La Chronique Agora

On nous refait le coup du trompe-l’oeil au fond de l’impasse !

▪ Le CAC 40 a renoué avec les 3 900 points pour la première fois depuis un mois. L’indice parisien a repris pas moins de 300 points repris en l’espace de neuf séances de hausse consécutives. Il n’y a eu aucune baisse dans l’intervalle, juste deux pauses à l’horizontale les 6 et 10 décembre.

L’objectif pourrait être 3 936 points d’ici le vendredi 17/12 — de telle sorte que le CAC 40 termine l’année sans gain ni perte (pour ceux qui opèrent via les contrats à terme et les options).

Qu’est-ce qui justifie une hausse de 1% à Paris un jour comme ce lundi, sans statistiques, sans actualité majeure ce week-end… et surtout sans volumes ?

La réponse est probablement très proche de celle apportée à la hausse de Wall Street — qui s’est déroulée dans un vide sidéral au cours des deux dernières heures de la séance de vendredi dernier : ça monte parce que cela arrange tout le monde… et tant mieux si ça ne nécessite pas de mobiliser des tonnes de capitaux !

Les vendeurs se sont massivement mis off depuis une semaine pour ne pas se mettre en travers de la tendance haussière. Le but, c’est de finir l’année au plus haut car le montant des bonus en dépend largement.

▪ Le scénario est pratiquement le même à Wall Street depuis sept séances: début dans le vert puis effritement en matinée… retour d’un biais légèrement haussier dans l’après-midi avant de délivrer un coup de pouce indiciel à quelques minutes de la clôture.

Les opérateurs européens avaient sous-estimé le degré de confiance des opérateurs américains à la veille du week-end. Ils auraient pu anticiper une poursuite de la hausse en jetant un coup d’oeil sur le VIX qui poursuivait sa décrue sous le seuil technique des 20.

Le baromètre du stress retrouvait ce lundi ses planchers historiques, aux alentours de 17… Cela nous laisse infiniment perplexe même si la Chine n’a pas resserré ce week-end sa politique monétaire comme des rumeurs — et une inflation supérieure à 5% — le laissaient craindre.

▪ En effet, la tension des taux se poursuit de façon bien réelle sur les Bunds (+0,03% à 3% sur la maturité 2020) ou les T-Bonds. Il ne s’agit pas d’anticipations ou d’une menace virtuelle pouvant poindre à l’horizon de juin 2011, lorsque la Fed se posera la question de prolonger ou non l’assouplissement quantitatif. Cela se passe sous nos yeux, ici et maintenant.

Le rendement du 10 ans US se tend à 3,35% ; le 30 ans affiche 4,45%, c’est-à-dire 50 points de base de plus qu’au début du mois de décembre ! Mais quoi que fassent les marchés de taux… les actions montent car les opérateurs ont d’abord envie de croire à une accélération de la croissance aux Etats-Unis — sans se soucier de ce qui se passera si les taux débordent le cap technique des 3,5% sur les T-Bonds 2020.

Si le PIB américain atteint 2,5% au quatrième trimestre, le « QE2 » de la Fed se justifie-t-il ? Et comment l’activité surmonterait-elle une cure d’austérité que les économistes jugent inéluctable face au creusement abyssal des déficits aux Etats-Unis ?

▪ Par ailleurs, si l’euro se reprend vigoureusement à 1,343 $, le problème du refinancement des PIGS est-il réglé ?

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy parlent d’une même voix au sujet du fonds de soutien européen. Cela vaut mieux que la cacophonie observée lors de la crise grecque… mais cela ne fait que remettre à plus (trop ?) tard la mise en place des mécanismes permettant de mobiliser des fonds suffisants permettant de contrer puis mettre en échec une offensive spéculative contre la dette souveraine espagnole.

Les optimistes ne cessent de nous opposer le fait que les marchés « anticipent ». C’était vrai lorsque tous les acteurs travaillaient avec des outils et selon un timing identiques.

Ceux qui font la tendance avec leurs puissants outils informatiques (qui démultiplient leur force de frappe sur les marchés) passent leurs temps à adapter les paramétrages de façon à tirer le meilleur parti des configurations sur trois ou cinq, voir 15 à 20 minutes lorsque le marché est très calme.

▪ Le long terme, aujourd’hui, c’est 60 minutes. A quoi cela sert-il d’anticiper un mouvement de correction lié à une tension des taux ou des vents contraires affectant la croissance… lorsque des machines sont capables de couvrir ou de solder des positions de plusieurs milliards en quelques millisecondes ?

Souvenez-vous du 6 mai dernier : le flash krach était survenu sans que personne n’invoque le surgissement d’un vent d’inquiétude sur l’avenir.

Symétriquement, le zénith historique de fin octobre ou début novembre 2007 est survenu sur fond de thrombose dans le secteur des dérivés de crédits immobiliers.

Le marché est allé droit dans le mur comme dans un dessin animé lorsqu’un personnage facétieux, au beau milieu d’une course poursuite, s’arrête quelques secondes pour peindre en trompe l’oeil une rue bien rectiligne au fond d’une impasse.

Comme par magie, il réussit à s’échapper par le paysage urbain qu’il vient de créer… tandis que ses poursuivants s’engagent à pleine vitesse et se fracassent contre l’obstacle sous les rires des spectateurs.

En janvier puis en octobre 2008, seuls les quelques vendeurs à découvert de CDO et d’ABS ont bien ri lorsque la foules des investisseurs s’est écrasé contre le mur des subprime. Une leçon que les suiveurs de tendance feraient bien de méditer dans des marchés qui sont aux mains des faux monnayeurs et des illusionnistes.

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