L’or ne fait pas d’étincelles en ce moment – est-ce le moment de quitter le navire ? Ce serait ignorer un facteur crucial pour son prix…
On se morfond. Voilà un commentaire que je n’aurais jamais imaginé prononcer à l’égard du cours de l’or. Mais ses mouvements ont été d’un véritable ennui, ces neuf derniers mois.
Et c’est une très bonne chose, en fait. Pourquoi ?
Je commence avec la partie consacrée à l’ennui, et je vous expliquerai ensuite.
Le cours de l’or en dollars a atteint un plus-haut historique de 2 069 $ l’once le 6 août 2020, et le rendement à maturité du bon du trésor américain à 10 ans (« taux obligataire américain à 10 ans ») a atteint un plus bas intermédiaire de 0,508% le 4 août 2020. La quasi-simultanéité de ces deux benchmarks n’est pas une coïncidence.
Le taux obligataire américain à 10 ans a été pratiquement le seul déterminant du cours de l’or en dollars, depuis cette convergence – en août 2020 – de taux bas et d’un cours de l’or élevé.
Plus qu’il n’y paraît
De nombreux facteurs peuvent affecter les cours de l’or, y compris l’offre et la demande fondamentales, la géopolitique et d’autres chocs extérieurs, les liquidités privilégiées en période de baisse du marché, et la distinction entre taux réels et taux nominaux.
J’observe tous ces facteurs de très près et je les intègre dans mes analyses.
Pour autant, ces autres facteurs n’ont pas eu beaucoup d’importance pour le cours de l’or ces derniers temps.
L’offre et la demande sont à peu près équilibrées. La production minière mondiale stagne et la Russie, grand acquéreur d’or, est en train de réduire ses énormes achats. Il y a également eu des chocs géopolitiques en Ukraine et, plus récemment, à Gaza.
D’autres chocs extérieurs ont eu lieu, comme la débâcle de l’élection présidentielle américaine et l’invasion du Capitole.
Aucun de ces évènements n’a semblé avoir d’importance pour l’or.
Bref, l’or n’a eu que faire de ces facteurs externes qui n’ont rien à voir avec les taux. Le cours de l’or s’intéresse uniquement au taux obligataire américain à 10 ans.
Dans le même temps, il n’y a pas eu de baisse majeure sur le marché actions.
Une manne d’informations
Le taux obligataire américain à 10 ans n’est pas une donnée isolée. En fait, il offre une manne d’informations. Il représente les anticipations relatives à la croissance économique, l’inflation, la désinflation, aux taux de change, flux des capitaux, et rendements de classes d’actifs alternatives telles que les actions, le capital-investissement, le capital-risque et les matières premières.
Le taux obligataire américain à 10 ans est également un bon indicateur des dépenses et plans d’investissement des entreprises car ils impliquent des projections variant de cinq à vingt ans.
Si vous construisez un gratte-ciel, par exemple, vous n’allez pas le financer sur le marché repo (mise en pension de titres) au jour le jour. Vous obtenez un prêt à la construction sur deux ans et vous le remplacez par un prêt hypothécaire sur 30 ans. La période moyenne de propriété d’un logement ou d’un bien immobilier spécifique, aux Etats-Unis, est d’environ sept ans.
Bref, le taux obligataire américain à 10 ans est la somme d’un éventail de taux appliqués aux activités d’investissement au sein de l’économie réelle. Cela veut dire que nous devons décomposer les éléments moteurs du taux obligataire américain à 10 ans pour voir ce qu’il nous dit réellement…
Des plus hauts toujours plus bas, des plus bas toujours plus bas
Le taux obligataire américain à 10 ans reflète presque exclusivement les anticipations d’inflation.
Il ne fait aucun doute que les anticipations d’inflation ont augmenté, notamment après un pic des donnés de l’Indice des prix à la consommation IPC core (sans l’énergie et l’alimentation) et non-core (prix à la consommation).
A partir d’un taux bas de 0,508% le 4 août 2020, le taux obligataire américain à 10 ans a enregistré un pic à 1,745% le 31 mars 2021, puis à 1,704% le 13 mai (intraday) à l’annonce des chiffres de l’indice CPI, avant de reculer légèrement jusqu’à son niveau actuel.
Le cours de l’or en dollar a baissé au diapason de la hausse du taux obligataire américain à 10 ans.
Pour autant, cette récente hausse du taux est peut-être moins significative qu’il n’y parait. Assez récemment – le 4 novembre 2018 – le taux obligataire américain à 10 ans était encore de 3,238%. Le 4 novembre 2019, il était à 1,942%.
Le fait est qu’aujourd’hui, les « hauts rendements » sont assez bas, en réalité, et bien plus bas que les deux pics intermédiaires de ces trois dernières années. Cela signifie que le marché haussier obligataire historique qui a 40 ans – il s’est amorcé en 1980, avec des rendements aux alentours de 14% – se porte toujours bien…