Et que peut-on leur conseiller ?
Dans notre article précédent, nous avons vu les différents profils d’investisseurs qui se sont récemment lancés dans la pratique de l’investissement. Nous allons aujourd’hui nous poser cette question : l’émergence des nouveaux investisseurs est-elle mondiale ?
Les nouveaux investisseurs n’existent pas qu’en France. En effet, un certain nombre de paramètres a permis leur émergence dans de nombreux pays.
C’est le cas de la forte hausse de l’épargne des ménages, principalement en raison de la baisse de la consommation pendant la pandémie de COVID, ainsi que l’augmentation du temps passé en ligne pendant les confinements. Parallèlement, ces dernières années, l’innovation numérique a modifié la manière de commercialiser et de distribuer les produits financiers : de nombreux consommateurs apprécient la facilité avec laquelle ils peuvent investir grâce aux nouveaux canaux d’investissement, notamment les applications sur smartphones.
Par ailleurs, une nouvelle génération d’intermédiaires financiers (appelés « néo-courtiers » ou « néo-brokers ») est apparue. Facilitant l’accès aux marchés financiers, ils offrent des transactions à faibles commissions, voire sans commission, et une large gamme de services. De nombreuses plateformes incluent ainsi des fonctionnalités de « ludification » (ou « gamification ») pour encourager la participation de leurs clients. Les forums en ligne et les groupes de discussion ont permis aux investisseurs d’échanger plus facilement, voire de coordonner leurs comportements en matière d’investissement (trading social).
Enfin, l’environnement macroéconomique général entre 2020 et 2022, notamment le maintien prolongé de taux d’intérêt bas, a probablement incité les particuliers à rechercher des investissements promettant des rendements élevés.
Conformément à la tendance observée en France, les études menées dans d’autres pays ont également montré que les investisseurs qui ont fait leur entrée sur le marché après le début de la pandémie de COVID avaient tendance à être plus jeunes que les investisseurs traditionnels.
Une enquête menée par la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA) américaine fin 2022 montre que les investisseurs de la génération Z (les 18-25 ans) ont commencé à investir avant d’avoir 21 ans (82% aux États-Unis, 79% au Canada, 81% au Royaume-Uni et 63% en Chine).
Les nouveaux investisseurs ont également comme particularité, nous l’avons vu, d’aimer les crypto-actifs. Selon l’enquête de la FINRA, 44% des investisseurs américains de la génération Z ont commencé en investissant dans des crypto-actifs, contre 35% des Millennials (personnes nées entre 1981 et 1996) et 23% des investisseurs de la génération X (personnes nées entre 1965 et 1980). Les crypto-actifs étaient également le premier investissement le plus courant pour les investisseurs de la génération Z au Canada (35%) et au Royaume-Uni (43%).
L’une des caractéristiques des nouveaux investisseurs est leur intérêt pour l’investissement autonome, c’est-à-dire celui qui se fait sans l’aide d’un conseiller financier. Pour s’informer, en effet, les néo-investisseurs privilégient les réseaux sociaux.
Des enquêtes montrent également que la forte augmentation de l’activité en Bourse et de l’investissement des particuliers au cours des dernières années a été alimentée par l’émergence du trading social, qui favorise le mimétisme. D’ailleurs, les nouveaux investisseurs ont souvent peur de rater une opportunité (Fear of Missing Out ou FOMO) dans leur prise de décision d’investissement.
Des recherches ont également montré que, pour de nombreux jeunes investisseurs, les émotions telles que le frisson et l’excitation étaient des moteurs clés de l’investissement. Ils se fient aussi beaucoup à leur instinct et aux règles empiriques (rules of thumb), notamment lorsqu’il s’agit d’investir dans des placements risqués, tels que les crypto-actifs et les contracts for difference (CFD). Dans une enquête, 76% des moins de 40 ans ayant investi dans les crypto-actifs et le Forex disent y avoir été entraînés parce qu’ils étaient en compétition avec leurs proches. En gros, ils cherchaient à avoir plus gains qu’eux.
Que conseiller aux nouveaux investisseurs ?
Apparemment, les nouveaux investisseurs sont pleins d’incohérences. Ils semblent vouloir tout et son contraire. C’est d’ailleurs ce que met en avant l’étude de l’OCDE. Le jugement me semble un tantinet trop sévère.
Par exemple, l’étude souligne que ces néo-investisseurs ont un horizon de placement de court ou moyen terme, alors qu’ils pensent que les investissements qu’ils ont réalisés seront intéressants à long terme. Mon analyse est qu’ils privilégient la réactivité, c’est-à-dire qu’ils investissent bien à long terme, mais ils ne s’interdisent pas de changer d’avis au bout de quelques années si les placements déçoivent ou si de nouvelles opportunités se font jour. En réalité, ils sont pragmatiques.
Autre contradiction mise en lumière par l’OCDE, les nouveaux investisseurs veulent des gains rapides, mais disent préférer les placements qui rapportent modérément avec un risque modéré. Là encore, je ne vois pas de contradiction, mais une forme de pragmatisme. Certes, ils recherchent des gains rapides mais pour une part seulement de leurs placements, étant donné, comme nous l’avons vu, qu’ils ne mettent pas tous leurs oeufs dans le même panier. Il est probable que, sur certains investissements, comme les crypto-actifs, ils recherchent des gains rapides et, si possible, importants. Mais les sommes investies restent modestes : un tiers (34%) des nouveaux investisseurs a investi moins de 500 € en crypto-actifs, et 40% entre 500 € et 5 000 € (fourchette trop large pour qu’on puisse en déduire vraiment quelque chose).
D’ailleurs, si les 10% de nouveaux investisseurs qui ne détiennent que des crypto-actifs sont les moins riches, en termes de revenus comme de patrimoine, ils sont aussi ceux qui investissent le moins d’argent. En gros, ils ont investi ce qu’ils savaient pouvoir perdre.
Là où l’étude est la plus inquiétante, c’est sur le plan de la culture financière. Elle est, pour dire les choses clairement, assez médiocre. Dans ces conditions, se fier seulement à son entourage et à ce que l’on trouve sur le web n’est pas raisonnable. Par conséquent, nous ne pouvons que conseiller aux nouveaux investisseurs de rejoindre le cercle des lecteurs des Publications Agora.