Quelles sont les motivations qui poussent aujourd’hui les nouveaux investisseurs à placer leur argent sur des produits financiers ?
A la demande de l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de publier un rapport sur les nouveaux investisseurs particuliers en France.
Qui sont les nouveaux investisseurs ?
Sont appelées « nouveaux investisseurs particuliers » les personnes qui ont acheté des produits financiers pour la première fois à partir de la pandémie de COVID-19. L’AMF estime que cela représente 800 000 personnes entre 2020 et 2022.
Même si elle dispose d’informations sur les caractéristiques de ces personnes, l’AMF a souhaité mieux les connaître et a commandé une étude à l’OCDE. Celle-ci fait d’abord ressortir que « le nouvel investisseur » est majoritairement un homme (64%), de moins de 35 ans (56%), vivant dans un grand centre urbain.
Il convient de remarquer, cependant, que les femmes (36% des néo-investisseurs) sont légèrement plus représentées que dans la population des investisseurs traditionnels (32%).
De même, il est à noter que ces nouveaux venus sur les marchés financiers sont largement plus jeunes que les investisseurs traditionnels, qui ne sont que 21% à avoir moins de 35 ans (et 53% ont 50 ans ou plus). Plus précisément, les jeunes âgés de 18 à 24 ans représentent 22% des nouveaux investisseurs, contre seulement 6% des investisseurs traditionnels.
Ces nouveaux investisseurs sont aussi, dans l’ensemble, plus diplômés que la moyenne de la population française (48% ont fait des études supérieures) et près de la moitié d’entre eux (46%) appartiennent aux catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+). Ils sont aussi en emploi pour plus de 80% d’entre eux. Seuls 6% sont à la retraite, alors que les investisseurs traditionnels sont à 28% des retraités.
S’agissant des revenus et du patrimoine, l’étude ne compare pas les deux populations d’investisseurs identifiées, mais elle met les nouveaux investisseurs en regard de la population française. On s’aperçoit ainsi qu’ils ont des revenus plus élevés que le Français moyen. En effet, alors que la moitié des ménages français disposaient en 2018 (dernières données) d’une revenu disponible mensuel de 2 552 €, 75% des nouveaux investisseurs ont déclaré vivre dans un foyer dont le revenu mensuel net est supérieur à 2 500 € et 33% dans un foyer dont le revenu mensuel est supérieur à 5 000 €.
Toutefois, il est important de noter que certaines catégories de la population des nouveaux investisseurs disposent de revenus relativement faibles : 8% déclarent vivre dans un foyer dont le revenu mensuel est inférieur à 1 500 €, et 18% indiquent que leur revenu individuel est inférieur à 1 500 € par mois.
Quant au patrimoine financier des nouveaux investisseurs, il semble supérieur à celui de l’ensemble de la population. Ils déclarent, en effet, un montant de 97 400 €, alors que le patrimoine financier moyen des ménages français s’établit à 68 500 € (soit 42% de plus).
Comment agissent les nouveaux investisseurs ?
Trois quarts des nouveaux investisseurs (76%) sont détenteurs de plus d’un produit financier, alors que les investisseurs traditionnels sont 84% dans ce cas.
La majorité des néo-investisseurs (54%) investit dans les crypto-actifs, ce qui représente une proportion deux fois plus élevée que pour les investisseurs traditionnels (25%). Ce pourcentage atteint même 63% pour les nouveaux investisseurs âgés de 25 à 34 ans. Plus de 10% de ces néo-investisseurs ne détiennent même que des crypto-actifs. Ce sont ceux qui ont les plus faibles revenus (64% des foyers disposant de revenus mensuels inférieurs à 1 500 €) et qui détiennent le patrimoine le moins important (63% des foyers disposant de moins de 10 000 €€) qui investissent le plus en crypto-actifs.
S’ils investissent dans d’autres produits financiers que les crypto-actifs, c’est cependant dans une proportion moindre que les investisseurs traditionnels : 33% des nouveaux investisseurs sont présents dans l’assurance-vie (contre 47% des investisseurs traditionnels), 29% dans l’épargne-retraite (contre 33%), 24% dans les actions d’entreprises cotées (contre 36%).
En revanche, les nouveaux investisseurs sont davantage attirés par les produits arrivés récemment sur le marché comme le financement participatif ou crowdfunding (18% contre 17%), les jetons non fongibles ou NFT (13% contre 7%), les options et produits dérivés (12% contre 11%), et les fonds indiciels ou ETF (11% contre 9%).
En moyenne, les nouveaux investisseurs ont engagé 6 700 € en crypto-actifs, en financement participatif ou en Bourse depuis 2020. Un quart des investisseurs ont placé moins de 500 € ; 31% ont investi entre 500 € et 5 000 € ; 19% entre 5 000 € et 10 000 € ; et 20% plus de 10 000 €. Ce sont ceux qui investissent le moins d’argent qui privilégient les crypto-actifs : 34% d’entre eux ont investi moins de 500 € et 40% entre 500 € et 5 000 €. Toutes catégories de nouveaux investisseurs confondues, le montant moyen investi dans les crypto-actifs s’élève à 4 070 €. C’est moins que pour le financement participatif (5 575 € en moyenne) et que pour la Bourse (5 743 €).
Les néo-investisseurs se caractérisent aussi par un horizon de placement plus court que les investisseurs traditionnels. Si 29% des investisseurs traditionnels disent avoir un horizon de placement de plus de 10 ans (dont 11% de plus de 20 ans), seuls 13% des nouveaux investisseurs sont dans ce cas (dont 5% investissent à plus de 20 ans). Un quart des nouveaux investisseurs disent avoir un horizon de placement de 3 à 5 ans (contre 10% pour les investisseurs traditionnels) et 18% un horizon de moins de 3 ans (contre 4 %). Pourtant, ils sont 90% à penser que les placements sur lesquels ils ont investi seront intéressants s’ils sont conservés sur le long terme !
Plus des trois quarts des nouveaux investisseurs peuvent être considérés comme des investisseurs actifs. Seuls 23% d’entre eux n’ont pas touché (achat ou vente) à leurs investissements depuis 2020.
Enfin, nous noterons que 70% des nouveaux investisseurs réalisent leurs transactions via des intermédiaires en ligne.
Pourquoi se sont-ils mis à investir sur des produits financiers ?
L’OCDE a interrogé les nouveaux investisseurs sur les raisons les ayant poussés à investir dans des produits financiers spécifiques, tels que les actions, le financement participatif ou les crypto-actifs.
Les deux principales raisons citées sont la diversification des placements (35%) et la recherche d’un rendement plus élevé qu’avec les autres placements (28%).
Si 15% ont fait confiance à un conseiller financier pour investir dans les actions, le crowdfunding ou les crypto-actifs, les nouveaux investisseurs préfèrent cependant s’appuyer sur les conseils de leur entourage (28%) ou les réseaux sociaux (20%). C’est encore plus vrai pour les 18-24 ans : 30% privilégient l’entourage et 29% les réseaux sociaux.
Les néo-investisseurs sont également nombreux à déclarer qu’ils ont commencé à investir par curiosité (29%), pour apprendre comment ces produits fonctionnaient (28%) et par plaisir ou par jeu (18%). A l’inverse, les investisseurs traditionnels sont d’abord motivés par la préparation de la retraite (36%), la diversification des avoirs (43%) et l’augmentation de la rentabilité de leurs placements (46%).
La conjoncture a également joué un rôle important dans l’émergence des nouveaux investisseurs. La pandémie de COVID a fait que les particuliers ont eu davantage de temps libre « forcé » et/ou « moins de dépenses » en 2020 et 2021. Les taux d’intérêt bas, la faible rémunération de l’épargne traditionnelle, mais aussi l’inflation, la réforme des retraites, la crise énergétique et la guerre en Ukraine ont également joué un rôle dans la recherche de nouvelles opportunités financières.
Nous verrons dans notre prochain article les objectifs recherchés par ces nouveaux investisseurs.