La Chronique Agora

Où il est question de rotules, de fémurs et de tibias

** "Voilà mes hommes. Je dois les suivre. Car je suis leur meneur". (Attribué à un général italien)

* Cette semaine, Don Kohn, numéro deux à la Fed, a déclaré au monde entier que la banque centrale américaine serait "flexible et pragmatique".

* Les gens savaient ce que cela signifiait. La Fed est prête à baisser les taux le mois prochain.

* Les investisseurs ont été si ragaillardis qu’ils ont acheté toutes les actions à portée de main. Le Dow a grimpé.

* Qu’est-ce que cela signifie ? Moins de choses que le pensent les investisseurs.

* Nous sommes d’avis que la grande inondation de liquidités et de crédit dont profitent les investisseurs depuis de nombreuses années commence à se retirer. La tendance des derniers jours semble nous contredire. Et nous faisons ce métier depuis bien trop longtemps pour imaginer que nous connaissons les plans de Dieu pour l’économie mondiale. Tout peut arriver — et c’est généralement le cas !

* Mais observons ce qui est en train de se produire. Le taux directeur de la Fed est à 4,5%. Les investisseurs imaginent qu’une baisse de 50 points de base est en chemin. Cela mettra le taux à 4%. Mais dans le cas présent, la Fed ne mènera pas… elle suivra. Le bon du Trésor à 10 ans a déjà un rendement inférieur à 4%. Les obligations chutent depuis juin. Ce n’est qu’un des nombreux signes de déflation — d’un assèchement du crédit, du cash, des liquidités sur les marchés.

* En d’autres termes, la Fed ne dirige plus l’inflation… elle se traîne derrière la déflation, en essayant de suivre le rythme.

* Nous avons mis cette dernière phrase à part parce que nous ne voulions pas que vous la manquiez ; nous en sommes très fier. Gardez-la en mémoire. Citez-la à vos amis. Pour la formuler en d’autres termes… la Fed ne tire plus les ficelles… elle les pousse. En offrant de l’argent à 4% (une hypothèse), elle ne fera que se mettre au diapason de ce que les investisseurs font déjà.

* Désormais, ce sont les prêteurs privés qui tirent les ficelles. Ils rechignent à prêter sur le marché libre — parce qu’ils craignent de ne jamais revoir leur argent. Ils sont néanmoins volontaires pour  prêter au gouvernement US. Les écarts s’agrandissent — ce qui est toujours un signe de resserrement du marché du crédit.

* Citigroup, par exemple, s’est mis dans le pétrin du subprime, et a besoin de beaucoup d’argent, rapidement. La société s’est donc tournée vers Abu Dhabi. Mais on leur a demandé bien plus que le taux du T-Bond — il fallait une livre de chair… ce qui a forcé les grandes institutions financières américaines à payer un taux normalement associé aux trous perdus du Tiers-Monde ou aux escrocs du monde développé — 11%.

** Derrière le problème du subprime, on trouve le problème du marché immobilier US… de l’économie US… et de l’économie mondiale toute entière.

* Les maisons se vendent au rythme le plus bas de ces huit dernières années, affirme Bloomberg. En Californie, les ventes sont en baisse de 40% par rapport à l’année précédente.

* Et ce n’est pas terminé — d’une certaine manière, ça ne fait que commencer. Pourquoi ? Parce que la rotule des dépenses de consommation est toujours liée au fémur du prix des maisons — lequel est encore lié à la hanche du crédit hypothécaire. Si l’un de ces os se brise, l’économie cesse d’avancer et se casse la figure.

* Et selon nous, c’est ce qui est en train de se produire.

* Il y a plus de 50% de chances de voir le système financier "freiner, puis s’arrêter, à cause des pertes liées aux prêts immobiliers", déclare Gregory Peters, chef de la stratégie crédit chez Morgan Stanley.

* "Les prêteurs se serrent la ceinture ; cela étouffe la croissance économique", titre le New York Times

* Eh bien… oui… la cheville est liée au tibia. C’est comme ça que ça marche. On ne peut pas retirer 1 2000 milliards de dollars d’une économie de consommation sans que les consommateurs en question s’en ressentent.

* A présent, la Fed se précipite pour essayer de remettre l’argent dans le système. Hélas, ce n’est pas si facile. La banque centrale japonaise a essayé durant 17 ans.

* Et les Etats-Unis sont dans une situation bien plus difficile que le Japon. Avec une balance commerciale très positive et une épargne abondante, les Japonais avaient de la marge de manœuvre. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. Les investisseurs ont déjà montré ce qu’ils pouvaient faire du dollar. Que la Fed continue de baisser les taux, et il pourrait se produire un bain de sang sur les marchés des devises… approfondissant encore les écarts, et poussant l’économie américaine dans une crise encore plus profonde.

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