La Chronique Agora

Otkritie aura-t-elle le droit de faire faillite ?

Otkritie

Une banque russe dite « systémique » est en train de couler. Fera-t-elle faillite ou sera-t-elle sauvée par sa Banque centrale ?

La deuxième banque privée russe, Otkritie, est en train de couler. C’est une des 10 banques russes classée comme étant d’importance systémique. Mais qui s’intéresse encore à la finance et à l’économie russes ?

La météo du Texas occupe l’actualité mais aucun docte économiste n’a encore expliqué que ces inondations allaient créer de la croissance aux Etats-Unis. Il n’y a donc même plus de quoi rire dans les journaux. Je vous rappelle que nous lisions ce genre de sornettes concernant le Japon dévasté par un raz-de-marée en 2011…

Comme je ne vais pas non plus vous décrire mon combat solitaire dans le centre de la France contre la renouée du Japon (classée parmi les 100 espèces végétales dangereuses du monde), je vais évoquer aujourd’hui la parité eurodollar qui soucie tant notre pauvre Mario Draghi à la BCE.

Comme vous le savez, nous vivons dans un monde mondialisé d’ultra-néo-libéralisme débridé.

Dans cet univers, des banquiers centraux contrôlent des monnaies. Ils en créent plus ou moins en fixant le prix du crédit. Dans leurs manuels d’économie, il est écrit qu’une monnaie faible, c’est bien et qu’une monnaie forte, c’est mal.

Selon ces êtres omniscients, une monnaie faible, c’est bien parce qu’une économie a besoin d’exporter. Si cette économie exporte et demande en retour de la monnaie de singe, c’est mieux que si elle exporte et demande en contrepartie des choses de valeur.

Donc nos banquiers centraux – qui veulent notre bien à tous – s’acharnent à ce que notre monnaie soit la plus faible possible.

Les pseudos avantages de la monnaie faible

Je vous sens perplexe et incrédule, cher lecteur. Vous vous demandez peut-être « mais une économie ne fait pas qu’exporter. Elle importe aussi et si nous sommes payés en monnaie de singe de ce que nous vendons, nous ne pouvons pas acheter grand’chose en retour. Nous avons bradé notre travail et notre valeur ajoutée. En quoi cela nous serait-il bénéfique ?… »

Hou là, doucement. Nous sommes sur un terrain dangereux, cher lecteur, et j’espère que la police de la pensée ne lira pas cette Chronique.

Je vais vous confier un secret, tout à fait entre nous.

Cette théorie sur les bienfaits de la monnaie faible élaborée par des monétaristes est de la foutaise absurde. Si je vous ai rappelé cette histoire concernant le séisme du Japon, c’est pour établir que l’absurdité ne dérange absolument pas les économistes contemporains qui semblent mépriser le bon sens le plus élémentaire.

On échange toujours quelque chose contre autre chose. La monnaie n’est qu’une passerelle. En nous imposant une monnaie faible, les banquiers centraux bradent notre valeur ajoutée, notre travail. Si notre valeur ajoutée est forte, nous devrions pouvoir échanger ce que nous vendons contre des choses qui ont de la valeur.

Puisque nous en sommes aux secrets entre nous, en voici un autre.

Ce que les gens appellent mondialisation ultra-néo-libérale n’est rien d’autre qu’un vilain mercantilisme camouflé en « science économique » ou en « politique monétaire ».

Le mercantilisme des banquiers centraux

Le mercantilisme est une vielle doctrine élaborée du temps où les réserves monétaires étaient de l’or. Cette doctrine consistait à fixer comme objectif national d’épuiser un autre pays en l’inondant d’exportations, ce qui conduisait à lui soutirer ses réserves d’or. Pour exporter, le pays mercantiliste met en place une politique de subvention de la production nationale et de taxation des importations (protectionnisme).

Au lieu de laisser les gens échanger librement ce qui leur convient, on fausse les règles du jeu et on multiplie les échanges gagnant-perdant, comme dirait Bill Bonner.

Aujourd’hui, l’euro est fort parce que les marchés financiers anticipent que la BCE va réduire ses rachats obligataires (60 Mds€ par mois). Un vote à ce sujet aura lieu le 26 octobre. Nous verrons bien si les marchés auront eu tort ou raison.

En attendant, l’euro est fort et la livre est faible. Si vous voulez acheter une propriété dans les régions françaises autrefois fréquentées par les Britanniques, c’est le moment. Partez à la conquête de la Normandie et du Périgord. Un conseil : si c’est humide et ensoleillé, vérifiez l’absence de renouée du Japon sur votre terrain. L’euro est fort, votre facture pétrolière devrait baisser aussi. Les biens manufacturés à l’étranger aussi.

En réalité, ces histoires monétaires montrent que la mondialisation que nous vivons, est tout sauf libérale. Il s’agit plutôt d’une gigantesque manipulation adossée à des montagnes de règlements, taxations, subventions qui profitent à… la Parasitocratie.

Dans cette mondialisation ultra-néo-libérale, mais pas du tout libérale, une banque véreuse n’a pas le droit de couler.

Revenons à notre banque russe. Otkritie a perdu 10,4 Mds$ de dépôts, soit 20% de ses actifs, dans les deux derniers mois. Les rats ont fui le navire, sentant venir le naufrage.

Les Russes (des barbares peuplant un pays totalitaire, selon les medias) ne sont pas assez subtils pour faire ce que nous sommes en train d’élaborer nous autres Européens de l’Union (une région démocratique, respectueuse des droits de l’homme et de toutes les créatures bipèdes) : interdire aux déposants sensés de retirer leur argent d’une banque véreuse avant qu’elle ne coule.

Selon le Financial Times, le sauvetage d’Otkritie nécessiterait 14 Mds$, soit un peu plus de deux kerviels, mais aussi plus de 1% du PIB de la Russie.

Mais dans notre mondialisation ultra-néo-libérale, une banque trop grosse pour faire faillite ne fera pas faillite. Même en Russie.

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