. L’an dernier, ce pays a été propulsé à la troisième place au palmarès mondial du secret bancaire, devant les îles Caïman et le Luxembourg, et juste derrière la Suisse et Hong Kong, Selon le Financial Secrecy index, l’indice d’opacité financière créé par l’ONG Tax Justice Network (TJN).
Depuis des années, des états comme le Delaware, le Wyoming et le Nevada sont des paradis nationaux du secret bancaire. Ils hébergent de plus en plus de sociétés écrans pour le compte de « clients confidentiels » étrangers.
Les Etats-Unis, tout en dénonçant ce genre de pratiques à l’étranger, sont en passe de devenir un paradis fiscal de première classe. L’emplacement géographique de ces états américains n’a peut-être pas le même attrait esthétique que les Alpes ou le sable blanc des îles Caïman, mais les personnes intéressées y viennent pour cacher leur argent, pas pour bronzer ou faire du ski. Las Vegas, avec sa faune délurée et ses tours Trump plaquées or qui poussent comme des champignons, est un paradis fiscal américain en pleine expansion. Ces sociétés écrans n’ont que faire du glamour, la négligence du gouvernement leur suffit bien.
Derrière ce semblant de coopération visant à localiser « l’argent qui disparaît », les gouvernements nationaux ont laissé leurs banques se livrer à une concurrence acharnée afin de capitaliser sur les paradis fiscaux internationaux. Les banques ont ensuite fait de généreuses donations aux personnalités politiques qui les avaient aidées (comme je le prouve dans mon livre All the President’s Bankers). Résultat ? Votre compte fait peut-être l’objet d’une surveillance quotidienne, mais les milliardaires ou organisations terroristes internationales qui blanchissent des fonds par le biais de votre banque sont traités comme des VIP et consciencieusement ignorés. Leur argent est dissimulé dans un labyrinthe complexe de sociétés écrans, souvent créées par de grandes banques qui s’appuient sur le réseau mondial des paradis fiscaux.
La créativité et l’entraide au service de l’évasion fiscale
Quel est le point commun entre HSBC, les cartels mexicains et Hillary Clinton ? Réponse : ils ont tous mis au point des moyens « créatifs » afin que des sommes d’argent échappent à la surveillance du fisc, des régulateurs, des investisseurs ou du système judiciaire.
Commençons par HSBC. Pour devenir une grande banque internationale, il faut être un grand blanchisseur d’argent. Comme beaucoup d’autres banques qui offrent à prix d’or des services dits « d’optimisation fiscale », HSBC gagne de l’argent en contournant ou en violant les lois, pour se procurer et conserver ses clients VIP. Si elle est prise la main dans le sac, il suffit de payer l’amende. C’est un système qui marche : les amendes ne représentent qu’une fraction du profit que leur rapportent ces clients. Il fonctionne aussi pour les gouvernements qui infligent ces amendes, et passent ainsi pour les « gentils ».
Cette facilitation du blanchiment de l’argent de la drogue n’est pas nouvelle. HSBC est entrée en bourse à Hong Kong le 3 mars 1865, et à Shanghai un mois plus tard. Ce sont les guerres de l’opium en Asie qui ont élevé HSBC au statut d’acteur mondial. Aujourd’hui, c’est la cinquième plus grande banque au monde.
En 2010, HSBC a été vaguement condamnée pour blanchiment d’argent. Le gouvernement américain lui a ordonné de renforcer son plan anti-blanchiment. En 2012, HSBC a ensuite conclu un accord amiable, prévoyant le versement de 1,92 milliards de dollars aux Départements américains de la Justice et du Trésor. Un accord qui fait figure de récompense pour avoir blanchi l’argent des narcotrafiquants et violé les sanctions infligées par les Etats-Unis aux clients situés en Libye, au Soudan et en Birmanie.
Dans le cadre de cet accord, HSBC a également accepté un « deferred prosecution agreement« *, c’est-à-dire qu’elle a promis de s’améliorer à l’avenir. Pas un employé de la banque n’a été condamné ou incarcéré. Jack Blum, expert en criminalité financière en col blanc et en évasion fiscale internationale, a fait la déclaration suivante, concernant cet accord de 2012 : « Dès le lendemain, HSBC a recommencé à faire la même chose ».
HSBC faisait passer les profits avant la légalité, et le gouvernement n’a rien fait pour l’en empêcher. Et voici un fait intéressant : HSBC a également versé entre 500 000 dollars et un million de dollars à la Fondation Clinton en 2014. Ladite fondation a accepté cette somme sans scrupules, bien que l’on ait découvert en 2012 qu’HSBC violait les sanctions américaines.
Nomi Prins collabore avec Jim Rickards, l’auteur de la lettre Intelligence Stratégique qui vous propose d’investir sur les marchés en anticipant les mouvements des élites. Pour tout connaître d’Intelligence Stratégique, cliquez ici.
* accord passé avec les autorités américaines selon lequel une société objet d’une enquête pour délinquance économique accepte de s’acquitter de sanctions financières
Nomi Prins