La Chronique Agora

Nvidia : bulle ou pas bulle ? (2/2)

Aussi fantastiques soient-elles, certaines actions doivent être appréhendées avec beaucoup de prudence.

Comme nous l’avons vu dans notre article précédent, les débats autour de Nvidia oscillent entre ceux qui craignent une bulle spéculative liée à l’IA et ceux qui voient en l’entreprise une source de croissance infinie. Si ses performances financières sont impressionnantes, malgré une récente chute de son action, est soulevée la question de sa valorisation à long terme.

Rentabilité ne rime pas forcément avec efficacité

Ce n’est pas parce que le cours d’une entreprise est à un niveau de plus en plus élevé qu’il ne faut pas se poser des questions sur son efficacité économique (du moins, pour certaines de ses activités), ainsi que sur sa productivité. Le cours d’une action intègre des anticipations de rentabilité et de profitabilité future. Ce cours n’a que faire de l’efficacité et de la productivité de l’entreprise, encore moins de son utilité économique et sociale. Naturellement, si l’entreprise peut être à la fois rentable, efficace et productive, c’est parfait.

Cela étant dit, il faut noter que dans les économies développées, les gains de productivité ralentissent de façon continue, et ce malgré la digitalisation et la généralisation des nouvelles technologies.

Ce phénomène est dû à deux raisons.

La pérennité du business model

L’entreprise Nvidia accapare presque le marché. Toute personne construisant une technologie d’IA est contrainte d’utiliser les produits de Nvidia, étant donnée son avance en matière de développement de GPU haut de gamme.

Des rivaux tels qu’Intel et AMD travaillent depuis des mois sur le développement de leurs propres GPU pour concurrencer ceux de Nvidia. Les plus grands clients de Nvidia – de grands acteurs technologiques tels que Microsoft, Facebook, Google, Amazon et Apple – travaillent tous sur le développement de leurs propres GPU, pour ne plus dépendre de Nvidia, à long terme. L’extraordinaire réussite de Nvidia en fait donc une cible, avec des interrogations sur la pérennité de son business model monopoliste pour l’instant.

Historiquement, les plus grosses capitalisations du moment ne sont pas forcément, ni systématiquement, les vainqueurs de demain. Qu’on en juge.

Les marchés dont la principale caractéristique est d’anticiper le futur ont étrangement beaucoup de mal à bien prendre en compte les ruptures et les changements de modèles économiques des entreprises.

Le risque règlementaire

Comme pour Alphabet, Meta, Microsoft et Amazon, les régulateurs finiront aussi par se demander si le nouveau monstre des puces n’abuse pas parfois de sa position dominante.

Un récent article des Echos datant du 6 juin dernier l’exprime clairement, sous la plume de David Barroux :

« Force est de constater qu’il ne s’agit pas de la rentabilité ‘normale’ d’entreprises performantes dans un vrai système économique libéral où la concurrence et la prise de risque sont récompensées. L’économie des monstres techs est une économie de rentes avec des puissances économiques monopolistes. Cette concentration des positions dominantes de ces entreprises provoque ainsi une hausse continuelle de leur taux de marge bénéficiaire. »

Au-delà des fondamentaux, cet exercice – avec la prise en compte de ces trois éléments – devrait être systématisé pour beaucoup de valeurs dites de la « nouvelle économie ». Nous verrions alors qu’aussi « fantastiques » soient-elles, certaines actions doivent être appréhendées avec beaucoup de prudence.

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