Or et bitcoin sont deux monnaies qui échappent au contrôle des banquiers centraux. Mais concrètement, elles ne sont pas équivalentes.
Le bitcoin a maintenant sa place dans The Wall Street Journal. La cryptomonnaie est devenue une « classe d’actifs » au même titre que les devises, les obligations et les actions.
C’est même celle qui se porte le mieux, pour le moment. Le bitcoin vient pour la première fois de dépasser 6 000 $.
L’or, la relique barbare, s’est pris une bonne claque sur le museau la semaine dernière et est à la niche, sous la barre des 1 300 $ l’once. C’est à cause de Donald Trump. Il hésiterait entre deux « faucons » pour prendre la succession de Janet Yellen à la tête de la Fed. Dans le jargon financier, un « faucon » est un adepte d’une politique monétaire rigoureuse tandis qu’une « colombe » ne voit aucun inconvénient à toujours plus de crédit infini et gratuit. Si la politique monétaire rigoureuse l’emporte, l’or – qui est le « flic de la monnaie » – devient inutile en absence d’inflation.
Comme vous le savez, l’or et le bitcoin ont un point commun : ce sont des « actifs financiers », des monnaies qui ne sont pas contrôlés par les banques centrales et sont disponibles en quantité limitée.
Le bitcoin est en quantité limitée parce que son concepteur l’a voulu ainsi. L’or parce que c’est une chose concrète qui, pour le moment, n’est disponible que sur Terre.
Les banquiers centraux, malgré toutes leurs folies, ont toujours de l’or dans leurs coffres mais ils n’ont pas encore de bitcoin. Un bitcoin ne se met pas dans un coffre. Une cryptomonnaie est une unité de compte utilisée au sein d’un réseau informatique décentralisée.
« Maman, concrètement, je fais comment pour acheter des bitcoins d’ici ? »
Ici, c’est le Congo Brazzaville. Un pays en faillite sur lequel se penche actuellement le FMI.
Ce pays vit essentiellement de manne pétrolière et le gouvernement n’a pas réduit son train de vie lorsque le pétrole est passé de 100 $ le baril à 40 $ le baril. Les échéances de dettes publiques ne sont pas honorées. Les banques opèrent de façon chaotique depuis l’été, les comptes sont débités mais jamais crédités et le prix des euros et des dollars sur le marché noir s’envole face au cours officiel du franc CFA.
« Bon alors tu vas sur coinbase.com et avec ta carte de crédit ou… »
« Non… je ne veux pas acheter des bitcoins avec des euros ou des dollars, je veux les acheter avec des francs CFA que j’ai dans la main. En dehors de mon compte bancaire puisqu’aucun argent n’en sort, les banques bloquent tout retrait ou virement. Donc je fais comment, concrètement ? »
« Concrètement, tu ne fais pas. »
« Bon. OK tu confirmes ce que je craignais. Ca ne me sert à rien. C’est un truc de geek ou de mec en costard dans une tour de verre climatisée. En plus ici, au premier trouble, les réseaux sont suspendus. Autant aller voir les orpailleurs ou le Malien du coin de la rue qui a de l’or… »
De façon étonnante, deux analystes de Goldman Sachs (qu’on pourrait plutôt caser dans la catégorie « mec en costard dans une tour de verre climatisée ») viennent de conclure que l’or était « mieux » que le bitcoin.
Malgré tout, ce « truc de geek » inquiète les gouvernements. Dans les pays développés, ces derniers aimeraient bien instaurer la société sans cash afin de pouvoir contrôler toutes nos transactions. Les cryptomonnaies constituent par conséquent une concurrence gênante.
Kenneth Rogoff, l’économiste co-auteur de Cette fois c’est différent – Huit siècles de folie financière, lance un avertissement dans une tribune du Project Syndicate :
« l’Etat finit toujours par réguler puis s’approprier les innovations du secteurs privés – et il n’y a aucune raison pour que ces devises virtuelles ne subissent pas le même sort »
La folie financière est désormais généralisée. Bitcoin et or sont deux façons différentes de miser contre les banquiers centraux et sur un désastre final. Mais l’or est plus « concret » que le bitcoin ou une autre cryptomonnaie. Ayez des cryptomonnaies et spéculez, mais ayez aussi de l’or.